L'ergotisme, maladie du «feu sacré»

Nous avons tous entendu parler de la peste bubonique, de la variole et de la typhoïde, mais entre 990 et 1130 de notre ère, on estime que plus de 50 000 personnes sont décédées de la maladie dite du « Feu Sacré » uniquement au Sud de la France, selon un article de la société de microbiologie*. Une Indienne vient de perdre l'un de ses orteils après avoir souffert de la maladie du «feu sacré».
* https://microbiologysociety.org/publication/past-issues/mind-altering-microbes/article/the-highs-and-lows-of-ergot.html#:~:text=Between%20990%20and%201130%20AD,more%20were%20afflicted%20across%20Europe.&text=Gangrenous%20ergotism%20caused%20nausea%20and%20severe%20pain%20in%20the%20limbs.

Cette Indienne de 24 ans a reçu les soins médicaux nécessaires après avoir soudainement éprouvé des difficultés à marcher ainsi que de graves douleurs brûlantes aux jambes et aux pieds, froids au toucher. Quatre jours plus tôt, la femme avait commencé un traitement médicamenteux contre les migraines appelé «ergotamine». Cependant, comme la femme est née séropositive, elle prenait également plusieurs médicaments antiviraux. Lorsque ces médicaments sont combinés, ces deux médicaments ont provoqué un rétrécissement potentiellement mortel de ses artères, et réduit le flux sanguin vers ses jambes et ses pieds. Mais ce qui est vraiment intéressant, c'est que la femme a finalement été diagnostiquée pour de l' ergotisme, une maladie médiévale presque inconnue aujourd'hui. L'ergotisme est également connu sous le nom de «feu sacré» ou maladie du feu de Saint-Antoine.

Selon les auteurs d'un nouvel article publié dans le New England Journal of Medicine par des chercheurs du Government Medical College de Thiruvananthapuram*, dans le sud de l'Inde, l'équipe de médecins a diagnostiqué chez cette femme un «ergotisme». Et l'un de ses médicaments était un dérivé du même produit chimique qui provoqua toutes les épidémies médiévales en Europe, et qui ont particulièrement touché la France. Selon l'article, les épidémies médiévales ont été en grande partie causées par des personnes mangeant par inadvertance des composés toxiques trouvés sur les céréales, comme le seigle. Ces composés toxiques «alcaloïdes de l'ergot de seigle» sont fabriqués par un champignon appelé Claviceps Purpurea.
* https://tmc.kerala.gov.in/

Les alcaloïdes de l'ergot de seigle, étaient-ils le "diable" de Salem ?
Selon un rapport de l'American Society for Microbiology (ASM)*, au Moyen Âge, les épidémies d'ergotisme parmi les personnes en Europe ont commencé avec celles qui mangeaient du seigle empoisonné, et ces premières victimes ont montré une gamme de «symptômes mystifiants», notamment des convulsions et des hallucinations, des sensations de brûlures et de gangrène dans les membres.
* https://asm.org/Articles/2018/November/From-Poisoning-to-Pharmacy-A-Tale-of-Two-Ergots

Selon un rapport sur Live Science, un article de 2016 publié dans la revue JAMA Dermatology* décrit les travaux de chercheurs qui émettent l'hypothèse que l'ergotisme pourrait avoir joué un rôle dans les symptômes bizarres subis par les filles accusées de sorcellerie lors du Procès des sorcières de Salem**, XVIIe siècle.
* https://jamanetwork.com/journals/jamadermatology/article-abstract/2522008
** Voir le Malleus Maleficarum (manuel de la chasse aux sorcières).


Selon un article de 2016 publié dans : l'International Journal of Angiology*, ces «alcaloïdes mortels de l'ergot» affectent directement les cellules qui tapissent les parois des vaisseaux sanguins, rétrécissant les vaisseaux sanguins qui, à leur tour, réduisent le flux sanguin vers le cerveau. Les effets secondaires de cette condition, bien que n'incluant pas toujours des «convulsions et des hallucinations», qui sont les symptômes exacts pour lesquels les «sorcières» de Salem ont été traduites en justice!
* https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5186301/

L'Ergot de seigle, tueur médiéval et médecine médiévale pour les maux de tête
Comme de nombreuses espèces de champignons, Claviceps Purpurea peut à la fois guérir et tuer les humains, selon la manière dont il est administré, la dose et la durée d'application du traitement. À la fin des années 1800, les responsables de la santé publique ont commencé à mettre en œuvre l'élimination systématique des grains de seigle (noirs) infectés des récoltes. Cependant, les mêmes composés fongiques qui causent l'ergotisme ont été plus tard isolés pour produire le médicament «ergotamine» qui est couramment utilisé pour le traitement des migraines.


Selon l'article de Live Science, les problèmes associés à la femme indienne se posaient lorsque soit sa dose d' « ergotamine» était trop élevée, soit le traitement était trop prolongé. Mais la condition de la femme était encore plus compliquée par le fait qu'elle prenait également régulièrement des médicaments liés au VIH (virus de l'immunodéficience humaine). Et dans ce cas, le mauvais mélange de médicaments peut produire des effets secondaires négatifs graves.
Selon un article publié en 1999 dans la revue BMJ*, le médicament anti-VIH «le ritonavir bloque l'enzyme impliquée dans la dégradation des composés de l'ergot». Et parce que cette femme était traitée pour le VIH avec du ritonavir, ce choc chimique a finalement conduit au développement d'une gangrène et à l'amputation de l'un des orteils de son pied gauche.
* https://www.bmj.com/content/318/7186/771.1.short

Cependant, la femme a bien répondu au médicament anticoagulant appelé «héparine», qui a provoqué une réduction de la douleur, et il a été rapporté que les  tomodensitogrammes ont montré une amélioration du flux sanguin vers ses deux jambes à mesure que les artères s'élargissaient à nouveau.