Une étude ADN des Aborigènes australiens, civilisation la plus ancienne du monde

L’Australie a l’une des plus longues histoires d’occupation humaine continue en dehors du continent africain. Mais qui furent exactement les premiers peuples à s’y installer ? Une telle question a des implications politiques évidentes et fait l’objet de vifs débats depuis des décennies. La première étude génomique complète des Aborigènes d'Australie révèle qu'ils sont effectivement les descendants directs des premiers colons australiens et qu'ils ont divergé de leurs voisins Papous il y a environ 37 000 ans. L’étude révèle également plusieurs autres découvertes majeures sur les premières populations humaines.

La recherche est publiée aujourd'hui dans la revue Nature et est le résultat d'une étroite collaboration entre des équipes de recherche internationales et des représentants des communautés aborigènes australiennes. Il comprend six chercheurs de l'Institut suisse de bio-informatique (SIB), parmi lesquels l'auteur principal Anna-Sapfo Malaspinas et le chef du groupe Laurent Excoffier, tous deux de l'Université de Berne.


Le peuplement précoce de l’Australie et l’histoire démographique ultérieure du continent font l’objet de débats scientifiques depuis des décennies. Jusqu'à la présente étude, l'inférence démographique était basée sur seulement trois génomes aborigènes australiens ; l'un provenait d'une touffe de cheveux (pris sur un individu décédé) et les deux autres de lignées cellulaires dont la provenance est quelque peu floue. Récemment, avec l’aide de co-auteurs aborigènes australiens, une équipe internationale de scientifiques a séquencé 83 génomes aborigènes australiens modernes et 25 génomes papous modernes. Les équipes de recherche ont utilisé ces données génomiques et les ont combinées à des données linguistiques pour caractériser le peuplement de l'Australie. L'ouvrage révèle, entre autres, trois dates clés.

Il y a 72'000 ans : une race commune hors d'Afrique
On a souvent émis l'hypothèse que les ancêtres des Papous et des Australiens modernes auraient dû quitter l'Afrique bien plus tôt que toute autre population s'ils devaient atteindre la Nouvelle-Guinée et l'Australie il y a environ 47 000 ans, comme le suggèrent les fossiles d’anciens homonidés.
Les chercheurs ont cependant découvert que ce n’est probablement pas le cas ; ils estiment qu'il y a environ 72'000 ans, une population ancestrale commune aux Aborigènes d'Australie, d'Européens et d'Asie de l'Est a quitté le continent africain. Le professeur Laurent Excoffier du SIB (Swiss Institute of Bioinformatics) et de l'Université de Berne explique :
"Les discussions ont été intenses quant à savoir dans quelle mesure les Australiens aborigènes représentent une sortie hors d'Afrique distincte par rapport à ceux des Asiatiques et des Européens. Nous constatons que, une fois que nous prenons en compte le mélange avec les humains archaïques, la grande majorité de la constitution génétique aborigène australienne vient de la même sortie africaine que les autres non-Africains. »

Il y a 37’000 ans : les premiers colons d'Australie s'écartent de leurs voisins
Les Aborigènes australiens se seraient séparés des Papous il y a 37 000 ans, bien avant que la Nouvelle-Guinée et l'Australie ne soient géographiquement séparées (10 000 ans). "Les aborigènes d'Australie font l'objet d'un mystère scientifique", note le professeur Eske Willerslev, auteur principal du Centre de géogénétique basé à Copenhague, de l'Université de Cambridge et de l'Institut Sanger.
"Comment sont-ils arrivés là ? Quelles étaient leurs relations avec d'autres groupes ? Et comment leur arrivée change-t-elle notre compréhension de la propagation des populations ? Technologiquement et politiquement, il n'a pas vraiment été possible de répondre à ces questions jusqu'à présent."

Il y a 31'000 ans : un continent, une immense diversité génétique
Alors que les auteurs ont trouvé des preuves d'un flux génétique entre les groupes échantillonnés, la population ancestrale des Aborigènes australiens a commencé à se structurer il y a environ 31 000 ans, créant ainsi la diversité génétique observée aujourd'hui. Premier auteur de l'article, le professeur adjoint Anna-Sapfo Malaspinas de l'Institut suisse de bio-informatique (SIB), du Centre de géogénique de Copenhague et de l'Université de Berne déclare :
« La diversité génétique parmi les Aborigènes d'Australie est étonnante. Peut-être parce que le continent est habité depuis si longtemps par des Australiens aborigènes, nous constatons que les groupes du désert du sud-ouest de l'Australie sont plus génétiquement différents des groupes du nord-est de l'Australie que ne le sont, par exemple, les Amérindiens et les Sibériens et cela se fait au sein d’un seul continent. »


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Référence :
Source : Institut suisse de bioinformatique. "La première histoire génomique du peuplement australien." ScienceQuotidien. ScienceDaily, 21 septembre 2016.