Technologie romaine contre technologie moderne
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Technologie romaine contre technologie moderne
L'effondrement d'une partie du tablier du pont autoroutier de Gênes (Italie), remet en question la solidité et la longévité du béton moderne (quelques décennies) employé à grande échelle dans les infrastructures routières et autres.
Se pose alors la question comment faisaient les Romains dont nombre de viaducs, de ponts, de brise-lames, etc., âgés de plus de 2000 ans sont toujours debout. Lors d'un séjour en Italie, Marie Jackson, Dr ès Physique de l'Université de l'Utah (département de Géologie et de Géophysique), fut fascinée par le rôle des gisements de cendres volcaniques et celui dans la fabrication du béton romain d'une remarquable durabilité. En lisant dans Naturalis Historia de Pline l'Ancien (79 de l'ère vulgaire) que les structures dans les ports romains, exposés à l'assaut constant des vents et des vagues d'eau de mer, se fondent en une seule masse de pierre, imperméables aux vagues et se renforçant jour après jour, que l'idée lui vint d'étudier le béton des Romains. Cependant, Pline n'explique dans aucun document connu, comment mélanger le mortier marin pour recréer entièrement le béton romain, problème capital pour la reproduction de ce béton extraordinaire.
Le béton romain
Marie Jackson étudia les minéraux et les fines structures du béton romain comme elle l'a fait initialement avec du tuf volcanique. Elle constata alors que l'eau de mer qui filtre à travers cet ancien béton, avait pour conséquence la formation de minéraux qui s'entrelacent, renforçant du même coup la cohésion du béton romain. Publication des résultats :
https://pubs.geoscienceworld.org/msa/ammin/article/102/7/1435-1450/353606
C'est en mélangeant des cendres volcaniques à de la chaux vive et à de l'eau de mer puis, en incorporant à la pâte des débris de roches volcaniques pour former l'agrégat, que les Romains fabriquaient leur béton. La réaction de cette combinaison de cendres, d'eau et de chaux vive, est appelée réaction pozzolanique, d'après la ville de Pozzuoli (baie de Naples). Pline l'Ancien a décrit ce mélange dont les Romains s'étaient inspirés en observant que les gisements de cendres volcaniques se liaient naturellement, et que nous connaissons plus particulièrement sous le nom de tuf volcanique.
Ce béton, les Romains l'ont utilisé dans différentes structures architecturales, aussi bien maritimes, destinées à protéger les ports militaires et commerciaux, que pour les marchés de Trajan à Rome, du Panthéon, etc. Mais ils l'ont également acheminé d'Italie en Palestine pour construire le port principal de Césarée, vers des villes crétoises pour construire là aussi des ports (projet ROMACONS).
Dans une autre étude sur le béton romain utilisé dans les ports crétois (projet ROMACONS), Marie Jackson et ses collègues ont trouvé un minéral très rare, de la tobermorite alumineuse (Al-tobermorite) dans le béton marin. En laboratoire, la synthèse qui ne donne que très peu de matériau, nécessite des températures élevées. Des cristaux se sont alors formés dans les particules de chaux vive par réaction pozzolanique. Cette présence surprit Marie Jackson.
Le travail de corrosion de l'eau de mer
Pour une nouvelle étude, Marie Jackson et d’autres chercheurs se sont intéressés aux carottes de forage provenant des anciens ports crétois (projet ROMACONS). Ils les analysèrent selon une grande variété de méthodes incluant des analyses de micro-diffraction et de micro-fluorescence effectuées au Lawrence Berkeley National Laboratory. Ils ont constaté que l’Al-tobermorite et un autre minéral associé à la zéolite, le phillipsite qui se forment dans des particules de ponce et des pores dans la matrice de cimentation. Grâce à des travaux précédents, Marie Jackson et son équipe savaient que le processus de durcissement pozzolanique du béton romain était de courte durée. Ce phénomène provoqua la croissance des minéraux à basse température après le durcissement du béton. A part les Romains, personne n’avait eu l’idée de produire de l'A-tobermorite à 20 degrés...
Le changement étant une constante pour tous les matériaux terrestres, les roches évoluent également. Mais, ce que les géologues ignorent est comment ce changement influence la durabilité des structures architecturales romaines. Pour répondre à cette question, Marie Jackson et son équipe conclurent que l'eau de mer en percutant le béton des brise-lames et des piliers romains, dissolvait les composants des cendres volcaniques, permettant ainsi le développement de nouveaux minéraux à partir des fluides hautement alcalins, et plus précisément l'Al-tobermorite et le phillipsite. L'Al-tobermorite est riche en silice similaire aux cristaux qui se forment dans les roches volcaniques, et ces cristaux aux formes lamellaires renforcent la matrice de cimentation. Inter-verrouillées, les plaques augmentent la résistance du béton contre les fractures.
Selon Marie Jackson, ce processus étant un système qui se développe dans un échange chimique ouvert avec de l'eau de mer, il serait une fort mauvaise chose pour le béton moderne qui est un système basé sur le ciment.
L'étude sur le béton maritime romain (ROMACONS) a été créée pour répondre à ces questions et à d'autres concernant l'utilisation par les Romains de cette technologie extraordinaire.
https://journals.openedition.org/mediterranee/1952
Béton romain contre ciment Portland
La firme Portland s'est mise à ajouter de l'agrégat de roche dans son ciment pour empêcher l'augmentation des fissures mais, les surfaces des particules de sable et de gravier conçues pour demeurer inertes (toute réaction avec le ciment pouvant former des gels susceptibles de faire craqueler le béton) facilitent précisément l'augmentation des fissures. Cette réaction alcali-silice se produit dans le monde entier et, selon la physicienne Marie Jackson, c’est l’une des principales causes de destruction des structures en béton du ciment Portland.
Redécouvrir le béton romain
Pourquoi les ingénieurs en génie civil n'utiliseraient-ils pas de nos jours le béton romain, vu les avantages de sa durabilité d'autant plus que la fabrication du ciment Portland est à l'origine d'importantes émissions de dioxyde de carbone ?
Là, nous nous heurtons à un problème majeur : la roche volcanique, relativement rare dans le monde. En conséquent, il faudrait y trouver une ou des alternative(s). Ensuite, il faut laisser du temps au temps afin que le béton romain puisse bénéficier de la résistance de l'eau de mer, vu que malheureusement, il présente moins de résistance à la compression que le ciment Portland. Pour ces deux raisons, il est donc peu probable qu'un jour l'emploi du béton romain puisse se généraliser mais, son emploi pourrait être particulièrement avantageux dans certains contextes comme lorsque nous voulons construire sur ou à côté de la mer.
La construction d'une lagune marémotrice a ou va débuter cette année (2018) à Swansee (Pays de Galles, Angleterre). Etant donné qu'elle devra être exploitée pendant 120 ans pour amortir les frais engagés dans sa construction, il parut évident aux ingénieurs qu'avec des matériaux de constructions modernes tels le béton et l'acier, le mur brise-vagues de 10 km et une digue brise-vagues de 20,5 km ne pourraient jamais tenir aussi longtemps. Appel a donc été fait à l'expertise de Marie Jackson et le mur brise-vagues sera construit avec un prototype de béton romain pouvant rester intact des siècles durant.
https://www.weamec.fr/blog/record_synthesis/premiere-lagune-mareomotrice-monde-swansea-bay-tidal-lagoon/
Se pose alors la question comment faisaient les Romains dont nombre de viaducs, de ponts, de brise-lames, etc., âgés de plus de 2000 ans sont toujours debout. Lors d'un séjour en Italie, Marie Jackson, Dr ès Physique de l'Université de l'Utah (département de Géologie et de Géophysique), fut fascinée par le rôle des gisements de cendres volcaniques et celui dans la fabrication du béton romain d'une remarquable durabilité. En lisant dans Naturalis Historia de Pline l'Ancien (79 de l'ère vulgaire) que les structures dans les ports romains, exposés à l'assaut constant des vents et des vagues d'eau de mer, se fondent en une seule masse de pierre, imperméables aux vagues et se renforçant jour après jour, que l'idée lui vint d'étudier le béton des Romains. Cependant, Pline n'explique dans aucun document connu, comment mélanger le mortier marin pour recréer entièrement le béton romain, problème capital pour la reproduction de ce béton extraordinaire.
Le béton romain
Marie Jackson étudia les minéraux et les fines structures du béton romain comme elle l'a fait initialement avec du tuf volcanique. Elle constata alors que l'eau de mer qui filtre à travers cet ancien béton, avait pour conséquence la formation de minéraux qui s'entrelacent, renforçant du même coup la cohésion du béton romain. Publication des résultats :
https://pubs.geoscienceworld.org/msa/ammin/article/102/7/1435-1450/353606
C'est en mélangeant des cendres volcaniques à de la chaux vive et à de l'eau de mer puis, en incorporant à la pâte des débris de roches volcaniques pour former l'agrégat, que les Romains fabriquaient leur béton. La réaction de cette combinaison de cendres, d'eau et de chaux vive, est appelée réaction pozzolanique, d'après la ville de Pozzuoli (baie de Naples). Pline l'Ancien a décrit ce mélange dont les Romains s'étaient inspirés en observant que les gisements de cendres volcaniques se liaient naturellement, et que nous connaissons plus particulièrement sous le nom de tuf volcanique.
Ce béton, les Romains l'ont utilisé dans différentes structures architecturales, aussi bien maritimes, destinées à protéger les ports militaires et commerciaux, que pour les marchés de Trajan à Rome, du Panthéon, etc. Mais ils l'ont également acheminé d'Italie en Palestine pour construire le port principal de Césarée, vers des villes crétoises pour construire là aussi des ports (projet ROMACONS).
Marché de Trajan
Dans une autre étude sur le béton romain utilisé dans les ports crétois (projet ROMACONS), Marie Jackson et ses collègues ont trouvé un minéral très rare, de la tobermorite alumineuse (Al-tobermorite) dans le béton marin. En laboratoire, la synthèse qui ne donne que très peu de matériau, nécessite des températures élevées. Des cristaux se sont alors formés dans les particules de chaux vive par réaction pozzolanique. Cette présence surprit Marie Jackson.
Le travail de corrosion de l'eau de mer
Pour une nouvelle étude, Marie Jackson et d’autres chercheurs se sont intéressés aux carottes de forage provenant des anciens ports crétois (projet ROMACONS). Ils les analysèrent selon une grande variété de méthodes incluant des analyses de micro-diffraction et de micro-fluorescence effectuées au Lawrence Berkeley National Laboratory. Ils ont constaté que l’Al-tobermorite et un autre minéral associé à la zéolite, le phillipsite qui se forment dans des particules de ponce et des pores dans la matrice de cimentation. Grâce à des travaux précédents, Marie Jackson et son équipe savaient que le processus de durcissement pozzolanique du béton romain était de courte durée. Ce phénomène provoqua la croissance des minéraux à basse température après le durcissement du béton. A part les Romains, personne n’avait eu l’idée de produire de l'A-tobermorite à 20 degrés...
Le changement étant une constante pour tous les matériaux terrestres, les roches évoluent également. Mais, ce que les géologues ignorent est comment ce changement influence la durabilité des structures architecturales romaines. Pour répondre à cette question, Marie Jackson et son équipe conclurent que l'eau de mer en percutant le béton des brise-lames et des piliers romains, dissolvait les composants des cendres volcaniques, permettant ainsi le développement de nouveaux minéraux à partir des fluides hautement alcalins, et plus précisément l'Al-tobermorite et le phillipsite. L'Al-tobermorite est riche en silice similaire aux cristaux qui se forment dans les roches volcaniques, et ces cristaux aux formes lamellaires renforcent la matrice de cimentation. Inter-verrouillées, les plaques augmentent la résistance du béton contre les fractures.
Selon Marie Jackson, ce processus étant un système qui se développe dans un échange chimique ouvert avec de l'eau de mer, il serait une fort mauvaise chose pour le béton moderne qui est un système basé sur le ciment.
L'étude sur le béton maritime romain (ROMACONS) a été créée pour répondre à ces questions et à d'autres concernant l'utilisation par les Romains de cette technologie extraordinaire.
https://journals.openedition.org/mediterranee/1952
Béton romain contre ciment Portland
La firme Portland s'est mise à ajouter de l'agrégat de roche dans son ciment pour empêcher l'augmentation des fissures mais, les surfaces des particules de sable et de gravier conçues pour demeurer inertes (toute réaction avec le ciment pouvant former des gels susceptibles de faire craqueler le béton) facilitent précisément l'augmentation des fissures. Cette réaction alcali-silice se produit dans le monde entier et, selon la physicienne Marie Jackson, c’est l’une des principales causes de destruction des structures en béton du ciment Portland.
Redécouvrir le béton romain
Pourquoi les ingénieurs en génie civil n'utiliseraient-ils pas de nos jours le béton romain, vu les avantages de sa durabilité d'autant plus que la fabrication du ciment Portland est à l'origine d'importantes émissions de dioxyde de carbone ?
Là, nous nous heurtons à un problème majeur : la roche volcanique, relativement rare dans le monde. En conséquent, il faudrait y trouver une ou des alternative(s). Ensuite, il faut laisser du temps au temps afin que le béton romain puisse bénéficier de la résistance de l'eau de mer, vu que malheureusement, il présente moins de résistance à la compression que le ciment Portland. Pour ces deux raisons, il est donc peu probable qu'un jour l'emploi du béton romain puisse se généraliser mais, son emploi pourrait être particulièrement avantageux dans certains contextes comme lorsque nous voulons construire sur ou à côté de la mer.
La construction d'une lagune marémotrice a ou va débuter cette année (2018) à Swansee (Pays de Galles, Angleterre). Etant donné qu'elle devra être exploitée pendant 120 ans pour amortir les frais engagés dans sa construction, il parut évident aux ingénieurs qu'avec des matériaux de constructions modernes tels le béton et l'acier, le mur brise-vagues de 10 km et une digue brise-vagues de 20,5 km ne pourraient jamais tenir aussi longtemps. Appel a donc été fait à l'expertise de Marie Jackson et le mur brise-vagues sera construit avec un prototype de béton romain pouvant rester intact des siècles durant.
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Localisation : Vosges
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