Un poison létal découvert sur des couvertures de livres médiévaux
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Un poison létal découvert sur des couvertures de livres médiévaux
Certains se souviendront peut-être du livre empoisonné d'Aristote qui joue un rôle essentiel dans l'intrigue du roman porté à l'écran d'Umberto Eco en 1980, Le nom de la rose*. Empoisonné par un moine bénédictin fou, le livre fait des ravages dans un monastère italien du XIVe siècle, tuant tous les lecteurs qui portent leurs doigts à la bouche en tournant les pages toxiques. Est-ce qu'une chose semblable pourrait arriver dans la réalité par empoisonnement par les livres ?
* https://www.nybooks.com/articles/1983/07/21/murder-in-the-monastery/
De récentes recherches l'indiquent. Il a été constaté que trois livres rares relatant divers sujets historiques dans la collection de la bibliothèque de l'Université du Danemark du Sud, contenaient de grandes concentrations d'arsenic dans leurs couvertures. Les livres datent des XVIe et XVIIe siècles.
Les qualités toxiques de ces livres ont été détectées en effectuant une série d'analyses de fluorescence X (micro-XRF). La technologie Micro-XRF est largement utilisée dans les domaines de l'archéologie et de l'art, lors de l'étude des éléments chimiques de la poterie et des peintures, par exemple.
Un vert éclatant
La raison pour laquelle ces trois livres rares ont été apportés au laboratoire de radiologie était que la bibliothèque avait déjà découvert que des fragments de manuscrits médiévaux, tels que des copies de droit romain et de droit canonique, étaient utilisés pour faire leurs couvertures. Il est bien documenté* que les relieurs européens des XVIe et XVIIe siècles avaient l'habitude de recycler des parchemins plus anciens.
* https://medievalbooks.nl/2015/12/18/x-rays-expose-a-hidden-medieval-library/
Une tentative eut lieu pour identifier les textes latins utilisés ou du moins une partie de leur contenu. Mais, il fut constaté que les textes latins dans les couvertures des trois volumes étaient difficiles à lire en raison d'une vaste couche de peinture verte qui obscurcissait les vieilles lettres manuscrites. Ils furent donc apportés au labo. L'idée était de filtrer la couche de peinture à l'aide de micro-XRF et de se concentrer sur les éléments chimiques de l'encre en dessous, par exemple sur le fer et le calcium, dans l'espoir de rendre les lettres plus lisibles pour les chercheurs de l'université.
Mais l'analyse XRF a révélé que la couche de pigment vert était de l'arsenic. Cet élément chimique fait partie des substances les plus toxiques au monde et l'exposition peut entraîner divers symptômes d'intoxication, le développement de cancers et même la mort.
L'arsenic (As) est un métalloïde naturel omniprésent. Dans la nature, l'arsenic est généralement combiné avec d'autres éléments tels que le carbone et l'hydrogène. C'est ce qu'on appelle l'arsenic organique. L'arsenic inorganique, qui peut se présenter sous une forme métallique pure ainsi que dans des composés, est la variante la plus nocive. La toxicité de l'arsenic ne diminue pas avec le temps.
Selon le type et la durée de l'exposition, divers symptômes d'empoisonnement à l'arsenic comprennent un estomac irrité, des intestins irrités, des nausées, des diarrhées, des changements cutanés et une irritation pulmonaire.
Il est supposé que le pigment vert contenant de l'arsenic trouvé sur les couvertures des livres est le vert de Paris, l'acétate de cuivre(II) triarsénite ou l'acétoarsénite de cuivre(II) Cu(C₂H₃O₂)₂·3Cu(AsO₂)₂, également connu sous le nom de «vert émeraude», en raison de ses nuances vertes accrocheuses, similaires à celles de la pierre précieuse populaire.
Le pigment d'arsenic – une poudre cristalline – est facile à fabriquer et a été couramment utilisé à de multiples fins, en particulier au XIXe siècle. La taille des grains de poudre influe sur la tonalité des couleurs, comme on le voit dans les peintures à l'huile et les laques. Les grains plus gros produisent un vert plus foncé distinct et les grains plus petits un vert plus clair. Le pigment est surtout connu pour l'intensité de sa couleur et sa résistance à la décoloration.
Un pigment du passé
La production industrielle de vert de Paris a été initiée en Europe au début du XIXe siècle. Les peintres impressionnistes et postimpressionnistes ont utilisé différentes versions du pigment pour créer leurs chefs-d'œuvre éclatants. Cela signifie que de nombreuses pièces de musée contiennent aujourd'hui ce poison. A son apogée, tous les types de matériaux, même les couvertures de livres et les vêtements, pouvaient être enduits de vert de Paris pour des raisons esthétiques. Bien entendu, un contact cutané continu avec la substance entraînait des symptômes d'exposition.
Mais dans la seconde moitié du XIXe siècle, les effets toxiques de la substance étaient plus connus et la variante de l'arsenic a cessé d'être utilisée comme pigment et a été plus fréquemment utilisée comme pesticide sur les terres agricoles. D'autres pigments ont été trouvés pour remplacer le vert de Paris dans les peintures et l'industrie textile, etc. Au milieu du XXe siècle, l'utilisation sur les terres agricoles a également été progressivement supprimée.
Dans le cas des livres précités, le pigment n'a pas été utilisé à des fins esthétiques. Une explication plausible de l'application – peut-être au XIXe siècle – du vert de Paris sur les livres anciens pouvait être de les protéger contre les insectes et la vermine.
Dans certaines circonstances, les composés de l'arsenic, tels que les arséniates et les arsénites, peuvent être transformés par des micro-organismes en arsine (AsH₃) – un gaz hautement toxique avec une odeur distincte d'ail. Les histoires sinistres* de papiers peints verts victoriens prenant la vie d'enfants dans leurs chambres sont connues pour être factuelles.
* https://hyperallergic.com/329747/death-by-wallpaper-alluring-arsenic-colors-poisoned-the-victorian-age/
Désormais, la bibliothèque stocke les trois volumes empoisonnés dans des cartons séparés avec des étiquettes de sécurité dans une armoire ventilée. Il est également prévu de les numériser pour minimiser les manipulations physiques. On ne s'attend pas à ce qu'un livre contienne une substance toxique mais cela n'est pas impossible.
* https://www.nybooks.com/articles/1983/07/21/murder-in-the-monastery/
De récentes recherches l'indiquent. Il a été constaté que trois livres rares relatant divers sujets historiques dans la collection de la bibliothèque de l'Université du Danemark du Sud, contenaient de grandes concentrations d'arsenic dans leurs couvertures. Les livres datent des XVIe et XVIIe siècles.
Les qualités toxiques de ces livres ont été détectées en effectuant une série d'analyses de fluorescence X (micro-XRF). La technologie Micro-XRF est largement utilisée dans les domaines de l'archéologie et de l'art, lors de l'étude des éléments chimiques de la poterie et des peintures, par exemple.
Un vert éclatant
La raison pour laquelle ces trois livres rares ont été apportés au laboratoire de radiologie était que la bibliothèque avait déjà découvert que des fragments de manuscrits médiévaux, tels que des copies de droit romain et de droit canonique, étaient utilisés pour faire leurs couvertures. Il est bien documenté* que les relieurs européens des XVIe et XVIIe siècles avaient l'habitude de recycler des parchemins plus anciens.
* https://medievalbooks.nl/2015/12/18/x-rays-expose-a-hidden-medieval-library/
Une tentative eut lieu pour identifier les textes latins utilisés ou du moins une partie de leur contenu. Mais, il fut constaté que les textes latins dans les couvertures des trois volumes étaient difficiles à lire en raison d'une vaste couche de peinture verte qui obscurcissait les vieilles lettres manuscrites. Ils furent donc apportés au labo. L'idée était de filtrer la couche de peinture à l'aide de micro-XRF et de se concentrer sur les éléments chimiques de l'encre en dessous, par exemple sur le fer et le calcium, dans l'espoir de rendre les lettres plus lisibles pour les chercheurs de l'université.
Mais l'analyse XRF a révélé que la couche de pigment vert était de l'arsenic. Cet élément chimique fait partie des substances les plus toxiques au monde et l'exposition peut entraîner divers symptômes d'intoxication, le développement de cancers et même la mort.
L'arsenic (As) est un métalloïde naturel omniprésent. Dans la nature, l'arsenic est généralement combiné avec d'autres éléments tels que le carbone et l'hydrogène. C'est ce qu'on appelle l'arsenic organique. L'arsenic inorganique, qui peut se présenter sous une forme métallique pure ainsi que dans des composés, est la variante la plus nocive. La toxicité de l'arsenic ne diminue pas avec le temps.
Selon le type et la durée de l'exposition, divers symptômes d'empoisonnement à l'arsenic comprennent un estomac irrité, des intestins irrités, des nausées, des diarrhées, des changements cutanés et une irritation pulmonaire.
Il est supposé que le pigment vert contenant de l'arsenic trouvé sur les couvertures des livres est le vert de Paris, l'acétate de cuivre(II) triarsénite ou l'acétoarsénite de cuivre(II) Cu(C₂H₃O₂)₂·3Cu(AsO₂)₂, également connu sous le nom de «vert émeraude», en raison de ses nuances vertes accrocheuses, similaires à celles de la pierre précieuse populaire.
Le pigment d'arsenic – une poudre cristalline – est facile à fabriquer et a été couramment utilisé à de multiples fins, en particulier au XIXe siècle. La taille des grains de poudre influe sur la tonalité des couleurs, comme on le voit dans les peintures à l'huile et les laques. Les grains plus gros produisent un vert plus foncé distinct et les grains plus petits un vert plus clair. Le pigment est surtout connu pour l'intensité de sa couleur et sa résistance à la décoloration.
Un pigment du passé
La production industrielle de vert de Paris a été initiée en Europe au début du XIXe siècle. Les peintres impressionnistes et postimpressionnistes ont utilisé différentes versions du pigment pour créer leurs chefs-d'œuvre éclatants. Cela signifie que de nombreuses pièces de musée contiennent aujourd'hui ce poison. A son apogée, tous les types de matériaux, même les couvertures de livres et les vêtements, pouvaient être enduits de vert de Paris pour des raisons esthétiques. Bien entendu, un contact cutané continu avec la substance entraînait des symptômes d'exposition.
Mais dans la seconde moitié du XIXe siècle, les effets toxiques de la substance étaient plus connus et la variante de l'arsenic a cessé d'être utilisée comme pigment et a été plus fréquemment utilisée comme pesticide sur les terres agricoles. D'autres pigments ont été trouvés pour remplacer le vert de Paris dans les peintures et l'industrie textile, etc. Au milieu du XXe siècle, l'utilisation sur les terres agricoles a également été progressivement supprimée.
Dans le cas des livres précités, le pigment n'a pas été utilisé à des fins esthétiques. Une explication plausible de l'application – peut-être au XIXe siècle – du vert de Paris sur les livres anciens pouvait être de les protéger contre les insectes et la vermine.
Dans certaines circonstances, les composés de l'arsenic, tels que les arséniates et les arsénites, peuvent être transformés par des micro-organismes en arsine (AsH₃) – un gaz hautement toxique avec une odeur distincte d'ail. Les histoires sinistres* de papiers peints verts victoriens prenant la vie d'enfants dans leurs chambres sont connues pour être factuelles.
* https://hyperallergic.com/329747/death-by-wallpaper-alluring-arsenic-colors-poisoned-the-victorian-age/
Désormais, la bibliothèque stocke les trois volumes empoisonnés dans des cartons séparés avec des étiquettes de sécurité dans une armoire ventilée. Il est également prévu de les numériser pour minimiser les manipulations physiques. On ne s'attend pas à ce qu'un livre contienne une substance toxique mais cela n'est pas impossible.
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