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Les Gorgones ou la condition féminine dans l'antiquité gréco-égyptienne

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Les Gorgones ou la condition féminine dans l'antiquité gréco-égyptienne Empty Les Gorgones ou la condition féminine dans l'antiquité gréco-égyptienne

Message  Freya Ven 19 Jan 2018 - 14:21

Des Trois Gorgones, seule Méduse était mortelle. Et, une fois encore, Méduse n'est qu'une addition de plus apportée par les Grecs à une divinité primordiale égyptienne, la déesse Neith, à laquelle les Egyptiens attachaient une grande importance puisque reine des dieux du ciel, souveraine des dieux de la terre, première advenue des divinités surgies à l'origine et qui commença d'être avant que ne fussent ceux qui devaient être, et que les Grecs traitèrent très cavalièrement.

Les Grecs n'ont pas seulement identifié les dieux égyptiens à leurs propres dieux, mais ils ont utilisé en créateurs ce que la civilisation égyptienne leur fournissait en le faisant entrer dans le cadre de leur civilisation. Presque tout, sinon tout ce que les auteurs classiques rapportent de la religion égyptienne est défiguré par rapport aux conceptions égyptiennes originales et la déesse Neith n'a pas fait exception.

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Neith

Les Egyptiens le disent eux-mêmes, originaire de Libye, Neith est la transposition de la déesse chtonienne d'une société matriarcale, et en tant que telle, le symbole du serpent était son ou l'un de ses attributs. En effet, vivant et se déplaçant à même le sol, c'est-à-dire à la limite des mondes médian et inférieur ou, visible et invisible, le serpent est associé à la continuité de la vie et, vu sa capacité de changer de peau qui passe par une expérience de vie-mort-renaissance, il est également associé à la transmutation d'une expérience à l'autre, d'un niveau d'expérience à un autre. Neith est donc une puissante  incarnation de la force et du pouvoir féminins car toute chose naît de la femme et toute chose vient à l'existence par le principe féminin. L'enchevêtrement de serpents qui se veut être la chevelure de Méduse, n'est autre qu'un symbole chtonien. Bien qu'étêtée, le regard de Méduse continue de pétrifier tous ceux dont elle croise le regard et son sang, poison ou remède miracle, continuera de tuer ou de guérir.  Nés de son sang, Pégase et Chrysor, sont donc le symbole de la puissance du sang féminin, mais aussi du cycle éternel de la vie, de la mort  et de la renaissance que représente leur mère.

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Un bronze du musée d'Olympie, montre Méduse entourée de trois ailes, rappelant tout de même son rang égyptien de reine des dieux du ciel.

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Ce modèle fut repris bien plus tard par les Siciliens.

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Les Egyptiens associèrent Neith à la déesse-cobra Ouadjet et en firent les gardiennes de la couronne rouge de la Basse-Egypte. Neith est souvent représentée portant la couronne rouge sur laquelle se dresse Ouadjet dont le rôle est aussi de protéger Pharaon des ennemis en les menaçant de cracher sur eux le feu de son venin. Ouadjet  a donc le pouvoir d'utiliser le pouvoir du Feu d'une manière correcte. Dame de la guerre et des armes des guerriers tombés au combat, Neith portait souvent dans l'une de ses mains deux flèches croisées et dans l'autre un large bouclier qu'elle portait parfois sur la tête. Bien plus tard, les Grecs assimileront Athéna à Neith en ajoutant la tête de Méduse sur son Egide, lui octroyant du même coup l'invincibilité de Neith à la guerre.

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Les Romains quant à eux, furent plus subtils que les Grecs, ils firent de Méduse la gardienne de leurs cités, de leurs maisons, de leurs temples, de leurs monuments et bâtiments publics. Ils en firent également un emblème militaire en montant son effigie en figure de proue sur leurs navires de guerre, sur leurs boucliers et sur les cuirasses de leurs officiers. A noter que, jusqu'en 1930, les ceinturons de la Garde Républicaine française étaient ornés de médailles à l'effigie de Méduse.

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A présent, deux questions se posent. Primo, pourquoi les Grecs firent-ils de cette douce Déesse-Mère, un monstre aussi grossier et répugnant ? Secundo, pourquoi s'en sont-ils pris à une déesse égyptienne ?

1. L'antique société patriarcale grecque exclut les étrangers, les esclaves et les femmes, et pratique l'homosexualité. Elle est donc une société exclusivement masculine qui ne manifeste que fort peu d'intérêt pour les femmes. Si les étrangers et les esclaves peuvent obtenir la citoyenneté, ce ne sera jamais le cas des femmes qui ne possèderont jamais aucun droit civique ou juridique. Tous les auteurs classiques montrent la réalité quotidienne des Athéniennes comme des mineures demeurant toute leur vie sous la tutelle de leur père, de leur époux, de leur fils ou d'un parent proche. Seule héritière des biens de sa famille, en l'absence de tout descendant mâle, la loi l'oblige à épouser son plus proche parent. Jamais un juge ne s'adressera directement à elles, jamais il ne prononcera son nom, uniquement ceux des hommes de son proche entourage. Le divorce sur l'initiative de l'épouse n'est normalement pas permis, seul son tuteur peut le faire. Prise en flagrant délit d'adultère, la femme est renvoyée. Quant à l'homme, il n'est pas soumis à ce genre de restriction, l'adultère masculin étant inexistant, il peut même si tel est son bon plaisir, introduire une concubine dans le foyer conjugal. Au théâtre, ce sont les hommes qui font parler les femmes et qui jouent les rôles féminins avec un masque et une robe de femme. Les auteurs grecs n'ont cessé de multiplier les critiques sur la nature physique et physiologique des femmes. Ainsi, Hésiode  dans "Les Travaux et les Jours" dépeint Pandora, en femme superficielle, curieuse, désobéissante, sans jugement et imprudente puisqu'en ouvrant la fameuse boîte qui porte son nom elle répand sur l'humanité tous les maux dont nous souffrons. Comme Eve, Pandora est donc non seulement responsable, mais encore coupable de la perte de l'âge d'or pour l'homme !
Dans "Hyppolite porte-couronne" (vers -616-618), Euripide écrit : : "Je hais la femme intelligente. Qu'il n'y ait pas chez moi une femme plus intelligente que ce qui convient à son sexe. "
Dans "La guerre du Péloponnèse" (II, 45.)Thucydide écrit : "On vous tiendra en haute estime si vous ne vous montrez pas inférieures à votre nature de femme et si vous vous conduisez de telle sorte que les hommes parlent de vous le moins possible, soit pour vous louer, soit pour vous critiquer."
Dans "Iphigénie à Aulis", Euripide dit : "La vie d'un seul homme, sous le soleil, est plus précieuse que celle de milliers de femmes."
Dans "Antigone", Sophocle dit : "Tant que je vivrai, une femme n'aura jamais le pouvoir! S'il faut périr, mieux vaut tomber sous la main d'un homme, que d'être appelé inférieur à une femme."
Dans "Les Choéphores", Eschyle écrit : "Mais qui dira l'audace sans bornes de l'homme et les amours effrénées des femmes au cœur impudent et les malheurs qui en sont inséparables. L'amour en délire qui s'empare des femelles détruit l'union des couples chez les bêtes et chez les hommes."
Même Hypocrate explique la naissance des filles comme la conséquence de la corruption du sperme par les « humeurs » du corps féminin... et prétend que l'attirance exclusive pour les femmes relève d'un manque de virilité... ce qui nous donne à comprendre pourquoi les artistes grecs sculptaient des corps masculins nus, beauté incarnée, et cachaient sous les plis des robes, les corps féminins trop marqués par la maternité et donc imparfaits.

Et pour clore le beau tableau de la civilisation grecque antique, il faut rappeler tout de même qu'il existait une exception, celle de la cité militaire de Sparte qui attribuait à la femme une place bien plus importante que leurs rivaux athéniens. Les filles y étaient élevées comme les garçons et soumises aux mêmes exercices physiques et sportifs en plein air, légèrement vêtues. Et lors des premiers jeux olympiques, les femmes de Sparte concouraient au même titre que les hommes de Sparte. Puis, sous la pression des autres cités grecques qui hurlaient au scandale devant ces "montreuses de cuisses", les citoyennes de Sparte se virent interdites non seulement de participer, mais aussi d'assister aux compétitions sur les gradins !
Après le mariage, la Spartiate est très libre. Elle a le droit de remplir un rôle primordial pour la Cité, elle joue un certain rôle politique, se doit de s'occuper de la vie économique, de la gestion des biens, etc. pendant que les hommes sont encasernés. Et la loi l'autorise même à prendre un amant en l'absence d'homme au foyer, la procréation étant essentielle pour la Cité militaire.

2. A présent, nous en venons à la raison du choix d'une déesse égyptienne.
Pas plus que les femmes de Sparte, les Grecs de l'Antiquité n'ont apprécié les Egyptiennes qui étaient les égales de l'homme. Les filles allaient à l'école au même titre que les garçons. Les Egyptiennes étaient libres  de se marier, elle avait le choix de leur époux et leur père n'avait pas le droit de leur imposer un prétendant. Elles savaient donc lire et écrire et pouvaient mener, contrairement aux Grecques, une vie professionnelle. Elles sont ouvrières, artisanes et occupent des postes à responsabilité dans l'administration. Ainsi, au cours de la VIe dynastie, Dame Nébet était vizir, c'est-à-dire le personnage le plus important et le plus puissant directement après Pharaon et aux pouvoirs beaucoup plus étendus qu'un premier ministre de notre époque. Elles pouvaient intervenir librement au cours de procès, ou d'actes juridiques et pouvaient se présenter aussi bien en tant que plaignante, témoin ou même accusée. A la mort des parents, l'héritage était partagé en parts égales entre tous les enfants, filles et garçons, sauf en cas de testament enregistré. Dans la statuaire égyptienne, les femmes sont représentées autant que les hommes, et l'on rencontre très souvent des représentations de couples assis côte à côte et ayant des gestes de tendresse l'un pour l'autre.

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Les Grecs considéraient donc comme profondément immoral que non seulement l'Egyptienne n'était soumise que temporairement à son père, qu'elle était l'égale de son mari auquel elle n'était pas soumise, et en aucun cas à son fils, que célibataire elle conservait son autonomie juridique et financière, mais encore, le summum pour les Grecs de la fin de la civilisation égyptienne : dans la mythologie égyptienne c'est un homme, Seth, qui est responsable et coupable de la perte de l'âge d'or pour l'humanité, et c'est par une femme, Isis, que cette dernière est sauvée !

Pour les Grecs de l'antiquité, il fallait donc faire le maximum pour tenter de neutraliser coûte que coûte toute tentative de pouvoir et de velléité d'indépendance féminine afin de pouvoir maintenir les  femmes sous leur strict contrôle, et Médusa comme les écrits des auteurs classiques (dont quelques extraits ci-dessus) fut l'une de leurs inventions destinées à servir leur dessein.
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