Un cadavre en procès
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Un cadavre en procès
Au cours des IXe et Xe siècles, à l'époque déjà pris dans les machinations politiques de l'Europe, le Vatican vit une kyrielle de papes se succéder très rapidement sur le trône de st-Pierre. Mais en janvier 897, la situation atteignit son paroxysme avec le procès ecclésiastique posthume du pape Formose.
Un cardinal-évêque
Cardinal-évêque, il vaqua pendant une décennie comme missionnaire en Bulgarie et en France. Ne supportant plus la politique du Vatican et de Rome, Formose décida de quitter définitivement la ville. Cependant, avant de partir, il convainquit le pape Jean VIII (appelé aussi la "papesse Jeanne" en raison de sa faiblesse envers l'église de Constantinople) de couronner le roi des francs Charles le Chauve, empereur du Saint Empire Romain Germanique, 75 ans après Charlemagne. Devenu papable et donc un concurrent potentiel, Jean VIII l'accusa de corrompre les Bulgares et de saper l'autorité papale étant donné que les Bulgares refusaient tout évêque à l'exception de Formose. Déposé et frappé d'excommunication, celle-ci fut levée après qu'il ait promis de ne jamais revenir à Rome ni d'exercer de fonctions sacerdotales. En 882, Jean VIII fut assassiné. D'abord empoisonné, son assassin impatient de le voir trépasser, l'acheva à coups de marteau sur la tête. En l'espace de 9 ans, succédèrent à Jean VIII, Marin Ier qui gracia Formose et le réintégra dans ses titres et fonctions, Adrien III et Etienne V. En 891, peu de temps avant de décéder, Etienne V consacra empereur d'Occident ou du Saint Empire Romain Germanique, le Franc Guy III de Spolète (Rome, Italie). La même année, Formose fut élu pape. Une année plus tard, Formose fut forcé de consacrer empereur Lambert de Spolète, fils de Guy, soi-disant dans le but de l'associer à son gouvernement. Reniant désormais la famille de Spolète, Formose fit appel à la mort de Guy en 894, à Arnulf de Carinthie qu'il couronna empereur, ce que Lambert de Spolète et sa mère Ageltrude ne lui pardonnèrent pas.
Durant les 5 ans de son règne, Formose se fit beaucoup d'ennemis dans les hautes sphères du pouvoir, aussi bien à Constantinople que dans le Saint Empire Romain Germanique ou encore en Italie, et même au sein de l'église elle-même. Il mourut en 896 officiellement "frappé de paralysie", ce qui pourrait tout aussi bien signifier un empoisonnement.
Une mascarade sordide
Mais la mort de Formose ne suffit pas à satisfaire les rancunes de Lambert de Spolète et surtout celle de sa mère Ageltrude et, neuf mois plus tard (il fallut bien attendre un peu que le corps fut plus présentable !), sous leur pression, le nouveau pape Étienne VI (sacré évêque par Formose)ordonna l'exhumation du cadavre de l'ancien pontife de la basilique de Latran. Ce fut sur un siège haut recouvert d'un drap rouge pour la circonstance, que le corps de Formose fut placé dans une position inclinée due à la rigidité cadavérique. Tandis que des quantités importantes de granules d'encens étaient jetées sur le feu de braseros pour tenter de masquer l'odeur putride de la chair en décomposition, sa chemise de poils de chèvre garnie de pointes de fer lui fut retirée non sans mal, dévoilant sur le thorax, une blessure probablement due au fer d'une lance. Le pape était en train de lever une armée contre les Spolète quand il mourut probablement assassiné. On ne lui laissa pour seul vêtement que son cilice aux pointes de fer trop profondément incrustées dans la chair de sa taille.
Une odieuse procédure
Devant une assemblée synodale appelée le concile cadavérique et présidée par le pape Etienne VI, le cadavre de Formose fut ensuite revêtu de ses vêtement pontificaux. Son avocat minable, un simple diacre terrifié, accroupi derrière le siège haut de Formose que la putréfaction du cadavre rendait malade, répondait pour lui aux questions clairement orientées du pape, sans prendre la défense de son client.
La vie de Formose fut passée au peigne fin. Ses difficultés avec Jean VIII qui en fait, reposaient sur les revendications politiques d'un continent déchiré, lui furent reprochées. Il fut accusé de parjure, d'avoir convoité le trône de st-Pierre en tant que laïc et d'avoir violé les canons de l'église lorsqu'il était pape. Ses actes furent déclarés nuls et plus spécialement les ordinations qu'il avait faites durant son pontificat. Mais seuls les clercs romains ordonnés par lui furent déposés et jamais réordonnés, tandis que ceux des pays étrangers et donc hors d'atteinte, ne furent jamais inquiétés. Et bien entendu, le mort fut reconnu coupable de tous les chefs d'accusation. Déclaré intrus, son cadavre fut dépouillé de ses vêtements pontificaux, et les trois doigts de sa main droite qui avaient béni furent tranchés. On ne lui laissa une fois encore, que le cilice ceignant sa taille car trop profondément incrusté dans la chair. Puis, il fut jeté dans une tombe du cimetière des étrangers, hors de toute terre consacrée. Ce fut la partie abêtie, ignoble et corrompue de la populace qui l'exhuma pour le jeter dans le Tibre. Il se retrouva pris dans un filet de pêcheur et fut ré-enterré à st-Pierre cette fois, quelque temps plus tard, quand des procès contre des défuntes furent interdits.
Une époque difficile pour les papes
On peut se poser la question pourquoi tant de papes furent assassinés. Aux IXe et Xe siècle, les royaumes et les fiefs séculaires ne soutenaient un candidat à la papauté que lorsqu'ils avaient la certitude qu'ils bénéficieraient des avantages d'une allégeance privilégiée. Formose avait soutenu Arnulf de Carinthie contre Lambert de Spolète, issu de l'une des familles romaines les plus aisées et il en paya le prix.
La vengeance d'un peuple
Pape des pauvres, Formose était aimé du peuple. Quand la nouvelle de sa mort fut connue, des émeutes éclatèrent dans les rues de Rome et l'église sa hâta de nommer un nouveau pape et installa en toute hâte Boniface VI sur le trône pontifical mais celui-ci mourut deux semaines plus tard, soit d'arthrite, soit de poison. Etienne VI que l'on disait fou, instrument des Spolète avides de vengeance, lui succéda. Cependant, le drame du concile cadavérique échauffa les esprits contre Etienne VI. Fatigué des intrigues de l'église, une insurrection le jeta à bas de son trône. Le peuple le mit à nu, comme il fit avec le cadavre de Formose. Dans un premier temps, il fut interné dans un monastère puis jeté en prison avant d'être étranglé (juillet 897).
Epilogue
Le duc Lambert de Spolète mourut un an plus tard, soit des suites d'une chute de cheval, soit par le poison. Sa mère, la princesse Ageltrude mourut de mort naturelle 25 ans après son fils.
Un cardinal-évêque
Cardinal-évêque, il vaqua pendant une décennie comme missionnaire en Bulgarie et en France. Ne supportant plus la politique du Vatican et de Rome, Formose décida de quitter définitivement la ville. Cependant, avant de partir, il convainquit le pape Jean VIII (appelé aussi la "papesse Jeanne" en raison de sa faiblesse envers l'église de Constantinople) de couronner le roi des francs Charles le Chauve, empereur du Saint Empire Romain Germanique, 75 ans après Charlemagne. Devenu papable et donc un concurrent potentiel, Jean VIII l'accusa de corrompre les Bulgares et de saper l'autorité papale étant donné que les Bulgares refusaient tout évêque à l'exception de Formose. Déposé et frappé d'excommunication, celle-ci fut levée après qu'il ait promis de ne jamais revenir à Rome ni d'exercer de fonctions sacerdotales. En 882, Jean VIII fut assassiné. D'abord empoisonné, son assassin impatient de le voir trépasser, l'acheva à coups de marteau sur la tête. En l'espace de 9 ans, succédèrent à Jean VIII, Marin Ier qui gracia Formose et le réintégra dans ses titres et fonctions, Adrien III et Etienne V. En 891, peu de temps avant de décéder, Etienne V consacra empereur d'Occident ou du Saint Empire Romain Germanique, le Franc Guy III de Spolète (Rome, Italie). La même année, Formose fut élu pape. Une année plus tard, Formose fut forcé de consacrer empereur Lambert de Spolète, fils de Guy, soi-disant dans le but de l'associer à son gouvernement. Reniant désormais la famille de Spolète, Formose fit appel à la mort de Guy en 894, à Arnulf de Carinthie qu'il couronna empereur, ce que Lambert de Spolète et sa mère Ageltrude ne lui pardonnèrent pas.
Durant les 5 ans de son règne, Formose se fit beaucoup d'ennemis dans les hautes sphères du pouvoir, aussi bien à Constantinople que dans le Saint Empire Romain Germanique ou encore en Italie, et même au sein de l'église elle-même. Il mourut en 896 officiellement "frappé de paralysie", ce qui pourrait tout aussi bien signifier un empoisonnement.
Une mascarade sordide
Mais la mort de Formose ne suffit pas à satisfaire les rancunes de Lambert de Spolète et surtout celle de sa mère Ageltrude et, neuf mois plus tard (il fallut bien attendre un peu que le corps fut plus présentable !), sous leur pression, le nouveau pape Étienne VI (sacré évêque par Formose)ordonna l'exhumation du cadavre de l'ancien pontife de la basilique de Latran. Ce fut sur un siège haut recouvert d'un drap rouge pour la circonstance, que le corps de Formose fut placé dans une position inclinée due à la rigidité cadavérique. Tandis que des quantités importantes de granules d'encens étaient jetées sur le feu de braseros pour tenter de masquer l'odeur putride de la chair en décomposition, sa chemise de poils de chèvre garnie de pointes de fer lui fut retirée non sans mal, dévoilant sur le thorax, une blessure probablement due au fer d'une lance. Le pape était en train de lever une armée contre les Spolète quand il mourut probablement assassiné. On ne lui laissa pour seul vêtement que son cilice aux pointes de fer trop profondément incrustées dans la chair de sa taille.
Une odieuse procédure
Devant une assemblée synodale appelée le concile cadavérique et présidée par le pape Etienne VI, le cadavre de Formose fut ensuite revêtu de ses vêtement pontificaux. Son avocat minable, un simple diacre terrifié, accroupi derrière le siège haut de Formose que la putréfaction du cadavre rendait malade, répondait pour lui aux questions clairement orientées du pape, sans prendre la défense de son client.
La vie de Formose fut passée au peigne fin. Ses difficultés avec Jean VIII qui en fait, reposaient sur les revendications politiques d'un continent déchiré, lui furent reprochées. Il fut accusé de parjure, d'avoir convoité le trône de st-Pierre en tant que laïc et d'avoir violé les canons de l'église lorsqu'il était pape. Ses actes furent déclarés nuls et plus spécialement les ordinations qu'il avait faites durant son pontificat. Mais seuls les clercs romains ordonnés par lui furent déposés et jamais réordonnés, tandis que ceux des pays étrangers et donc hors d'atteinte, ne furent jamais inquiétés. Et bien entendu, le mort fut reconnu coupable de tous les chefs d'accusation. Déclaré intrus, son cadavre fut dépouillé de ses vêtements pontificaux, et les trois doigts de sa main droite qui avaient béni furent tranchés. On ne lui laissa une fois encore, que le cilice ceignant sa taille car trop profondément incrusté dans la chair. Puis, il fut jeté dans une tombe du cimetière des étrangers, hors de toute terre consacrée. Ce fut la partie abêtie, ignoble et corrompue de la populace qui l'exhuma pour le jeter dans le Tibre. Il se retrouva pris dans un filet de pêcheur et fut ré-enterré à st-Pierre cette fois, quelque temps plus tard, quand des procès contre des défuntes furent interdits.
Une époque difficile pour les papes
On peut se poser la question pourquoi tant de papes furent assassinés. Aux IXe et Xe siècle, les royaumes et les fiefs séculaires ne soutenaient un candidat à la papauté que lorsqu'ils avaient la certitude qu'ils bénéficieraient des avantages d'une allégeance privilégiée. Formose avait soutenu Arnulf de Carinthie contre Lambert de Spolète, issu de l'une des familles romaines les plus aisées et il en paya le prix.
La vengeance d'un peuple
Pape des pauvres, Formose était aimé du peuple. Quand la nouvelle de sa mort fut connue, des émeutes éclatèrent dans les rues de Rome et l'église sa hâta de nommer un nouveau pape et installa en toute hâte Boniface VI sur le trône pontifical mais celui-ci mourut deux semaines plus tard, soit d'arthrite, soit de poison. Etienne VI que l'on disait fou, instrument des Spolète avides de vengeance, lui succéda. Cependant, le drame du concile cadavérique échauffa les esprits contre Etienne VI. Fatigué des intrigues de l'église, une insurrection le jeta à bas de son trône. Le peuple le mit à nu, comme il fit avec le cadavre de Formose. Dans un premier temps, il fut interné dans un monastère puis jeté en prison avant d'être étranglé (juillet 897).
Epilogue
Le duc Lambert de Spolète mourut un an plus tard, soit des suites d'une chute de cheval, soit par le poison. Sa mère, la princesse Ageltrude mourut de mort naturelle 25 ans après son fils.
Freya- Messages : 1338
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