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Le culte des reliques

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Message  Freya Ven 5 Nov 2021 - 14:43

La pratique consistant à préserver et à enchâsser les restes de saints et de héros, ou d'autres objets associés à leur vie ou à leur mort, existe depuis des milliers d'années et remonte à l'ère préchrétienne en Europe. Ces restes connus sous le nom de reliques ou « saintes reliques » constituaient une partie importante du culte chrétien tout au long du Moyen Age, jouant un rôle central dans les cultes des saints chrétiens.
Les reliques, et plus particulièrement celles de saints importants ou celles associées à Jésus-Christ ou à Marie, sont devenues si précieuses qu'au plus fort de la période médiévale, il existait une sorte de marché noir pour le commerce d'os volés, de reliquaires et d'autres objets prétendument être associés à divers saints. Et toute une industrie touristique s'est développée à partir des innombrables pèlerins qui voyageaient pour visiter les sanctuaires contenant les reliques de leurs saints vénérés.
Mais pourquoi ces reliques étaient-elles si appréciées ? Qu'est-ce qui a donné à ces restes physiques et ces soi-disant « reliques de contact » une telle importance pour les fidèles ? Comment cette pratique ancienne s'est-elle transformée en un phénomène médiéval qui s'est poursuivi jusqu'à nos jours ?

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Relique de st-François-Xavier, basilique de Québec.

Saintes reliques des saints : reliquaires d'os et de parties du corps

Le terme «relique» englobe presque tous les artefacts d'importance historique, mais lorsqu'il est utilisé en relation avec les  restes d'un saint,  il a une signification plus spécifique. La relique d'un saint fait référence à ses restes corporels, et certaines églises ont eu la chance de posséder l'intégralité des restes corporels de leur saint tandis que d'autres n'étaient en possession que d'une ou plusieurs pièces. Par exemple, les restes de sainte Catherine de Sienne sont répartis dans trois églises distinctes, sa tête et son pouce sont enchâssés à Sienne, l'un de ses pieds et trois e ses doigts reposent dans une  église de Venise et le reste de son corps est enterré à Rome.
Les restes corporels étaient souvent ensevelis dans un endroit bien en vue de l'église, soit dans une tombe entièrement fermée, soit exposés à un endroit où les fidèles pouvaient les voir. Des pièces telles que la tête de Sainte-Catherine étaient généralement présentées dans des coffrets ornés appelés reliquaires, qui pouvaient également être utilisés pour contenir des reliques « de contact ».
Les reliques de contact étaient des objets qui étaient entrés en contact avec le saint au cours de sa vie ou de sa mort, comme le  Suaire de Turin  qui est censé être le linceul de la mort de Jésus-Christ, ou encore les trois voiles de  Marie donnés à l'empereur Charlemagne .
Les pèlerins qui venaient pour voir les reliques d'une église, étaient autorisés à s'approcher du tombeau contenant les restes du saint et à toucher les reliquaires qui l'entouraient. Parfois, la tombe du saint avait de petits trous taillés dans lapierre afin que les doigts des fidèles puissent passer à l'intérieur et toucher les restes. Et certains restes étaient enfermés dans des sarcophages minutieusement conçus, qui contenaient un vide sanitaire sous l'endroit où reposaient les os, et qui étaient destinés aux passage des doigts des pèlerins.

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Reliquaire de voyage.

Rayonnement sacré : plus la relique est proche et mieux c'est pour les prières

Ces pratiques peuvent sembler étranges, mais pour une personne vivant à l'époque médiévale, il était considéré comme tout à fait normal de caresser les os d'un saint mort depuis longtemps tout en implorant son aide. La meilleure façon de comprendre pourquoi les gens faisaient cela est de comprendre le concept de « rayonnement sacré ». La plupart des pèlerins voyageaient pour rendre visite à ces saints dans un but particulier, demander l'aide du saint ou la guérison.
Des saints particuliers étaient connus pour être « spécialisés » dans certains types de  miracles de guérison, par exemple st-Laurent martyr brûlé vif sur un gril aux charbons brûlants placés dessous, était connu pour des guérisons miraculeuses associées aux douleurs dorsales, et le sang de saint Thomas Becket  était connu être particulièrement efficace pour guérir la cécité, la surdité et la lèpre.
Il était entendu à l'époque médiévale que les saints résidaient au Ciel à la gauche de Dieu (Jésus étant sa droite) et que si l'on priait à côté des restes terrestres d'un saint, cela créerait une sorte de réseau de communication divin par lequel le saint recevait les prières et les transmettait à Dieu, implorant son aide. La croyance était que plus le pèlerin était proche des restes physiques d'un saint, plus le « rayonnement sacré » était fort, rendant ainsi les prières plus efficaces et le saint plus susceptible d'intercéder en sa faveur.
Le concept de « rayonnement sacré » est ce qui différencie le culte des reliques chrétiennes de celui des autres religions, car les saints étaient davantage adorés pour leur proximité avec Dieu et leur capacité à communiquer avec Lui, plutôt que pour leurs mérites personnels.

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St-Pancrace, église st-Nicolas de Will (SG) Suisse.

Sur Terre comme au Ciel

Les reliques étaient une représentation importante du lien entre le temporel et le divin, elles transformaient l'horreur de la mort en un symbole d'espoir en représentant la vie éternelle au Ciel. Elles étaient un point de contact physique avec le divin qui permettait aux gens ordinaires de participer à l'expérience spirituelle de la communion avec Dieu et qui était généralement réservée uniquement à ceux qui étaient ordonnés dans les ordres religieux.
Les saints étaient un moyen important par lequel les laïcs pouvaient participer à la religion, parce que leurs reliques sont restées sur Terre après que leurs âmes soient montées au Ciel, ce qui leur a permis de rester actifs sur les deux plans.
Le culte des reliques a joué un rôle central dans la popularisation du christianisme au sein de la population générale dans toute l'Europe au  Moyen Age car, il permettait une pratique plus individualisée et indépendante de la religion « vécue ». Partir en pèlerinage pour visiter le sanctuaire d'un saint amenait les fidèles à un contact personnel étroit avec les objets de leur foi, et il était de pratique courante pour les églises de vendre de petites reliques comme souvenirs pour les pèlerins à utiliser pour le culte une fois rentrés chez eux.
L'authenticité de ces souvenirs est douteuse, par exemple les fioles de sang de Becket vendues aux  pèlerins à Cantorbéry, auraient contenu une goutte de sang de saint Thomas Becket mélangée à de l'eau bénite pour être utilisée pour la guérison mais, étant donné le nombre élevé de ces « reliques » qui furent vendues, il est plus probable que les fioles ne continrent que de l'eau bénite et non pas du sang du saint.
Avant l'explosion de la popularité du culte des reliques et du pèlerinage qui eurent lieu au Haut Moyen Age, le culte chrétien reposait sur ceux qui étaient éduqués par des institutions religieuses pour comprendre et interpréter la bible et d'autres textes religieux puis, de transmettre leurs connaissances au public non éduqué à travers les sermons et autres actions. Les cultes des reliques ont ramené le culte chrétien à un niveau plus personnel et intime et ont démocratisé la religion en permettant une plus grande liberté d'interprétation dans la façon dont les individus choisissaient de pratiquer leur foi.

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Relique de st-Vincent de Paul.

Les reliques comme représentation physique de l'histoire

Les reliques avaient également une signification autre que spirituelle, en tant que représentation physique de l'histoire. Comme la plupart des laïcs ne savaient ni lire ni écrire dans l'Europe médiévale, l'association avec des bâtiments et des objets tels que des reliques était un moyen important de préserver et de transmettre la mémoire. Les reliques symbolisaient le lien entre un lieu et son histoire, agissant comme un rappel des récits qui définissaient l'identité du lieu.
Parfois, l'association entre les deux était représentée littéralement aussi bien que symboliquement, comme le sanctuaire de st-Edmond à l'église de Bury-St-Edmunds, qui était entouré d'œuvres d'art représentaient des scènes de textes écrits sur sa vie et sa mort aux mains des Danois.
La possession de reliques était un élément essentiel de la façon dont les églises médiévales s'associèrent à leur propre histoire et authentifièrent leurs traditions et leurs revendications territoriales. Les lieux ont souvent reçu des noms associés à des légendes et des récits provenant de cette région afin d'implanter l'histoire locale dans le paysage.
Par exemple, Bury-St-Edmunds était auparavant connu sous le nom de Beodricesworth, mais lorsque le corps de  st-Edmond y a  été enterré au Xe siècle, la ville est devenue Bury-St-Edmunds pour des raisons évidentes. Le monastère de Bury prétendait posséder l'intégralité des restes corporels de st-Edmond, ce qui lui accordait la protection du saint et de la ville, et cela signifiait également que le saint y « résidait », de sorte que tout pèlerin souhaitant prier st-Edmond y était attiré comme lieu de contact le plus fort avec sa présence terrestre.
Créer des liens solides avec un saint à travers ses restes terrestres pouvait également avoir d'autres avantages pour une église, comme gagner le soutien d'un roi ou d'un noble qui favorisait ce saint ou attirer le tourisme dans la région si le saint était populaire auprès des pèlerins. Les avantages de posséder des reliques étaient si attrayants que, parfois, une institution recourait au vol ou à l'acquisition malhonnête de reliques.
L'histoire de st-Dustan de Cantorbéry est l'un des exemples les plus célèbres de vol présumé de reliques, bien qu'elle se soit avérée fausse quelque 200 ans plus tard lorsque la tombe de Dunstan à Cantorbéry fut ouverte et qu'elle contenait ses ossements.
Il a été affirmé dans les Antiquités de Glastonbury de Guillaume de Malmesbury que lorsque le monastère de Cantorbéry fut saccagé par les Vikings en 1011, quatre moines de Glastonbury allèrent récupérer les reliques du saint patron de Cantorbéry, Dunstan, à la demande du roi qui avait visiter Glastonbury à l'époque. Les restes de st-Dunstan ont ensuite été cachés dans l'église de Glastonbury, identifiés uniquement par une bague au doigt portant l'insigne du saint.

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Reliquaire recelant un bout de la couronne du Christ déposée à ND de Paris par st-Louis en 1248.

Les reliques comme instruments politique

De la même manière qu'une église ou une ville pouvait se connecter à son histoire par le biais de reliques, les monarques pouvaient utiliser des reliques pour représenter leur autorité. Au début et au milieu de la période médiévale, de nombreux rois possédaient de vastes collections personnelles de reliques qui agissaient comme un symbole de la piété et du prestige personnels du souverain tout en démontrant simultanément leur lien avec l'histoire du pays qu'ils gouvernaient, ainsi qu'en manifestant la protection et le patronage d'un saint particulier.
Les reliques de ces collections pouvaient être utilisées comme cadeaux - les monarques offraient souvent des reliques à diverses églises en signe de faveur ou pour gagner leur soutien politique - et elles pouvaient également être utilisées dans le cadre d'échanges diplomatiques : au Xe siècle, le roi Athelstan d'Angleterre rencontra le comte Adelolf de Boulogne, ambassadeur d'Hugues le Grand, le roi fut doté de l'épée de Constantin contenant un clou de la crucifixion du Christ dans le pommeau, ainsi qu'un bout de la Vraie Croix, une portion de la couronne d'épines, et la lance ayant percé le côté du Christ  sur la croix.

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Reliquaire du st-Sang, Venise. Volé à Constantinople lorsque le Doge Dandolo détourna la 4e croisade de Jérusalem vers Constantinople.

Les reliques pouvaient également servir à des fins plus sinistres en tant que cadeaux, représentant la domination politique sur le territoire d'un autre souverain. Il existe de nombreux cas de reliques pillées dans des églises lors de raids tout au long de l'ère médiévale, mais des reliques pouvaient également être données en signe de soumission comme la couronne du roi Arthur. Bien qu'il n'était pas un saint, les reliques d'Arthur étaient néanmoins imprégnées de la même signification et lorsque le roi Édouard Ier a vaincu le roi gallois Llewellyn II en 1283, il reçut la couronne d'Arthur en gage de sa victoire.
L'autre rôle important que les reliques remplissaient en politique médiévale était plus conforme à leur signification en tant qu'objets spirituels. Comme les reliques étaient considérées comme un point de contact avec le divin, elles étaient souvent utilisées pour « présider » les processus gouvernementaux et d'autres affaires politiques importantes, symbolisant l'autorité ultime reconnue par tous les peuples médiévaux : Dieu. La présence de Dieu, à travers les saintes reliques de ses saints, validait les jugements ou les serments faits par les dirigeants terrestres.
En 876, le roi Alfred le Grand demanda à ses ennemis danois de lui prêter serment sur les reliques qu'il tenait à la main, et la célèbre Tapisserie de Bayeux représente le vaincu, Harold Godwine, prêtant serment de fidélité à Guillaume le Conquérant au sommet d'un autel en tenant un reliquaire. Il existe des preuves que des reliques peuvent même avoir été utilisées pour célébrer la cérémonie de couronnement des rois anglais à l'époque pré-normande.
Les reliques furent d'une telle importance dans tant d'aspects de la vie religieuse, politique et culturelle médiévale qu'elles s'enracinèrent dans la société chrétienne européenne. La culture des reliques continue de jouer un rôle important dans la vie des chrétiens d'aujourd'hui à travers l'Europe, malgré les efforts visant à supprimer la pratique du culte des reliques pendant la Réforme au XVIe siècle.

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Châsse de la cathédrale de Compostelle contenant les restes de st-Jacques.

Aujourd'hui, les pèlerins continuent de visiter des sanctuaires tels que le lieu de sépulture de st-Jacques à Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne, ou la cathédrale Notre-Dame de Paris qui abrite plusieurs reliques de la crucifixion de Jésus. La signification spirituelle et culturelle de ces reliques a été tramée dans le tissu des sociétés chrétiennes occidentales et n'est donc pas susceptible de devenir elle-même une «relique» du passé de si tôt.

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Références :

Bentley, James. 1985.  Restless Bones: the story of relics . Constable.

Pinner, Rebecca. 2015  The Cult of St Edmond in Medieval East Anglia . Boydell Press.

Rollason, D. W. 1986. “Relic-cults as an instrument of royal policy c. 900—c. 1050.”  Anglo-Saxon England  15

Yarrow, Simon. 2014. "Miracles, Belief and Christian Materiality: Relic’ing in Twelfth- Century Miracle Narratives." In  Contextualizing Miracles in the Christian West 1100-1500: New Historical Approaches , ed. Matthew M. Mesley and Louise E. Wilson. The Society for the Study of Medieval Languages and Literature.
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