Médecins et sorciers (Tobie Nathan)
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Médecins et sorciers (Tobie Nathan)
Ce livre de Tobie Nathan est un manifeste d'ethnopsychiatrie suivi d'un commentaire de Isabele Stengers.
L'auteur, professeur de psychologie clinique, témoigne de son expérience avec les guérisseurs africains et explique sous forme de dialogue avec de nombreux exemples vécus la différence entre médecine institutionnelle dite "scientifique" et médecine "sauvage".
Les stratégies sont différentes.
En médecine scientifique, le diagnostic par le visible aboutit au consensus, à une corporation, un groupe de pression. La médecine scientifique colle le symptôme à la personne et l'isole, le patient est seul face au au "maître du savoir rationnel" qui pose le diagnostic d'un "manque" et tente de le réparer par des médicaments.
En médecine sauvage le patient est une partie de mondes invisibles, collectifs mais connaissable et influençables. Il faut renoncer à prendre cette pratique pour une croyance ou réduire ses conceptions à des symboles, mais admettre l'existence concrète des esprits ou mondes parallèles. Le maître du savoir secret cherche à identifier le monde parallèle et le langage qui y a cours pour négocier un compromis. Il pratique une divination.
Les réductions du malade au diagnostic sont un aveu de faillite: la disparition de la multiplicité de l'univers. Nathan écrit que les sociétés occidentales sont traversées par une ligne de force qui prend ses sources dans l'Antiquité gréco-latin – la confiscation du monde à ses propriétaires, les dieux (humanisme).
La médecine ethnique rétablit la dignité et intégrité du patient avec ses liens culturels, familiaux, tribaux, génétiques.
Les concepts de la médecine sauvage
1) – Les êtres surnaturels – les entités
Le dieu des monothéistes ou les divinités des ethnies polythéistes.
Les esprits tutélaires de groupe: familiaux ou tribaux, de lieux ( rivière, forêt carrefour) etc.
Des principes de relation vitale ou éthique (mort, famille, sexualité)
Des fonctions d'organes (tête, ventre, cœur)
2) – Sorciers par nature – intentionalité spontanée
Les sorciers (n'doki) sont des êtres d'apparence humaine qui dérangent, transgressent les tabous, s'agglutinent souvent en groupes, qui sont comme une espèce parasite. Ils ont un "don", un organe, parfois transmis par un membre de la famille parfois spontané. Souvent malfaisant, le sorcier peut être "défait" par le "maître du secret" (n'ganga) dans une réunion des membres de la famille, comme pour une sorte de tribunal qui explore les intentions affectives, surtout dominées par la peur, pour obtenir un aveu, une confession. Le sorcier une fois défait peut devenir lui-même maître du secret.
3) - Sorciers par technique
Un individu éprouve un sentiment (jalousie, haine, désir, amour) envers un autre individu, Il a recours à un maître de la technique, lequel va fabriquer un objet pour apaiser ou assouvir l'excitation. C'est à l'objet que sont attribués les sentiments qui atteignent la cible. Le maître du secret aura pour tâche d'interroger les substrats de divination sur la nature et le lieu de l'objet et de défaire le sort.
La divination crée un lien avec l'invisible. L'invisible est situé dans des substances aux formes indécises (chaotiques) sable, eau, ciel sang, reflet de boule de cristal, cartes, jet de coquillages.
L'objet actif
La pensée se trouve dans les objets. Les objets-sorts sont toujours hétérogènes, composés de substances humaines, animales, végétales et minérales. Ils possèdent toujours une enveloppe et un noyau. Les enveloppes sont diverses et complexes: (peau animale, tissu rouge, papier écrit, ou plus subtilement parfums d'essences et aussi le feu qui les réunit). Le noyau, âme de l'objet est souvent un papier écrit ou il est constitué avec des paroles prononcées lors de sa fabrication.
Ces objets sont des ensembles de pouvoirs indissociables, indémontables. Ils sont vivants, autonomes, indépendants de ceux qui l'ont fabriqué. Ouvrir l'enveloppe les rend incontrôlables (comme la lampe d'Aledin). Pour le "défaire", il faut avoir recours à un maître du savoir technique. L'objet-sort contient un message qui doit pénétrer l'assujetti, contraindre sa pensée, ses sentiments et réactions. Des techniques subtiles et complexes sont élaborées qui ont pour but la pénétration et la contrainte.
L'auteur conclut qu'il existe par le monde une infinité de systèmes thérapeutiques efficaces qui ne sont pas réductibles à celui décrit. Ce sont de véritables systèmes conceptuels et non pas de vaines croyances.
L'auteur, professeur de psychologie clinique, témoigne de son expérience avec les guérisseurs africains et explique sous forme de dialogue avec de nombreux exemples vécus la différence entre médecine institutionnelle dite "scientifique" et médecine "sauvage".
Les stratégies sont différentes.
En médecine scientifique, le diagnostic par le visible aboutit au consensus, à une corporation, un groupe de pression. La médecine scientifique colle le symptôme à la personne et l'isole, le patient est seul face au au "maître du savoir rationnel" qui pose le diagnostic d'un "manque" et tente de le réparer par des médicaments.
En médecine sauvage le patient est une partie de mondes invisibles, collectifs mais connaissable et influençables. Il faut renoncer à prendre cette pratique pour une croyance ou réduire ses conceptions à des symboles, mais admettre l'existence concrète des esprits ou mondes parallèles. Le maître du savoir secret cherche à identifier le monde parallèle et le langage qui y a cours pour négocier un compromis. Il pratique une divination.
Les réductions du malade au diagnostic sont un aveu de faillite: la disparition de la multiplicité de l'univers. Nathan écrit que les sociétés occidentales sont traversées par une ligne de force qui prend ses sources dans l'Antiquité gréco-latin – la confiscation du monde à ses propriétaires, les dieux (humanisme).
La médecine ethnique rétablit la dignité et intégrité du patient avec ses liens culturels, familiaux, tribaux, génétiques.
Les concepts de la médecine sauvage
1) – Les êtres surnaturels – les entités
Le dieu des monothéistes ou les divinités des ethnies polythéistes.
Les esprits tutélaires de groupe: familiaux ou tribaux, de lieux ( rivière, forêt carrefour) etc.
Des principes de relation vitale ou éthique (mort, famille, sexualité)
Des fonctions d'organes (tête, ventre, cœur)
2) – Sorciers par nature – intentionalité spontanée
Les sorciers (n'doki) sont des êtres d'apparence humaine qui dérangent, transgressent les tabous, s'agglutinent souvent en groupes, qui sont comme une espèce parasite. Ils ont un "don", un organe, parfois transmis par un membre de la famille parfois spontané. Souvent malfaisant, le sorcier peut être "défait" par le "maître du secret" (n'ganga) dans une réunion des membres de la famille, comme pour une sorte de tribunal qui explore les intentions affectives, surtout dominées par la peur, pour obtenir un aveu, une confession. Le sorcier une fois défait peut devenir lui-même maître du secret.
3) - Sorciers par technique
Un individu éprouve un sentiment (jalousie, haine, désir, amour) envers un autre individu, Il a recours à un maître de la technique, lequel va fabriquer un objet pour apaiser ou assouvir l'excitation. C'est à l'objet que sont attribués les sentiments qui atteignent la cible. Le maître du secret aura pour tâche d'interroger les substrats de divination sur la nature et le lieu de l'objet et de défaire le sort.
La divination crée un lien avec l'invisible. L'invisible est situé dans des substances aux formes indécises (chaotiques) sable, eau, ciel sang, reflet de boule de cristal, cartes, jet de coquillages.
L'objet actif
La pensée se trouve dans les objets. Les objets-sorts sont toujours hétérogènes, composés de substances humaines, animales, végétales et minérales. Ils possèdent toujours une enveloppe et un noyau. Les enveloppes sont diverses et complexes: (peau animale, tissu rouge, papier écrit, ou plus subtilement parfums d'essences et aussi le feu qui les réunit). Le noyau, âme de l'objet est souvent un papier écrit ou il est constitué avec des paroles prononcées lors de sa fabrication.
Ces objets sont des ensembles de pouvoirs indissociables, indémontables. Ils sont vivants, autonomes, indépendants de ceux qui l'ont fabriqué. Ouvrir l'enveloppe les rend incontrôlables (comme la lampe d'Aledin). Pour le "défaire", il faut avoir recours à un maître du savoir technique. L'objet-sort contient un message qui doit pénétrer l'assujetti, contraindre sa pensée, ses sentiments et réactions. Des techniques subtiles et complexes sont élaborées qui ont pour but la pénétration et la contrainte.
L'auteur conclut qu'il existe par le monde une infinité de systèmes thérapeutiques efficaces qui ne sont pas réductibles à celui décrit. Ce sont de véritables systèmes conceptuels et non pas de vaines croyances.
Le médecin et le charlatan (Isabelle Stengers)
Qu'est-ce que la rationalité en médecine ?
Tout le monde sait que la médecine moderne est différente de celle de Molière. Isabelle Stengers soulève la question de ce qui a changé au-delà des apparences de la modernité des techniques. La médecine était enseignée déjà dans les universités du Moyen-âge. A quel moment passe-t-on d'un droit corporatiste des médecins à un droit qui pourrait se prévaloir de la rationalité? Il n'existe pas en médecine de découverte comme celles de Galilée ou Copernic. Aucune autre science ne connaît comme la médecine une polémique au sujet de ce qui est rationnel et de ce qui est irrationnel. La chimie ne s'occupe pas de ce qu'est l'alchimie, l'astronomie ne s'occupe pas de l'astrologie. Qu'est-ce qui distingue donc un charlatan d'un médecin?
Isabelle Stengers évoque une "scène inaugurale" qui s'est passée à Paris en 1784. Deux commissions enquêtaient sur les pratiques du médecin autrichien Mesmer. Selon lui, un baquet concentrerait un fluide magnétique invisible auquel seuls les êtres vivants seraient sensibles et qui aurait un pouvoir de guérison. La force gravitationnelle de Newton était connue quoiqu'invisible, le pouvoir du fluide invisible aurait pu l'être aussi.
Après des tests des experts sur eux-mêmes, sur des patients pauvres puis sur des patients aisés, les résultats n'étaient pas décisifs. La commission eut alors recours à un magnétiseur complice pour biaiser les résultats et l'on conclut que "le fluide sans l'imagination est impuissant, alors que l'imagination sans le fluide peut produire des effets que l'on attribue au fluide." Cela est devenu la définition à la fois du charlatan et du placébo. Autrement dit: pour la médecine rationnelle, la guérison ne prouve rien; au contraire pour le charlatan, la guérison est la validation scientifique de la méthode.
(Remarque: une expérience semblable fut mise en scène en 1988 par la revue Nature pour décrédibiliser les expériences sur la "mémoire de l'eau" de Benveniste, en perturbant le déroulement de l'expérience par intervention de « Stewart » magicien prestidigitateur professionnel.)
La médecine moderne frustrée, tout en combattant les effets placébo de ses molécules, ne condamne pas seulement le guérisseur mais aussi le public qui se laisse entrainer à croire à des "guérisons pour de mauvaises raisons".
Quel est le rôle de l'imagination ?
IsabelleStengers explique ensuite pourquoi l'expérimentation en médecine n'est pas comparable à celles de la physique. La médecine ne parvient pas à une rationalité qui permette la prédiction comme en astronomie. D'abord l'expérimentation n'est jamais neutre, elle est conçue et purifiée pour prouver une théorie par un dispositif simple inventé dans ce but.
L'expérimentation est une voie royale lorsqu'elle met à l'épreuve une cause (efficiente) qui a le pouvoir en elle-même (tel qu'une force). Mais cette condition ne s'applique pas à une cause (formelle) telle que le fluide magnétique, une information dont l'effet dépend de l'imaginaire du sujet (réaction à l'information). Il s'agit donc d'une autre causalité qui exige une autre rationalité. Isabelle Stengers se réfère en cela aux découvertes de Prigogine
Définition du charlatan et du guérisseurs
Le charlatan, tel que Stengers le définit, est le charlatan moderne: "comme le médecin, ce charlatan prétend que sa pratique est "rationnelle" car prouvé par les guérisons qu'il opère". Il prétend relever du monde des pratiques théorico-expérimentales. Il n'a donc pas de relation directe avec ceux que Stengers appelle "guérisseurs". Car selon Tobie Nathan, ceux-ci ne sont pas hantés par la voie idéale de la méthode expérimentale mais cultivent ce qu'il appelle une "pratique d'influence". La suggestion ou influence exige de l'expert un savoir que Nathan attribue ou pouvoir de "techniciser la relation thérapeutique".
Quel avenir pour la médecine ?
La question est liée à l'avenir de notre culture. Le problème de l'acceptation ou du refus d'une nouvelle stratégie thérapeutique ne concerne pas seulement le médecin et le patient. Il devient une question politique.
Isabelle Stengers pense que "ce n'est pas seulement ce qu'on appelle médecin qui sera réinventé mais aussi ce qu'on appelle patient." L'exemple de Tobie Nathan met en cause la manière dont nous soignons les immigrés et exige le respect de leur culture. Isabelle Stengers s'interroge comment la pratique d'influence pourrait être adaptée à notre propre tradition. Elle voit une solution analogue dans les associations d'usagers tels que celles des toxicomanes qui vivent et acceptent leur singularité comme normale et cherchent à la faire accepter par la société en lui demandant son secours. Elle considère "que ce sont eux, comme les malades du sida organisés pour faire valoir leurs droits et leurs revendications, qui sont vecteurs, sans doute balbutiants et parfois incohérents, de la tradition qui nous singularise, de celle dont nous pouvons nous affirmer les héritiers."
Pourtant, en supplément à la dernière édition, Isabelle Stengers revient sur son idée d'associations prenant en charge les malades et leur maladie et elle en reconnait les excès et abus.
Elle constate en effet l’apparition en provenance d’Amérique d’une dérive des associations d’usagers vers ce qu’on appelle Disease mongering (DSM) et qui consiste à construire de nouvelles maladies autour de souffrances semblables. Ces communautés réclament en effet une nouvelle prise en charge du traitement et du financement dont l’industrie pharmacologique profite pour développer et vendre de nouveaux médicaments. Des sites proposent même des questionnaires aux malades potentiels pour leur faire savoir de quoi ils souffrent et par quels médicaments nouveaux ils pourraient être soulagés. Elle cite en exemple l’autisme et l’usage de la ritaline. Cela tend à devenir une « machine » de propagande qu’elle appelle phamakon, qui est composée de tous les acteurs du collectif, les « malades », les médecins et thérapeutes, les pharmaciens, les assurances et finalement la politique. Cela devient un phénomène social.
Tobie Nathan quant à lui voit la question sous le point de vue du psychiatre. Il relate comment dans sa carrière, il a rencontré d’abord le "malade" affecté d’un diagnostic, puis le "patient" comme personne souffrante destinée (en psychanalyse) à accepter sa souffrance comme un sacrifice, suivi par le "sujet" de la description savante du cas clinique et enfin "l’usager" d’un collectif créé autour d’une pathologie. Il constate que de tels collectifs ont existé dans l’antiquité déjà, à l’exemple des Bacchantes en Grèce. Il compare ce comportement social au traitement en communauté des troubles psychiques, considérées dans les traditions africaine comme des possessions. Il se demande quel sera le rôle du psy dans l’avenir. Il suppose que ce ne sera plus celui du "maître à penser" mais celui de participant, certes comme expert, au dialogue contradictoire de la communauté.
Mon point de vue est différent, je l'expliquerai dans mon prochain message.
Tout le monde sait que la médecine moderne est différente de celle de Molière. Isabelle Stengers soulève la question de ce qui a changé au-delà des apparences de la modernité des techniques. La médecine était enseignée déjà dans les universités du Moyen-âge. A quel moment passe-t-on d'un droit corporatiste des médecins à un droit qui pourrait se prévaloir de la rationalité? Il n'existe pas en médecine de découverte comme celles de Galilée ou Copernic. Aucune autre science ne connaît comme la médecine une polémique au sujet de ce qui est rationnel et de ce qui est irrationnel. La chimie ne s'occupe pas de ce qu'est l'alchimie, l'astronomie ne s'occupe pas de l'astrologie. Qu'est-ce qui distingue donc un charlatan d'un médecin?
Isabelle Stengers évoque une "scène inaugurale" qui s'est passée à Paris en 1784. Deux commissions enquêtaient sur les pratiques du médecin autrichien Mesmer. Selon lui, un baquet concentrerait un fluide magnétique invisible auquel seuls les êtres vivants seraient sensibles et qui aurait un pouvoir de guérison. La force gravitationnelle de Newton était connue quoiqu'invisible, le pouvoir du fluide invisible aurait pu l'être aussi.
Après des tests des experts sur eux-mêmes, sur des patients pauvres puis sur des patients aisés, les résultats n'étaient pas décisifs. La commission eut alors recours à un magnétiseur complice pour biaiser les résultats et l'on conclut que "le fluide sans l'imagination est impuissant, alors que l'imagination sans le fluide peut produire des effets que l'on attribue au fluide." Cela est devenu la définition à la fois du charlatan et du placébo. Autrement dit: pour la médecine rationnelle, la guérison ne prouve rien; au contraire pour le charlatan, la guérison est la validation scientifique de la méthode.
(Remarque: une expérience semblable fut mise en scène en 1988 par la revue Nature pour décrédibiliser les expériences sur la "mémoire de l'eau" de Benveniste, en perturbant le déroulement de l'expérience par intervention de « Stewart » magicien prestidigitateur professionnel.)
La médecine moderne frustrée, tout en combattant les effets placébo de ses molécules, ne condamne pas seulement le guérisseur mais aussi le public qui se laisse entrainer à croire à des "guérisons pour de mauvaises raisons".
Quel est le rôle de l'imagination ?
IsabelleStengers explique ensuite pourquoi l'expérimentation en médecine n'est pas comparable à celles de la physique. La médecine ne parvient pas à une rationalité qui permette la prédiction comme en astronomie. D'abord l'expérimentation n'est jamais neutre, elle est conçue et purifiée pour prouver une théorie par un dispositif simple inventé dans ce but.
L'expérimentation est une voie royale lorsqu'elle met à l'épreuve une cause (efficiente) qui a le pouvoir en elle-même (tel qu'une force). Mais cette condition ne s'applique pas à une cause (formelle) telle que le fluide magnétique, une information dont l'effet dépend de l'imaginaire du sujet (réaction à l'information). Il s'agit donc d'une autre causalité qui exige une autre rationalité. Isabelle Stengers se réfère en cela aux découvertes de Prigogine
Si la médecine moderne reconnaît le "pouvoir de l'imagination", elle cherche plutôt à l'éviter dans l'expérimentation; l'effet placébo est considéré comme un parasitage illégitime."En effet, l'exploration de la différence qualitative entre les systèmes fonctionnant à l'équilibre et près de l'équilibre d'une part, tels que ceux construits pour l'expérimentation], et ceux [naturels] que leurs relations avec leur milieu maintiennent loin de l'équilibre, d'autre part, permet de conclure au caractère assez exceptionnel des situations où l'on peut identifier de manière générale et reproductible une cause à partir de ses effets. …
Loin de l'équilibre, certains systèmes physico-chimiques sont susceptibles d'adopter un type de comportement nouveau, le comportement de ce qu'Ilya Prigogine a appelé des structures dissipatives".
Les structures dissipatives ont introduit au cœur de la physique un concept qui, jusque là, appartenait exclusivement à la biologie ou à la pensée politique: le concept d'auto-organisation"…
La sensibilité d'un système loin de l'équilibre à des facteurs qui étaient insignifiants, négligeables à l'équilibre, est une découverte conceptuellement très importante. Elle signifie en effet que ce qui a le statut de cause … n'est pas donné une fois pour toutes. C'est l'activité même du système qui, ici, détermine ce qui, pour lui, aura statut de cause, et comment cette cause causera. …
… c'est donc cela, le secret de l'"effet placebo", une simple question de sensibilité loin de l'équilibre …"
Définition du charlatan et du guérisseurs
Le charlatan, tel que Stengers le définit, est le charlatan moderne: "comme le médecin, ce charlatan prétend que sa pratique est "rationnelle" car prouvé par les guérisons qu'il opère". Il prétend relever du monde des pratiques théorico-expérimentales. Il n'a donc pas de relation directe avec ceux que Stengers appelle "guérisseurs". Car selon Tobie Nathan, ceux-ci ne sont pas hantés par la voie idéale de la méthode expérimentale mais cultivent ce qu'il appelle une "pratique d'influence". La suggestion ou influence exige de l'expert un savoir que Nathan attribue ou pouvoir de "techniciser la relation thérapeutique".
Quel avenir pour la médecine ?
La question est liée à l'avenir de notre culture. Le problème de l'acceptation ou du refus d'une nouvelle stratégie thérapeutique ne concerne pas seulement le médecin et le patient. Il devient une question politique.
Isabelle Stengers pense que "ce n'est pas seulement ce qu'on appelle médecin qui sera réinventé mais aussi ce qu'on appelle patient." L'exemple de Tobie Nathan met en cause la manière dont nous soignons les immigrés et exige le respect de leur culture. Isabelle Stengers s'interroge comment la pratique d'influence pourrait être adaptée à notre propre tradition. Elle voit une solution analogue dans les associations d'usagers tels que celles des toxicomanes qui vivent et acceptent leur singularité comme normale et cherchent à la faire accepter par la société en lui demandant son secours. Elle considère "que ce sont eux, comme les malades du sida organisés pour faire valoir leurs droits et leurs revendications, qui sont vecteurs, sans doute balbutiants et parfois incohérents, de la tradition qui nous singularise, de celle dont nous pouvons nous affirmer les héritiers."
Pourtant, en supplément à la dernière édition, Isabelle Stengers revient sur son idée d'associations prenant en charge les malades et leur maladie et elle en reconnait les excès et abus.
Elle constate en effet l’apparition en provenance d’Amérique d’une dérive des associations d’usagers vers ce qu’on appelle Disease mongering (DSM) et qui consiste à construire de nouvelles maladies autour de souffrances semblables. Ces communautés réclament en effet une nouvelle prise en charge du traitement et du financement dont l’industrie pharmacologique profite pour développer et vendre de nouveaux médicaments. Des sites proposent même des questionnaires aux malades potentiels pour leur faire savoir de quoi ils souffrent et par quels médicaments nouveaux ils pourraient être soulagés. Elle cite en exemple l’autisme et l’usage de la ritaline. Cela tend à devenir une « machine » de propagande qu’elle appelle phamakon, qui est composée de tous les acteurs du collectif, les « malades », les médecins et thérapeutes, les pharmaciens, les assurances et finalement la politique. Cela devient un phénomène social.
Tobie Nathan quant à lui voit la question sous le point de vue du psychiatre. Il relate comment dans sa carrière, il a rencontré d’abord le "malade" affecté d’un diagnostic, puis le "patient" comme personne souffrante destinée (en psychanalyse) à accepter sa souffrance comme un sacrifice, suivi par le "sujet" de la description savante du cas clinique et enfin "l’usager" d’un collectif créé autour d’une pathologie. Il constate que de tels collectifs ont existé dans l’antiquité déjà, à l’exemple des Bacchantes en Grèce. Il compare ce comportement social au traitement en communauté des troubles psychiques, considérées dans les traditions africaine comme des possessions. Il se demande quel sera le rôle du psy dans l’avenir. Il suppose que ce ne sera plus celui du "maître à penser" mais celui de participant, certes comme expert, au dialogue contradictoire de la communauté.
Mon point de vue est différent, je l'expliquerai dans mon prochain message.
Re: Médecins et sorciers (Tobie Nathan)
Je sais d'expérience que la sorcellerie existe, que les possessions et la magie noire sont répandues dans notre civilisation moderne du fait même de sa dégénérescence. La magie noire n'est pas pratiquée seulement par les communautés africaines, même si celles-ci sont réputées particulièrement efficaces, mais par au moins une demi-douzaine d'autres ethnies (cabale, vaudou, asiatiques , méditerranées etc.). Il existe même une forme moderne utilisée par les services secrets et appelée "mind control".
Il ne faut pas confondre la sorcellerie qui manipule les émotions et la peur avec les pratiques traditionnelle des chamanes ou avec les divinations des hautes cultures de l'antiquité qui cherchent l'émancipation de l'angoisse existentielle par la connaissance spirituelle. Notre civilisation est incapable d'affronter la sorcellerie. Les exorcistes chrétiens qui ne pratiquent que la prière, comme les psychiatres qui ne connaissent que l'analyse phénoménologique, sont démunis face à la sorcellerie. Il faudrait une nouvelle spiritualité, un nouveau paradigme, pour y faire face.
C'est pourquoi je ne crois pas que la sorcellerie soit du domaine de la médecine et que la méthode africaine d'exorcisme en groupe puisse constituer un modèle pour la psychiatrie. Je ne pense pas que l'avenir de la médecine soit dans l'autogestion d'associations de malades selon la tradition "dont nous pouvons nous affirmer les héritiers," comme le croit Isabelle Stengers qui se réfère plutôt à la conception actuelle, réduite au social et à l'éthique, du christianisme. Celui-ci a dégénéré par la faute de l'Eglise de Rome qui, en opposition à l'orthodoxie, a renié sa tradition spirituelle dont la mystique trinitaire résidait autant dans la légende osirienne d'Egypte que dans la gnose platonicienne de Grèce. En adhérent avec Thomas d'Aquin à l'empirisme et au dualisme logique d'Aristote, l'Eglise a ouvert définitivement la voie au rationalisme scientifique, au matérialisme et au chaos social actuel où les droits individuels de l'homme (ou de certains hommes) ont préséance sur les intérêts collectifs de l'humanité.
Je crois par contre que les structures dissipatives de Prigogine, et son explication de l'auto-organisation de la vie qu'Isabelle Stengers a soutenus, constituent une révolution épistémologique et ouvrent une nouvelle ère non seulement pour la médecine mais pour la civilisation en général. Je vois l'avenir de la médecine dans la compréhension globale du patient intégré dans son milieu par ses relations au sens le plus large, comprenant non seulement la matière et l'énergie mais aussi les informations sous forme d'influences subtiles, rendant les évolutions indéterminables.
En tant que médecin ayant pratiqué des méthodes de traitement alternatives, je pense que la psychiatrie est trop souvent seulement une dernière issue, lorsque la médecine somatique a échoué. Il existe, notamment en acupuncture, des diagnostics et des traitements pour des situations cliniques précises que la médecine institutionnelle ignore parce qu’elle ignore l’organisation des énergies et le pouvoir des informations.
L'action des informations de nature électromagnétique, qui se trouvent aussi dans la mémoire de l'eau et les remèdes homéopathiques, n'est certes pas entièrement contrôlable individuellement dans le sens mécanique, parce qu'elle dépend de la sensibilité et réactivité individuelle du patient. Mais le système complexe qu'est l'organisation biologique peut être évaluée de manière globale et statistique, comme l'a montré Prigogine en thermodynamique. Les théories des éléments des médecines traditionnelles orientales sont une telle méthode d'approche globale fondée sur les signes cliniques. Indépendamment de cette pratique traditionnelle, une méthode moderne de diagnostic global très semblable a aussi été développée, fondée sur le traitement statistique de signes biochimiques (CEIA). Mais ces approches systémiques fondées sur l'auto-organisation se heurtent encore à l'incompréhension et à l'inertie des autorités scientifiques et politiques.
L'approche globale donne un sens au diagnostic. Elle se situe au niveau de la connaissance fonctionnelle ou herméneutique, niveau intermédiaire qui relie le niveau empirique-analytique de la médecine conventionnelle au niveau intuitif et spirituel auquel prétend la psychologie. Confondre la médecine somatique et la psychologie est une confusion pré/trans dans le sens de Ken Wilber. C'est dans l'approche globale, non spécifique, reliant les acquis de la médecine conventionnelle aux mystères de la psychologie et de la spiritualité que j'espère l'avenir de la médecine
Il ne faut pas confondre la sorcellerie qui manipule les émotions et la peur avec les pratiques traditionnelle des chamanes ou avec les divinations des hautes cultures de l'antiquité qui cherchent l'émancipation de l'angoisse existentielle par la connaissance spirituelle. Notre civilisation est incapable d'affronter la sorcellerie. Les exorcistes chrétiens qui ne pratiquent que la prière, comme les psychiatres qui ne connaissent que l'analyse phénoménologique, sont démunis face à la sorcellerie. Il faudrait une nouvelle spiritualité, un nouveau paradigme, pour y faire face.
C'est pourquoi je ne crois pas que la sorcellerie soit du domaine de la médecine et que la méthode africaine d'exorcisme en groupe puisse constituer un modèle pour la psychiatrie. Je ne pense pas que l'avenir de la médecine soit dans l'autogestion d'associations de malades selon la tradition "dont nous pouvons nous affirmer les héritiers," comme le croit Isabelle Stengers qui se réfère plutôt à la conception actuelle, réduite au social et à l'éthique, du christianisme. Celui-ci a dégénéré par la faute de l'Eglise de Rome qui, en opposition à l'orthodoxie, a renié sa tradition spirituelle dont la mystique trinitaire résidait autant dans la légende osirienne d'Egypte que dans la gnose platonicienne de Grèce. En adhérent avec Thomas d'Aquin à l'empirisme et au dualisme logique d'Aristote, l'Eglise a ouvert définitivement la voie au rationalisme scientifique, au matérialisme et au chaos social actuel où les droits individuels de l'homme (ou de certains hommes) ont préséance sur les intérêts collectifs de l'humanité.
Je crois par contre que les structures dissipatives de Prigogine, et son explication de l'auto-organisation de la vie qu'Isabelle Stengers a soutenus, constituent une révolution épistémologique et ouvrent une nouvelle ère non seulement pour la médecine mais pour la civilisation en général. Je vois l'avenir de la médecine dans la compréhension globale du patient intégré dans son milieu par ses relations au sens le plus large, comprenant non seulement la matière et l'énergie mais aussi les informations sous forme d'influences subtiles, rendant les évolutions indéterminables.
En tant que médecin ayant pratiqué des méthodes de traitement alternatives, je pense que la psychiatrie est trop souvent seulement une dernière issue, lorsque la médecine somatique a échoué. Il existe, notamment en acupuncture, des diagnostics et des traitements pour des situations cliniques précises que la médecine institutionnelle ignore parce qu’elle ignore l’organisation des énergies et le pouvoir des informations.
L'action des informations de nature électromagnétique, qui se trouvent aussi dans la mémoire de l'eau et les remèdes homéopathiques, n'est certes pas entièrement contrôlable individuellement dans le sens mécanique, parce qu'elle dépend de la sensibilité et réactivité individuelle du patient. Mais le système complexe qu'est l'organisation biologique peut être évaluée de manière globale et statistique, comme l'a montré Prigogine en thermodynamique. Les théories des éléments des médecines traditionnelles orientales sont une telle méthode d'approche globale fondée sur les signes cliniques. Indépendamment de cette pratique traditionnelle, une méthode moderne de diagnostic global très semblable a aussi été développée, fondée sur le traitement statistique de signes biochimiques (CEIA). Mais ces approches systémiques fondées sur l'auto-organisation se heurtent encore à l'incompréhension et à l'inertie des autorités scientifiques et politiques.
L'approche globale donne un sens au diagnostic. Elle se situe au niveau de la connaissance fonctionnelle ou herméneutique, niveau intermédiaire qui relie le niveau empirique-analytique de la médecine conventionnelle au niveau intuitif et spirituel auquel prétend la psychologie. Confondre la médecine somatique et la psychologie est une confusion pré/trans dans le sens de Ken Wilber. C'est dans l'approche globale, non spécifique, reliant les acquis de la médecine conventionnelle aux mystères de la psychologie et de la spiritualité que j'espère l'avenir de la médecine
Re: Médecins et sorciers (Tobie Nathan)
En médecine sauvage, le chamane comprend qu’il y a une vie en toutes choses, il a dirigé des expériences personnelles de mondes de la réalité non ordinaire et il est capable d’y fonctionner. Mais avant tout, il est un harmonisateur, quelqu’un qui ‘guérit’ à tous les niveaux : physique, émotionnel, psychologique et spirituel mais, d’une façon particulière.En médecine sauvage le patient est une partie de mondes invisibles, collectifs mais connaissable et influençables. Il faut renoncer à prendre cette pratique pour une croyance ou réduire ses conceptions à des symboles, mais admettre l'existence concrète des esprits ou mondes parallèles. Le maître du savoir secret cherche à identifier le monde parallèle et le langage qui y a cours pour négocier un compromis. Il pratique une divination.
« Divination » oui et non, tout dépend du problème. Il peut très bien pratiquer une ‘exploration interne’ du corps du patient (sans le toucher) pour savoir ce qui s’y passe exactement, quel organe est atteint, etc. Il peut aussi chercher la cause de sa maladie dans le cocon aurique du patient qu’il est capable de voir (« corps » énergétique, corps émotionnel, etc.). Si un homme s’est particulièrement mal conduit envers son animal domestique et qu’en conséquent il souffre de problèmes physiques par exemple, le chamane peut très bien négocier un contrat avec l’esprit « grand-père » de l’animal (les animaux ayant un esprit de groupe), contrat qui devra ensuite être accepté par le malade s’il veut guérir, mais rien ne l’oblige à accepter. De manière générale, il ne lui est demandé que d’arrêter ses maltraitances envers son animal.
Si ce n’étaient que les sentiments qui atteignaient la cible, ce serait le petit Jésus en culotte de soie ! !3) - Sorciers par technique
Un individu éprouve un sentiment (jalousie, haine, désir, amour) envers un autre individu, Il a recours à un maître de la technique, lequel va fabriquer un objet pour apaiser ou assouvir l'excitation. C'est à l'objet que sont attribués les sentiments qui atteignent la cible. Le maître du secret aura pour tâche d'interroger les substrats de divination sur la nature et le lieu de l'objet et de défaire le sort.
La divination crée un lien avec l'invisible. L'invisible est situé dans des substances aux formes indécises (chaotiques) sable, eau, ciel sang, reflet de boule de cristal, cartes, jet de coquillages.
Un chamane n’a le droit de faire du mal à qui que ce soit, même inconsciemment, les conséquences seraient catastrophiques pour lui.
Un sorcier contrairement à un chamane, fait le mal. Il détourne des techniques chamaniques destinées à faire le bien pour faire le mal.
En Afrique, cela s’appelle des grigris. Seul un chamane digne de ce nom et d’une certaine puissance peut en anéantir les effets. Ce qui ne va pas sans conséquences pour celui qui les a fabriqués !L'objet actif
La pensée se trouve dans les objets. Les objets-sorts sont toujours hétérogènes, composés de substances humaines, animales, végétales et minérales. Ils possèdent toujours une enveloppe et un noyau. Les enveloppes sont diverses et complexes: (peau animale, tissu rouge, papier écrit, ou plus subtilement parfums d'essences et aussi le feu qui les réunit). Le noyau, âme de l'objet est souvent un papier écrit ou il est constitué avec des paroles prononcées lors de sa fabrication.
Ces objets sont des ensembles de pouvoirs indissociables, indémontables. Ils sont vivants, autonomes, indépendants de ceux qui l'ont fabriqué. Ouvrir l'enveloppe les rend incontrôlables (comme la lampe d'Aledin). Pour le "défaire", il faut avoir recours à un maître du savoir technique. L'objet-sort contient un message qui doit pénétrer l'assujetti, contraindre sa pensée, ses sentiments et réactions. Des techniques subtiles et complexes sont élaborées qui ont pour but la pénétration et la contrainte.
Tout à fait !L'auteur conclut qu'il existe par le monde une infinité de systèmes thérapeutiques efficaces qui ne sont pas réductibles à celui décrit. Ce sont de véritables systèmes conceptuels et non pas de vaines croyances.
Freya- Messages : 1338
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