L'Inquisition espagnole : la vérité sur la légende noire
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L'Inquisition espagnole : la vérité sur la légende noire
L'Inquisition espagnole n'était pas seulement une organisation controversée, mais elle était également peu comprise du grand public. C'était une institution hantée par une très sombre légende mais, ce ne fut pas en Espagne qu'elle fut créée, mais en France.
Les origines de la première inquisition
Avec la christianisation progressive de l'Europe, l'hérésie fut considérée comme une atteinte grave à la foi et équivalait au crime de trahison contre la majesté divine. L'intolérance de l'Eglise catholique découlait essentiellement de ses principes mêmes, vu qu'elle prétendait représenter Dieu sur Terre et détenir la vérité absolue, ce qui mènera inévitablement ceux qui lui désobéiront aux pires intolérances et supplices.
La première inquisition, appelée l'Inquisition épiscopale, est née de la bulle papale Ad abolendam ("Sur l'abolition" ou "Vers l'abolition") promulguée par le pape Lucius III à Vérone en novembre 1184 et par laquelle il condamne toutes les sectes hérétiques et les personnes qui ont prêché sans l'autorisation de l'Eglise romaine, que ce soit publiquement ou en privé, et les menace d'excommunication. Parmi les sectes particulières mentionnées par la bulle Ad abolendam sont visés les Cathares, les Umiliati, les Vaudois et les Arnoldistes.
Cinquante ans plus tard, le successeur de Lucius III, le pape Grégoire IX créa l'Inquisition pontificale en promulguant la Bulle Excommunicamus. Ainsi, les idées de l'Inquisition étaient déjà bien établies dans plusieurs royaumes chrétiens européens au cours du Moyen Age. Quant à la péninsule ibérique, l'Inquisition n'était présente à l'époque que dans le seul royaume d'Aragon.
Bouclier de l'Inquisition espagnole. L'épée symbolise le traitement des hérétiques et le rameau d'olivier de la réconciliation avec le repenti. Autour du bouclier se trouvent les mots "Exurge domine et judica causam taum. Psaume 73." Une expression latine signifiant : Lève-toi, ô Dieu, pour défendre ta cause, Psaume 73
Une répression « douce » en Espagne
En Espagne, la chasse aux sorcières pourrait en fait être qualifiée de petite chasse, car la « mania de la sorcière » y était moins intense que dans le reste de l'Europe, bien qu'elle ait eu lieu pendant une période plus longue. L'Inquisition espagnole naquit des chasses aux sorcières généralisées qui se sont développées en Europe à la fin du XVe siècle, à la suite de la bulle Summis desiderantis afectibus ("Désireux d'ardeur suprême") d'Innocent VIII (1484) et, surtout, à la suite de la publication du Malleus Maleficarum, de Kraemer et Sprenger (1486 ), qui déclarait carrément : « Haeresis est maxima opera maleficarum non credere » (la pire hérésie est de ne pas croire aux sorcières). Un cas marquant qui découle de ces publications est celui de Logroño et des célèbres sorcières de Zugarramurdi (sujet qui sera traité ultérieurement).
Dans d'autres parties de l'Europe, l'histoire était différente. Dans le sud-ouest de l'Allemagne, par exemple, de 1560 à 1670, 3 229 « sorcières » furent exécutées selon les données de Delumeu* ; en Ecosse, il y a eu 4 400 exécutions de 1590 à 1680 ; à Lorena plus de 2 000 ont été exécutés entre 1576 à 1606 ; et en Alsace 1600. Mais en Espagne, la sanction était souvent moins sévère car plus courante était l'Abjuration de Levi par laquelle l'accusé était averti, réprimandé, condamné à une amende, banni pendant un certain temps (pas plus de 8 ans) et souvent flagellé en public.
* https://prezi.com/gwkzbeyylwad/jean-delumeau/
En effet, pendant l'Inquisition espagnole depuis ses débuts en 1478 et jusqu'à son abolition en 1834 (presque 400 ans d'existence...), un total de 130 000 personnes furent jugées, dont moins de 2 % (moins de 2 600) furent condamnées à mort. Pendant longtemps, le nombre d'accusés et de condamnés au bûcher furent confondus, et des chiffres d'exécutions absolument absurdes et erronés furent présentés, indiquant qu'il y aurait eu plus de 100 000 personnes exécutées.
Le taux d'acquittement était donc important en Espagne, puisque les tendances de l'époque étaient de croire que les prétendues sorcières avaient bu du vin. Même lorsque l'accusée avait avoué s'être adonnée à la sorcellerie et avoir signé un pacte avec le diable, l'Inquisition se contentait d'avertir :
"De ne pas procéder dans ces affaires uniquement s'il est dit qu'elles sont des sorcières et qu'elles ont soi-disant commis des crimes, de ne continuer que si les accusées ont été vues commettre ces crimes, car souvent, ce qu'elles disent avoir vu et fait se passe dans leurs rêves, et juger ce qu'elles ont vu et fait réellement sans avoir pris l'accusée en flagrant délit, aurait pour effet d'attiser la persécution de personnes non coupables".
Aucune donnée claire sur la condamnation pour sorcellerie n'a été conservée pour toute l'Espagne, à l'exception des informations en Catalogne et à Valence. Dans ces deux endroits, une structure claire divisée en cinq phases différentes de chasse aux sorcières est observée :
- La première, (1560-1600), des chiffres très bas enregistrés, avec des moyennes quinquennales citant moins de 8 personnes.
- La seconde est l'apogée de la folie des sorcières dans les années 1600, avec un total de 60 sorcières accusées en Catalogne et 12 à Valence.
- La troisième étape couvre la longue période entre 1610 et 1660, avec un taux moyen d'environ 15 victimes tous les cinq ans en Catalogne et 12 tous les cinq ans à Valence. Cela met en évidence comment la Cour de Valence fut occupée de 1610 à 1620 avec le problème des Maures et l'expulsion ultérieure des musulmans après la Reconquête.
- La quatrième étape couvre la décennie entre 1660 et 1670, où il y a eu une nouvelle intensification des accusations de sorcellerie : pas moins de 53 personnes en Catalogne durant le quinquennat de 1665-1670.
- La dernière et dernière étape concerne le retour au chiffre de moins de 20 procès tous les cinq ans.
A noter que les chiffres ci-dessus se réfèrent aux personnes accusées de sorcellerie - et non pas à celles condamnées, et encore moins exécutées.
L'une des sanctions les plus courantes lorsque l'accusé(e) était reconnu(e) coupable était d'être « fouetté(e) en marchant dans les rues », auquel cas, s'il s'agissait d'un homme, il était dévêtu jusqu'à la taille, souvent monté sur un âne pour souffrir davantage de la honte et flagellé par le bourreau avec le nombre de coups de fouet énoncé dans la sentence. Au cours de l'itinéraire, sur les côtés des rues, les piétons et les enfants pouvaient laisser cours à leur haine et à leur mépris pour l'hérétique en lui jetant des pierres.
Bien que l'Inquisition fut créée pour empêcher la progression de l'hérésie, elle s'occupait également d'un large éventail d'infractions en Espagne. Sur un total de 49 092 accusés entre 1560 et 1700, les infractions suivantes ont été jugées : judaïsation (5007) ; Maures (11 311) ; Luthériens (3499) ; Illuminati (149); Superstitieux (3750) ; hérétiques supposés (14 319) ; bigames (2790) ; sollicitations (par les prêtres sur les paroissiens) (1241) ; insulte du Saint-Office (3954) ; autre (2575).
La Réforme protestante
Au cours du XVIe siècle, l'Inquisition s'est révélée être un mécanisme efficace pour éteindre les quelques poussées de protestantisme en Espagne. Curieusement, la plupart de ces « épidémies protestantes » étaient d'origine juive.
Les principales accusations contre les luthériens ont eu lieu entre 1558 et 1562 contre deux communautés protestantes de Valladolid et de Séville. Dans ceux-ci, plusieurs autodafés surpeuplés ont eu lieu, certains d'entre eux présidés par des membres de la famille royale, au cours desquels une centaine de personnes ont été exécutées. Après 1562, bien que les procès se poursuivent, la répression est beaucoup plus réduite et on estime que seulement une douzaine ont été brûlées vives jusqu'à la fin du XVIe siècle, malgré plus de 200 personnes en procès.
Les rois catholiques et la communauté juive
L'Inquisition n'agissait pas directement contre la communauté juive, uniquement contre les Juifs convertis. L'objet de l'Inquisition était de corriger les erreurs de la foi catholique, c'est-à-dire de combattre l'hérésie.
En fait, les rois catholiques étaient initialement favorables aux Juifs (apparemment Ferdinand avait du sang juif par sa mère) et un groupe important de Juifs servait à la cour. En Castille et en Aragon, il y avait environ 220 communautés juives. Les Juifs dépendaient directement du roi : ils étaient protégés par des lois spéciales et apportaient des tributs uniques : cependant, ils étaient des sujets de seconde classe.
Comme on le sait, les Sépharades (Juifs espagnols) ont été expulsés par les Rois Catholiques en 1492, suivant une ligne politique adoptée plus tôt par d'autres royaumes européens comme l'Angleterre et la France. C'est précisément le 31 mars 1492, trois mois seulement après la conquête du royaume maure de Grenade, que les rois catholiques promulguèrent le décret de l'Alhambra ordonnant l'expulsion des Juifs de tous leurs royaumes.
Isabel et Fernando étaient bien conscients que cette décision ne serait pas rentable du point de vue économique, puisque de nombreux Juifs étaient engagés dans le commerce et le monde de la finance. Mais un grand poids pesait sur les causes religieuses et sociales : l'efficacité de la conversion juive était redoutée et ils voulaient également éviter la violence de la foule contre les communautés juives. Les alternatives offertes aux citoyens juifs étaient donc de recevoir le baptême ou d'être contraints à l'exil.
Il est vrai aussi que les Sépharades vivaient dans des quartiers particuliers et que le IVe Concile de Latran (1215) les invitait à utiliser une marque extérieure pour les distinguer des chrétiens, mais cette idée d'une marque ne s'est pas répandue dans toute l'Espagne et avait un caractère religieux et non un but strictement discriminatoire.
Le nombre de Juifs qui ont quitté l'Espagne n'est pas connu, mais les estimations actuelles d'Henry Kamen* montrent qu'une population d'environ 80 000 Juifs (environ la moitié) a choisi l'émigration. Les Juifs espagnols ont immigré principalement au Portugal (où ils ont également été expulsés en 1497) et au Maroc.
* http://www.mcnbiografias.com/app-bio/do/show?key=kamen-henry
à suivre...
Les origines de la première inquisition
Avec la christianisation progressive de l'Europe, l'hérésie fut considérée comme une atteinte grave à la foi et équivalait au crime de trahison contre la majesté divine. L'intolérance de l'Eglise catholique découlait essentiellement de ses principes mêmes, vu qu'elle prétendait représenter Dieu sur Terre et détenir la vérité absolue, ce qui mènera inévitablement ceux qui lui désobéiront aux pires intolérances et supplices.
La première inquisition, appelée l'Inquisition épiscopale, est née de la bulle papale Ad abolendam ("Sur l'abolition" ou "Vers l'abolition") promulguée par le pape Lucius III à Vérone en novembre 1184 et par laquelle il condamne toutes les sectes hérétiques et les personnes qui ont prêché sans l'autorisation de l'Eglise romaine, que ce soit publiquement ou en privé, et les menace d'excommunication. Parmi les sectes particulières mentionnées par la bulle Ad abolendam sont visés les Cathares, les Umiliati, les Vaudois et les Arnoldistes.
Cinquante ans plus tard, le successeur de Lucius III, le pape Grégoire IX créa l'Inquisition pontificale en promulguant la Bulle Excommunicamus. Ainsi, les idées de l'Inquisition étaient déjà bien établies dans plusieurs royaumes chrétiens européens au cours du Moyen Age. Quant à la péninsule ibérique, l'Inquisition n'était présente à l'époque que dans le seul royaume d'Aragon.
Bouclier de l'Inquisition espagnole. L'épée symbolise le traitement des hérétiques et le rameau d'olivier de la réconciliation avec le repenti. Autour du bouclier se trouvent les mots "Exurge domine et judica causam taum. Psaume 73." Une expression latine signifiant : Lève-toi, ô Dieu, pour défendre ta cause, Psaume 73
Une répression « douce » en Espagne
En Espagne, la chasse aux sorcières pourrait en fait être qualifiée de petite chasse, car la « mania de la sorcière » y était moins intense que dans le reste de l'Europe, bien qu'elle ait eu lieu pendant une période plus longue. L'Inquisition espagnole naquit des chasses aux sorcières généralisées qui se sont développées en Europe à la fin du XVe siècle, à la suite de la bulle Summis desiderantis afectibus ("Désireux d'ardeur suprême") d'Innocent VIII (1484) et, surtout, à la suite de la publication du Malleus Maleficarum, de Kraemer et Sprenger (1486 ), qui déclarait carrément : « Haeresis est maxima opera maleficarum non credere » (la pire hérésie est de ne pas croire aux sorcières). Un cas marquant qui découle de ces publications est celui de Logroño et des célèbres sorcières de Zugarramurdi (sujet qui sera traité ultérieurement).
Dans d'autres parties de l'Europe, l'histoire était différente. Dans le sud-ouest de l'Allemagne, par exemple, de 1560 à 1670, 3 229 « sorcières » furent exécutées selon les données de Delumeu* ; en Ecosse, il y a eu 4 400 exécutions de 1590 à 1680 ; à Lorena plus de 2 000 ont été exécutés entre 1576 à 1606 ; et en Alsace 1600. Mais en Espagne, la sanction était souvent moins sévère car plus courante était l'Abjuration de Levi par laquelle l'accusé était averti, réprimandé, condamné à une amende, banni pendant un certain temps (pas plus de 8 ans) et souvent flagellé en public.
* https://prezi.com/gwkzbeyylwad/jean-delumeau/
En effet, pendant l'Inquisition espagnole depuis ses débuts en 1478 et jusqu'à son abolition en 1834 (presque 400 ans d'existence...), un total de 130 000 personnes furent jugées, dont moins de 2 % (moins de 2 600) furent condamnées à mort. Pendant longtemps, le nombre d'accusés et de condamnés au bûcher furent confondus, et des chiffres d'exécutions absolument absurdes et erronés furent présentés, indiquant qu'il y aurait eu plus de 100 000 personnes exécutées.
Le taux d'acquittement était donc important en Espagne, puisque les tendances de l'époque étaient de croire que les prétendues sorcières avaient bu du vin. Même lorsque l'accusée avait avoué s'être adonnée à la sorcellerie et avoir signé un pacte avec le diable, l'Inquisition se contentait d'avertir :
"De ne pas procéder dans ces affaires uniquement s'il est dit qu'elles sont des sorcières et qu'elles ont soi-disant commis des crimes, de ne continuer que si les accusées ont été vues commettre ces crimes, car souvent, ce qu'elles disent avoir vu et fait se passe dans leurs rêves, et juger ce qu'elles ont vu et fait réellement sans avoir pris l'accusée en flagrant délit, aurait pour effet d'attiser la persécution de personnes non coupables".
Aucune donnée claire sur la condamnation pour sorcellerie n'a été conservée pour toute l'Espagne, à l'exception des informations en Catalogne et à Valence. Dans ces deux endroits, une structure claire divisée en cinq phases différentes de chasse aux sorcières est observée :
- La première, (1560-1600), des chiffres très bas enregistrés, avec des moyennes quinquennales citant moins de 8 personnes.
- La seconde est l'apogée de la folie des sorcières dans les années 1600, avec un total de 60 sorcières accusées en Catalogne et 12 à Valence.
- La troisième étape couvre la longue période entre 1610 et 1660, avec un taux moyen d'environ 15 victimes tous les cinq ans en Catalogne et 12 tous les cinq ans à Valence. Cela met en évidence comment la Cour de Valence fut occupée de 1610 à 1620 avec le problème des Maures et l'expulsion ultérieure des musulmans après la Reconquête.
- La quatrième étape couvre la décennie entre 1660 et 1670, où il y a eu une nouvelle intensification des accusations de sorcellerie : pas moins de 53 personnes en Catalogne durant le quinquennat de 1665-1670.
- La dernière et dernière étape concerne le retour au chiffre de moins de 20 procès tous les cinq ans.
A noter que les chiffres ci-dessus se réfèrent aux personnes accusées de sorcellerie - et non pas à celles condamnées, et encore moins exécutées.
L'une des sanctions les plus courantes lorsque l'accusé(e) était reconnu(e) coupable était d'être « fouetté(e) en marchant dans les rues », auquel cas, s'il s'agissait d'un homme, il était dévêtu jusqu'à la taille, souvent monté sur un âne pour souffrir davantage de la honte et flagellé par le bourreau avec le nombre de coups de fouet énoncé dans la sentence. Au cours de l'itinéraire, sur les côtés des rues, les piétons et les enfants pouvaient laisser cours à leur haine et à leur mépris pour l'hérétique en lui jetant des pierres.
Bien que l'Inquisition fut créée pour empêcher la progression de l'hérésie, elle s'occupait également d'un large éventail d'infractions en Espagne. Sur un total de 49 092 accusés entre 1560 et 1700, les infractions suivantes ont été jugées : judaïsation (5007) ; Maures (11 311) ; Luthériens (3499) ; Illuminati (149); Superstitieux (3750) ; hérétiques supposés (14 319) ; bigames (2790) ; sollicitations (par les prêtres sur les paroissiens) (1241) ; insulte du Saint-Office (3954) ; autre (2575).
La Réforme protestante
Au cours du XVIe siècle, l'Inquisition s'est révélée être un mécanisme efficace pour éteindre les quelques poussées de protestantisme en Espagne. Curieusement, la plupart de ces « épidémies protestantes » étaient d'origine juive.
Les principales accusations contre les luthériens ont eu lieu entre 1558 et 1562 contre deux communautés protestantes de Valladolid et de Séville. Dans ceux-ci, plusieurs autodafés surpeuplés ont eu lieu, certains d'entre eux présidés par des membres de la famille royale, au cours desquels une centaine de personnes ont été exécutées. Après 1562, bien que les procès se poursuivent, la répression est beaucoup plus réduite et on estime que seulement une douzaine ont été brûlées vives jusqu'à la fin du XVIe siècle, malgré plus de 200 personnes en procès.
Les rois catholiques et la communauté juive
L'Inquisition n'agissait pas directement contre la communauté juive, uniquement contre les Juifs convertis. L'objet de l'Inquisition était de corriger les erreurs de la foi catholique, c'est-à-dire de combattre l'hérésie.
En fait, les rois catholiques étaient initialement favorables aux Juifs (apparemment Ferdinand avait du sang juif par sa mère) et un groupe important de Juifs servait à la cour. En Castille et en Aragon, il y avait environ 220 communautés juives. Les Juifs dépendaient directement du roi : ils étaient protégés par des lois spéciales et apportaient des tributs uniques : cependant, ils étaient des sujets de seconde classe.
Comme on le sait, les Sépharades (Juifs espagnols) ont été expulsés par les Rois Catholiques en 1492, suivant une ligne politique adoptée plus tôt par d'autres royaumes européens comme l'Angleterre et la France. C'est précisément le 31 mars 1492, trois mois seulement après la conquête du royaume maure de Grenade, que les rois catholiques promulguèrent le décret de l'Alhambra ordonnant l'expulsion des Juifs de tous leurs royaumes.
Isabel et Fernando étaient bien conscients que cette décision ne serait pas rentable du point de vue économique, puisque de nombreux Juifs étaient engagés dans le commerce et le monde de la finance. Mais un grand poids pesait sur les causes religieuses et sociales : l'efficacité de la conversion juive était redoutée et ils voulaient également éviter la violence de la foule contre les communautés juives. Les alternatives offertes aux citoyens juifs étaient donc de recevoir le baptême ou d'être contraints à l'exil.
Il est vrai aussi que les Sépharades vivaient dans des quartiers particuliers et que le IVe Concile de Latran (1215) les invitait à utiliser une marque extérieure pour les distinguer des chrétiens, mais cette idée d'une marque ne s'est pas répandue dans toute l'Espagne et avait un caractère religieux et non un but strictement discriminatoire.
Le nombre de Juifs qui ont quitté l'Espagne n'est pas connu, mais les estimations actuelles d'Henry Kamen* montrent qu'une population d'environ 80 000 Juifs (environ la moitié) a choisi l'émigration. Les Juifs espagnols ont immigré principalement au Portugal (où ils ont également été expulsés en 1497) et au Maroc.
* http://www.mcnbiografias.com/app-bio/do/show?key=kamen-henry
à suivre...
Freya- Messages : 1338
Date d'inscription : 24/08/2012
Localisation : Vosges
Re: L'Inquisition espagnole : la vérité sur la légende noire
L'Inquisition et les Maures
L'Inquisition a non seulement persécuté les convertis juifs, mais est également responsable d'avoir poursuivi les Morisques (baptisés Maures), les convertis de l'Islam qui étaient soupçonnés de ne pas embrasser pleinement leur nouvelle foi, en dépit d'avoir accepté le baptême. Les Maures étaient principalement concentrés dans les royaumes de Grenade, de Valence et d'Aragon et beaucoup d'entre eux pratiquaient en secret leur religion islamique. Cependant, la politique contre les Maures était différente de celle contre la communauté juive.
Au début, les Maures furent christianisés de manière beaucoup plus pacifique, et cela pour deux raisons principales : premièrement, à Valence et en Aragon, la grande majorité des Maures faisaient également partie de la noblesse et les chasser aurait signifié aller à l'encontre des intérêts économiques de cette classe puissante ; deuxièmement, à Grenade, on craignait de provoquer une rébellion dans une zone vulnérable, à une époque où les Turcs étaient seigneurs et maîtres de la Méditerranée.
Malgré cela, vers le milieu du XVIe siècle, sous le règne de Felipe II, la rébellion des Alpujarras eut lieu : un soulèvement qui fut réprimé avec sévérité, augmentant les exécutions et les déportations des Maures vers d'autres régions d'Espagne. En effet, selon Henry Kamen* : « A partir des années 1570, en Aragon et à Valence, les Maures formèrent l'essentiel des persécutions de l'Inquisition. Au tribunal de l'Inquisition de Grenade même, les Maures représentaient 82 % des accusés entre 1560 et 1571.
* https://www.casadellibro.com/libros-ebooks/henry-kamen/19241
Le 9 avril 1609, Felipe III ordonna l'expulsion de tous les Maures. Cette décision fut mise en application de manière progressive entre 1609 et 1613. Les premiers Maures furent expulsés du Royaume de Valence, vinrent ensuite ceux d'Andalousie, d'Estrémadure, des royaumes de Castille et d'Aragon et du royaume de Murcie. Au total, environ 300 000 personnes furent expulsées, la plupart de Valence et d'Aragon, royaumes qui perdirent respectivement un tiers et un sixième de leur population.
La décision de leur expulsion fut prise finalement pour diverses raisons. Celles-ci incluent le fait que, malgré plus d'un demi-siècle d'acculturation forcée au christianisme, les Maures continuaient à éviter le reste de la société ; il a également été pris en compte qu'après la rébellion de Las Alpujarras, les Maures auraient posé un réel problème pour la sécurité nationale ; en sus, il y eut une période de récession due à la diminution de l'arrivée de ressources en provenance des Amériques, conduisant la population chrétienne à regarder avec ressentiment les Maures les plus riches.
La propagation de la légende noire de l'Inquisition espagnole
A la fin du XVIe siècle, en France et en Angleterre, des exilés politiques espagnols, tels que Gonzalez Montano en Allemagne, et Antonio Perez ancien secrétaire de Felipe II en France et en Angleterre, répandirent les germes de la Légende noire. En Europe, selon l'universitaire espagnol H. Kamen, la calomnie anti-espagnole fut volontairement répandue en raison de leur rivalité dans le domaine maritime (Grande-Bretagne et France) et leur volonté de se débarrasser de la domination politique espagnole (Pays-Bas et nord de l'Italie).
Au cours du XVIIIe siècle, les gravures de l'artiste français Bernard Picart montrant la torture inquisitoriale se sont répandues, bien qu'elles ne montrent pas l'ensemble du tableau. Néanmoins, il est vrai que la torture utilisée était vraiment atroce et appliquée dans le but de produire de violentes douleurs physiques à l'accusé, en-dehors de la mutilation ou de la mort, afin d'obtenir ses aveux (en cas d'hérésie, l'accusé ayant avoué était exempt de châtiments capitaux).
Les méthodes de torture utilisées par l'Inquisition étaient principalement au nombre de trois : l'estrade, la cravate ou tuque, et le râtelier.
- La torture de l'estrapade consistait à attacher les bras de la victime à des cordes, le plus souvent dans le dos avec parfois des poids attachés aux pieds puis, de la hisser jusqu'au plafond ou en hauteur et la laisser tomber soudainement sans cependant laisser son corps toucher terre. Les membres de la victime subissaient alors de si violentes tractions qu'ils se disloquaient ou que la victime en mourait. Aussi, cette torture n'était-elle infligée qu'une fois au cours d'une même session.
- La cravate ou tuque est un morceau de tissu qui était placé sur le visage de la victime attachée sur une échelle inclinée, la tête plus basse que les pieds, avant d'y verser de l'eau mais, plus généralement, il était introduit directement dans la bouche de la victime qui était alors forcée d'avaler, selon la sentence, jusqu'à huit seaux d'eau versée par le bourreau lors de la même session, ce qui lui donnait l'impression d'être noyée.
-La torture du râtelier était également très redoutée. Le supplice consistait à attacher les poignets du prisonnier à une table et ses jambes à une roue en rotation. Au fur et à mesure que le mécanisme se déplaçait il étirait les membres jusqu'à leur dislocation. La douleur produite était insupportable et pouvait durer plusieurs séances, étirant les victimes jusqu'à 30 centimètres. Les quelques personnes qui ne sont pas mortes sur le râtelier pouvaient encore à peine marcher ou même se lever.
En Espagne, l'Inquisition (beaucoup plus douce qu'ailleurs en Europe) a utilisé la torture moins souvent que les autres tribunaux contemporains (c'était un usage ordinaire dans tous les domaines). Des érudits espagnols, tels que Henry Charles Lea et Henry Kamen, avec des données statistiques claires, confirment qu'en réalité la torture n'a été utilisée que dans 1% ou 2% des cas pendant les périodes les plus difficiles de l'Inquisition (jusqu'en 1530) et uniquement dans les tribunaux les plus fréquentés.
Les Lumières du XVIIIe siècle ont continué à revendiquer la « Légende noire » espagnole jusqu'au XIXe siècle et un autre exilé espagnol, Juan Antonio Llorente, ancien secrétaire du Saint-Office à Madrid, devint le meilleur propagateur de la Légende noire. Il a écrit l'"Histoire critique de l'Inquisition espagnole", un ouvrage qui contient quelques éléments intéressants à côté de nombreuses bévues d'ordre statistique.
La légende noire de l'Inquisition est associée à l'abus de la torture et à l'enrichissement du tribunal par la confiscation des biens des détenus. Parfois le Saint-Office est présenté comme une organisation de capture de biens. Il est vrai que les biens des accusés étaient confisqués pour couvrir les frais de l'arrestation et du tribunal, mais selon les érudits Ramón Carande et Fernand Braudel, cela n'a jamais constitué une entreprise, bien qu'ils admettent que les Juifs convertis furent maltraités de 1480 à 1725.
Statistiques sur l'Inquisition espagnole
Pendant un certain temps, il y eut une confusion sur le nombre de décès causés par l'Inquisition en Espagne. A ce stade, il convient cependant de préciser que les personnes exécutées pour hérésie n'étaient pas les seules victimes de l'Inquisition : il y avait des peines moindres (emprisonnement, amendes, pénitence, etc.) mais les familles des prisonniers étaient marquées aussi par l'infamie et pour des générations. D'où l'importance accordée en Espagne au XVIIe siècle à la « pureté du sang », c'est-à-dire ne pas avoir de Juifs convertis ou d'ancêtres maures.
Les premiers chiffres (réfutés plus tard) sur les victimes inquisitoriales sont venus de Thumb, Palencia et Bernáldez qui ont déclaré qu'entre 1481 et 1488, environ 2 000 personnes furent exécutées en Andalousie - pour la plupart des Juifs baptisés qui ont renié leur nouvelle foi. Jusqu'au XIXe siècle, les chiffres fournis par JA Llorente affirmant que les 9,2 % des personnes accusées de sorcellerie pendant l'Inquisition espagnole et qui furent exécutées, étaient considérés comme valides. Cela fut également prouvé plus tard.
En 1986, les experts Contreras et Henningsen ont publié les résultats d'une étude de 50 000 cas inquisitoires entre 1540 et 1700, une période de grande influence sociale de l'Inquisition. Leurs conclusions affirment que seulement 1,9% des prévenus furent condamnés au bûcher. Pendant ce temps, Escandell affirme qu'entre 1478 et 1834 (années de refondation puis d'abolition de l'Inquisition), 1,2 % des accusés furent condamnés à mort par les tribunaux.
Les méthodes utilisées par l'Inquisition étaient aussi cruelles et intolérantes que celles utilisées par les tribunaux d'autres pays européens comme l'Allemagne, l'Italie, le Portugal, l'Angleterre ou la France. L'Inquisition n'est pas la cause du fait que l'Espagne soit restée « culturellement arriérée » (une autre hypothèse générale) entre le XVIe et le XVIIe siècle. En effet, de nombreux érudits ont appelé cette période l'âge d'or de la culture espagnole.
Enfin, tous les historiens semblent s'accorder à dire que de la fin du XVe siècle au premier quart du XIXe siècle, l'Inquisition fut l'une des légendes les plus sombres de l'histoire espagnole.
à suivre...
__________________________________________
Références :
Bartolomé Bennassar : Inquisition espagnole : pouvoir politique et contrôle social. Barcelone : critique, 1981
Kamen, Henry : L'Inquisition : Une Revue Historique. Traduction de Maria Borras. Barcelone : Critique, 1999.
José Antonio Escudero : L'Inquisition espagnole. http://www.vallenajerilla.com/berceo/florilegio/inquisicion/inquisicion.htm
Sainte Inquisition. http://www.monografias.com/trabajos12/stainqui/stainqui.shtml
Gabriel Bernat : L'Inquisition espagnole. http://www.gabrielbernat.es/espana/inquisicion/
Luis de la Cruz et Immaculate Badenes : L'Inquisition espagnole http://www.mayores.uji.es/datos/2011/apuntes/fin_ciclo_2012/inquisicion.pdf
L'Inquisition a non seulement persécuté les convertis juifs, mais est également responsable d'avoir poursuivi les Morisques (baptisés Maures), les convertis de l'Islam qui étaient soupçonnés de ne pas embrasser pleinement leur nouvelle foi, en dépit d'avoir accepté le baptême. Les Maures étaient principalement concentrés dans les royaumes de Grenade, de Valence et d'Aragon et beaucoup d'entre eux pratiquaient en secret leur religion islamique. Cependant, la politique contre les Maures était différente de celle contre la communauté juive.
Au début, les Maures furent christianisés de manière beaucoup plus pacifique, et cela pour deux raisons principales : premièrement, à Valence et en Aragon, la grande majorité des Maures faisaient également partie de la noblesse et les chasser aurait signifié aller à l'encontre des intérêts économiques de cette classe puissante ; deuxièmement, à Grenade, on craignait de provoquer une rébellion dans une zone vulnérable, à une époque où les Turcs étaient seigneurs et maîtres de la Méditerranée.
Malgré cela, vers le milieu du XVIe siècle, sous le règne de Felipe II, la rébellion des Alpujarras eut lieu : un soulèvement qui fut réprimé avec sévérité, augmentant les exécutions et les déportations des Maures vers d'autres régions d'Espagne. En effet, selon Henry Kamen* : « A partir des années 1570, en Aragon et à Valence, les Maures formèrent l'essentiel des persécutions de l'Inquisition. Au tribunal de l'Inquisition de Grenade même, les Maures représentaient 82 % des accusés entre 1560 et 1571.
* https://www.casadellibro.com/libros-ebooks/henry-kamen/19241
Le 9 avril 1609, Felipe III ordonna l'expulsion de tous les Maures. Cette décision fut mise en application de manière progressive entre 1609 et 1613. Les premiers Maures furent expulsés du Royaume de Valence, vinrent ensuite ceux d'Andalousie, d'Estrémadure, des royaumes de Castille et d'Aragon et du royaume de Murcie. Au total, environ 300 000 personnes furent expulsées, la plupart de Valence et d'Aragon, royaumes qui perdirent respectivement un tiers et un sixième de leur population.
La décision de leur expulsion fut prise finalement pour diverses raisons. Celles-ci incluent le fait que, malgré plus d'un demi-siècle d'acculturation forcée au christianisme, les Maures continuaient à éviter le reste de la société ; il a également été pris en compte qu'après la rébellion de Las Alpujarras, les Maures auraient posé un réel problème pour la sécurité nationale ; en sus, il y eut une période de récession due à la diminution de l'arrivée de ressources en provenance des Amériques, conduisant la population chrétienne à regarder avec ressentiment les Maures les plus riches.
La propagation de la légende noire de l'Inquisition espagnole
A la fin du XVIe siècle, en France et en Angleterre, des exilés politiques espagnols, tels que Gonzalez Montano en Allemagne, et Antonio Perez ancien secrétaire de Felipe II en France et en Angleterre, répandirent les germes de la Légende noire. En Europe, selon l'universitaire espagnol H. Kamen, la calomnie anti-espagnole fut volontairement répandue en raison de leur rivalité dans le domaine maritime (Grande-Bretagne et France) et leur volonté de se débarrasser de la domination politique espagnole (Pays-Bas et nord de l'Italie).
Au cours du XVIIIe siècle, les gravures de l'artiste français Bernard Picart montrant la torture inquisitoriale se sont répandues, bien qu'elles ne montrent pas l'ensemble du tableau. Néanmoins, il est vrai que la torture utilisée était vraiment atroce et appliquée dans le but de produire de violentes douleurs physiques à l'accusé, en-dehors de la mutilation ou de la mort, afin d'obtenir ses aveux (en cas d'hérésie, l'accusé ayant avoué était exempt de châtiments capitaux).
Les méthodes de torture utilisées par l'Inquisition étaient principalement au nombre de trois : l'estrade, la cravate ou tuque, et le râtelier.
- La torture de l'estrapade consistait à attacher les bras de la victime à des cordes, le plus souvent dans le dos avec parfois des poids attachés aux pieds puis, de la hisser jusqu'au plafond ou en hauteur et la laisser tomber soudainement sans cependant laisser son corps toucher terre. Les membres de la victime subissaient alors de si violentes tractions qu'ils se disloquaient ou que la victime en mourait. Aussi, cette torture n'était-elle infligée qu'une fois au cours d'une même session.
- La cravate ou tuque est un morceau de tissu qui était placé sur le visage de la victime attachée sur une échelle inclinée, la tête plus basse que les pieds, avant d'y verser de l'eau mais, plus généralement, il était introduit directement dans la bouche de la victime qui était alors forcée d'avaler, selon la sentence, jusqu'à huit seaux d'eau versée par le bourreau lors de la même session, ce qui lui donnait l'impression d'être noyée.
-La torture du râtelier était également très redoutée. Le supplice consistait à attacher les poignets du prisonnier à une table et ses jambes à une roue en rotation. Au fur et à mesure que le mécanisme se déplaçait il étirait les membres jusqu'à leur dislocation. La douleur produite était insupportable et pouvait durer plusieurs séances, étirant les victimes jusqu'à 30 centimètres. Les quelques personnes qui ne sont pas mortes sur le râtelier pouvaient encore à peine marcher ou même se lever.
En Espagne, l'Inquisition (beaucoup plus douce qu'ailleurs en Europe) a utilisé la torture moins souvent que les autres tribunaux contemporains (c'était un usage ordinaire dans tous les domaines). Des érudits espagnols, tels que Henry Charles Lea et Henry Kamen, avec des données statistiques claires, confirment qu'en réalité la torture n'a été utilisée que dans 1% ou 2% des cas pendant les périodes les plus difficiles de l'Inquisition (jusqu'en 1530) et uniquement dans les tribunaux les plus fréquentés.
Les Lumières du XVIIIe siècle ont continué à revendiquer la « Légende noire » espagnole jusqu'au XIXe siècle et un autre exilé espagnol, Juan Antonio Llorente, ancien secrétaire du Saint-Office à Madrid, devint le meilleur propagateur de la Légende noire. Il a écrit l'"Histoire critique de l'Inquisition espagnole", un ouvrage qui contient quelques éléments intéressants à côté de nombreuses bévues d'ordre statistique.
La légende noire de l'Inquisition est associée à l'abus de la torture et à l'enrichissement du tribunal par la confiscation des biens des détenus. Parfois le Saint-Office est présenté comme une organisation de capture de biens. Il est vrai que les biens des accusés étaient confisqués pour couvrir les frais de l'arrestation et du tribunal, mais selon les érudits Ramón Carande et Fernand Braudel, cela n'a jamais constitué une entreprise, bien qu'ils admettent que les Juifs convertis furent maltraités de 1480 à 1725.
Statistiques sur l'Inquisition espagnole
Pendant un certain temps, il y eut une confusion sur le nombre de décès causés par l'Inquisition en Espagne. A ce stade, il convient cependant de préciser que les personnes exécutées pour hérésie n'étaient pas les seules victimes de l'Inquisition : il y avait des peines moindres (emprisonnement, amendes, pénitence, etc.) mais les familles des prisonniers étaient marquées aussi par l'infamie et pour des générations. D'où l'importance accordée en Espagne au XVIIe siècle à la « pureté du sang », c'est-à-dire ne pas avoir de Juifs convertis ou d'ancêtres maures.
Les premiers chiffres (réfutés plus tard) sur les victimes inquisitoriales sont venus de Thumb, Palencia et Bernáldez qui ont déclaré qu'entre 1481 et 1488, environ 2 000 personnes furent exécutées en Andalousie - pour la plupart des Juifs baptisés qui ont renié leur nouvelle foi. Jusqu'au XIXe siècle, les chiffres fournis par JA Llorente affirmant que les 9,2 % des personnes accusées de sorcellerie pendant l'Inquisition espagnole et qui furent exécutées, étaient considérés comme valides. Cela fut également prouvé plus tard.
En 1986, les experts Contreras et Henningsen ont publié les résultats d'une étude de 50 000 cas inquisitoires entre 1540 et 1700, une période de grande influence sociale de l'Inquisition. Leurs conclusions affirment que seulement 1,9% des prévenus furent condamnés au bûcher. Pendant ce temps, Escandell affirme qu'entre 1478 et 1834 (années de refondation puis d'abolition de l'Inquisition), 1,2 % des accusés furent condamnés à mort par les tribunaux.
Les méthodes utilisées par l'Inquisition étaient aussi cruelles et intolérantes que celles utilisées par les tribunaux d'autres pays européens comme l'Allemagne, l'Italie, le Portugal, l'Angleterre ou la France. L'Inquisition n'est pas la cause du fait que l'Espagne soit restée « culturellement arriérée » (une autre hypothèse générale) entre le XVIe et le XVIIe siècle. En effet, de nombreux érudits ont appelé cette période l'âge d'or de la culture espagnole.
Enfin, tous les historiens semblent s'accorder à dire que de la fin du XVe siècle au premier quart du XIXe siècle, l'Inquisition fut l'une des légendes les plus sombres de l'histoire espagnole.
à suivre...
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Références :
Bartolomé Bennassar : Inquisition espagnole : pouvoir politique et contrôle social. Barcelone : critique, 1981
Kamen, Henry : L'Inquisition : Une Revue Historique. Traduction de Maria Borras. Barcelone : Critique, 1999.
José Antonio Escudero : L'Inquisition espagnole. http://www.vallenajerilla.com/berceo/florilegio/inquisicion/inquisicion.htm
Sainte Inquisition. http://www.monografias.com/trabajos12/stainqui/stainqui.shtml
Gabriel Bernat : L'Inquisition espagnole. http://www.gabrielbernat.es/espana/inquisicion/
Luis de la Cruz et Immaculate Badenes : L'Inquisition espagnole http://www.mayores.uji.es/datos/2011/apuntes/fin_ciclo_2012/inquisicion.pdf
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Les procès des sorcières de Zugarramurdi : bienvenue dans le Salem espagnol
A la frontière avec la France, entouré de vastes pâturages verdoyants où paissent tranquillement les vaches, se trouve le village de Zugarramurdi. Situé dans la région navarraise de Xareta, ce petit village ne compte actuellement que 250 habitants et, bien qu'il soit connu pour ses magnifiques pins et châtaigniers ainsi que pour abriter une impressionnante grotte creusée par l'eau, Zugarramurdi doit sa renommée à des événements sombres, principalement accomplis par ses habitants au XVIIe siècle. Certains de ces événements ont conduit le tribunal de l'Inquisition à condamner cinquante villageois pour avoir pratiqué la sorcellerie.
En 1608, les seigneurs d'Urtubi-Alzate et de Sant Per demandent une aide urgente au roi Henri IV de France en raison de problèmes avec des sorcières du fief féodal de Labourd. Puis une femme de Zugarramurdi dit qu'elle avait rêvé que certains villageois participaient à un coven (assemblée) dans la grotte locale. Son rêve poussa l'abbé d'Urdax à demander l'aide du tribunal de l'Inquisition de Logroño, en chargeant l'inquisiteur Juan Valle Alvarado de mener des enquêtes dans la région.
Après avoir entendu divers commentaires et plaintes, l'inquisiteur inculpa d'abord plus de trois cents personnes. Les plus suspects, une quarantaine d'entre eux, furent transférés à la prison de Logroño pour être jugés dans le cadre du « Procès de Logroño » (un procès qui acquit une renommée internationale, traversant les frontières espagnole et française). En juin 1610, le tribunal déclara 29 des accusés coupables.
L'acte de foi
Dans « l'acte de foi » (auto da fe) tenu à Logroño les 7 et 8 novembre 1610, dix-huit personnes furent pardonnées parce qu'elles avaient avoué leurs péchés et fait appel à la grâce du tribunal ; six autres résistèrent et furent brûlées vives. Cinq statuettes représentant cinq autres personnes, furent brûlées puisqu'elles étaient déjà décédées en prison. Environ 30 000 personnes assistèrent à l'Acte de Foi le dimanche 7 novembre 1610, dont beaucoup venaient de France.
L'Acte de Foi de 1610 à Logroño commença par une procession composée d'un millier de personnes comprenant : les familles des accusés, les commissaires, les notaires de l'Inquisition et les membres de divers ordres religieux. Plus loin dans la file, venaient vingt pénitents portant un cierge à la main, dont six portaient une corde autour du cou, indiquant qu'ils devaient être fouettés. A leur suite, les pardonnés marchaient portant le sanbenito* et de grands corozas (chapeaux pointus). Puis, cinq personnes apparurent portant les statues des cinq condamnés décédés en prison, accompagnées des cercueils correspondants contenant leurs restes. Suivirent, quatre femmes et deux hommes, portant également le sanbenito mais noir, ce qui signifiait qu'ils seront brûlés vifs pour leur hérésie. Fermaient la procession, quatre secrétaires de l'Inquisition et trois inquisiteurs du tribunal de Logroño montés à cheval, et un âne portant le cercueil qui contenait les sentences.
* un vêtement pénitentiel semblable à un scapulaire soit jaune avec des sautoirs rouges pour les hérétiques pénitents, soit noir et décoré de diables et de flammes pour les hérétiques impénitents à porter lors d'un auto da fé.
Une fois arrivés et après que chacun eut pris sa place respective, un inquisiteur dominicain prêcha son sermon puis, commença la lecture des sentences par les secrétaires inquisitoires. La lecture dura si longtemps que l'acte de foi dut être prolongé jusqu'au lundi 8 novembre. En raison de la sévérité des sanctions, les sorcières de Zugarramurdi devinrent l'exemple le plus brutal que l'Inquisition espagnole ait pris contre la sorcellerie.
La grotte et le musée des sorcières
Pendant des milliers d'années, la rivière Orabidea creusa un tunnel naturel à travers la terre. L'axe de la grotte ainsi créé est orienté du nord-est au sud-ouest, atteignant une longueur de 120 mètres, avec une largeur de 22-26 mètres à son extrémité est et environ 12 mètres à son extrémité ouest. La grotte a une hauteur moyenne de 10 à 12 mètres et se compose de deux galeries hautes.
Entourée d'un magnifique paysage verdoyant, cette grotte s'appelle Sorginen Leizea, qui signifie la grotte des sorcières. La galerie principale s'appelle l'Infernuko Erreka - le caniveau de l'enfer. Et comme si tout cela ne suffisait pas, le terme coven pour assemblée (aquelarre en espagnol) a son origine à Zugarramurdi, car à côté de la grotte il y a une prairie appelée Akelarre ou Pré de la Chèvre.
Depuis 2007, le village dispose d'un musée dédié au récit des histoires de sorcellerie et du Tribunal de l'Inquisition. Le Musée des Sorcières, installé dans l'ancien hôpital du village, organise des visites guidées de la célèbre grotte. Le musée joue également un rôle clé dans la fête des sorcières : un festival annuel organisé depuis l'ouverture du musée. En dehors de ces activités, le musée présente un magnifique portrait de la vie navarraise au XVIIe siècle, avec ses mythes et ses légendes. Le musée des sorcières offre aux touristes et aux citoyens de Zugarramurdi un lieu pour honorer les hommes et les femmes du passé.
En préparation, l'Holocauste des Sorcières
____________________________________________
Références :
http://www.abc.es/viajar/guia-repsol/20130905/abci-zugarramurdi-navarra-201309051839.html
http://www.turismo.navarra.es
http://www.elconfidencial.com/alma-corazon-vida/2014-02-22/la-autentica-historia-de-zugarramurdi-que-da-mas-miedo-que-la-de-ficcion_91964/
http://www.vallenajerilla.com/berceo/gildelrio/zugarramurdi.htm
http://www.idealista.com/news/inmobiliario/top-idealista/2013/09/27/667873-la-leyenda-negra-de-zugarramurdi-el-pueblo-de-las-brujas-y-una- historia-de Caro Baroja, Julio (2003) [1961]. Les sorcières et leur monde . Madrid : Éditorial Alianza.
Caro Baroja, Julio (1985). Sorcellerie basque (4e édition). Saint-Sébastien : Txertoa.
http://www.turismozugarramurdi.com/seccion/turismo_las_cuevas/
En 1608, les seigneurs d'Urtubi-Alzate et de Sant Per demandent une aide urgente au roi Henri IV de France en raison de problèmes avec des sorcières du fief féodal de Labourd. Puis une femme de Zugarramurdi dit qu'elle avait rêvé que certains villageois participaient à un coven (assemblée) dans la grotte locale. Son rêve poussa l'abbé d'Urdax à demander l'aide du tribunal de l'Inquisition de Logroño, en chargeant l'inquisiteur Juan Valle Alvarado de mener des enquêtes dans la région.
Après avoir entendu divers commentaires et plaintes, l'inquisiteur inculpa d'abord plus de trois cents personnes. Les plus suspects, une quarantaine d'entre eux, furent transférés à la prison de Logroño pour être jugés dans le cadre du « Procès de Logroño » (un procès qui acquit une renommée internationale, traversant les frontières espagnole et française). En juin 1610, le tribunal déclara 29 des accusés coupables.
L'acte de foi
Dans « l'acte de foi » (auto da fe) tenu à Logroño les 7 et 8 novembre 1610, dix-huit personnes furent pardonnées parce qu'elles avaient avoué leurs péchés et fait appel à la grâce du tribunal ; six autres résistèrent et furent brûlées vives. Cinq statuettes représentant cinq autres personnes, furent brûlées puisqu'elles étaient déjà décédées en prison. Environ 30 000 personnes assistèrent à l'Acte de Foi le dimanche 7 novembre 1610, dont beaucoup venaient de France.
L'Acte de Foi de 1610 à Logroño commença par une procession composée d'un millier de personnes comprenant : les familles des accusés, les commissaires, les notaires de l'Inquisition et les membres de divers ordres religieux. Plus loin dans la file, venaient vingt pénitents portant un cierge à la main, dont six portaient une corde autour du cou, indiquant qu'ils devaient être fouettés. A leur suite, les pardonnés marchaient portant le sanbenito* et de grands corozas (chapeaux pointus). Puis, cinq personnes apparurent portant les statues des cinq condamnés décédés en prison, accompagnées des cercueils correspondants contenant leurs restes. Suivirent, quatre femmes et deux hommes, portant également le sanbenito mais noir, ce qui signifiait qu'ils seront brûlés vifs pour leur hérésie. Fermaient la procession, quatre secrétaires de l'Inquisition et trois inquisiteurs du tribunal de Logroño montés à cheval, et un âne portant le cercueil qui contenait les sentences.
* un vêtement pénitentiel semblable à un scapulaire soit jaune avec des sautoirs rouges pour les hérétiques pénitents, soit noir et décoré de diables et de flammes pour les hérétiques impénitents à porter lors d'un auto da fé.
Une fois arrivés et après que chacun eut pris sa place respective, un inquisiteur dominicain prêcha son sermon puis, commença la lecture des sentences par les secrétaires inquisitoires. La lecture dura si longtemps que l'acte de foi dut être prolongé jusqu'au lundi 8 novembre. En raison de la sévérité des sanctions, les sorcières de Zugarramurdi devinrent l'exemple le plus brutal que l'Inquisition espagnole ait pris contre la sorcellerie.
La grotte et le musée des sorcières
Pendant des milliers d'années, la rivière Orabidea creusa un tunnel naturel à travers la terre. L'axe de la grotte ainsi créé est orienté du nord-est au sud-ouest, atteignant une longueur de 120 mètres, avec une largeur de 22-26 mètres à son extrémité est et environ 12 mètres à son extrémité ouest. La grotte a une hauteur moyenne de 10 à 12 mètres et se compose de deux galeries hautes.
Entourée d'un magnifique paysage verdoyant, cette grotte s'appelle Sorginen Leizea, qui signifie la grotte des sorcières. La galerie principale s'appelle l'Infernuko Erreka - le caniveau de l'enfer. Et comme si tout cela ne suffisait pas, le terme coven pour assemblée (aquelarre en espagnol) a son origine à Zugarramurdi, car à côté de la grotte il y a une prairie appelée Akelarre ou Pré de la Chèvre.
Depuis 2007, le village dispose d'un musée dédié au récit des histoires de sorcellerie et du Tribunal de l'Inquisition. Le Musée des Sorcières, installé dans l'ancien hôpital du village, organise des visites guidées de la célèbre grotte. Le musée joue également un rôle clé dans la fête des sorcières : un festival annuel organisé depuis l'ouverture du musée. En dehors de ces activités, le musée présente un magnifique portrait de la vie navarraise au XVIIe siècle, avec ses mythes et ses légendes. Le musée des sorcières offre aux touristes et aux citoyens de Zugarramurdi un lieu pour honorer les hommes et les femmes du passé.
En préparation, l'Holocauste des Sorcières
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Références :
http://www.abc.es/viajar/guia-repsol/20130905/abci-zugarramurdi-navarra-201309051839.html
http://www.turismo.navarra.es
http://www.elconfidencial.com/alma-corazon-vida/2014-02-22/la-autentica-historia-de-zugarramurdi-que-da-mas-miedo-que-la-de-ficcion_91964/
http://www.vallenajerilla.com/berceo/gildelrio/zugarramurdi.htm
http://www.idealista.com/news/inmobiliario/top-idealista/2013/09/27/667873-la-leyenda-negra-de-zugarramurdi-el-pueblo-de-las-brujas-y-una- historia-de Caro Baroja, Julio (2003) [1961]. Les sorcières et leur monde . Madrid : Éditorial Alianza.
Caro Baroja, Julio (1985). Sorcellerie basque (4e édition). Saint-Sébastien : Txertoa.
http://www.turismozugarramurdi.com/seccion/turismo_las_cuevas/
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Le Malleus Maleficarum : manuel médiéval pour les chasseurs de sorcières
Les procès des sorcières de Salem qui ont débuté en 1692 dans le village de Salem, dans la colonie de la baie du Massachusetts, sont les procès les plus connus et les plus notoires de l'histoire. Pourtant, ils n'étaient pas les seuls, car des procès de sorcières avaient alors lieu dans toute l'Europe depuis trois siècles. Ces procès était une réaction à la peur générée par la perception qu'il y avait une « menace organisée » par les sorcières sataniques contre la chrétienté. L'un des produits de ce phénomène était le Malleus Maleficarum, un ouvrage qui traitait spécifiquement de la poursuite des soi-disant sorcières.
L'« approbation » du Malleus Maleficarum
Le Malleus Maleficarum, qui peut être traduit par le « marteau des sorcières », a été écrit en 1486 par un ecclésiastique catholique allemand du nom de Heinrich Kramer. Un autre homme répertorié comme hypothétique auteur de ce traité, était Jacob Sprenger, bien que l'on pense maintenant que Sprenger n'y a contribué qu'en apposant son nom et, en conséquent son autorité en tant que principal professeur de théologie. On peut également mentionner que les deux hommes appartenaient à l'Ordre dominicain et étaient Inquisiteurs.
Le Malleus Maleficarum fut publié pour la première fois dans le pays d'origine de Kramer en 1487 et fut soumis à la Faculté de Théologie de l'Université de Cologne la même année, afin d'obtenir son approbation. Bien que le livre contienne une Lettre d'approbation de la Faculté de Théologie de l'Université de Cologne indiquant qu'il a obtenu avec succès la certification de la faculté, il est généralement admis que la demande de Kramer fut repoussée et que la lettre d'approbation était en fait une contrefaçon.
Il est également généralement admis que cet ouvrage fut interdit par l'Eglise catholique trois ans après sa première publication. Cependant, il a été suggéré que la dénonciation rapportée de Kramer cette année-là via l'Inquisition, a été interprétée à tort comme une interdiction du Malleus Maleficarum. Néanmoins, il est dit que l'ouvrage de Kramer est devenu l'un des manuels de chasseurs de sorcières les plus populaires de son époque et qu'il a connu au moins 13 éditions en 1520. De plus, il a été souligné qu'entre 1574 et 1669, le Malleus Maleficarum a été repris par 16 autres éditeurs.
Nouvelles éditions du Malleus Maleficarum
Il a été avancé que le contenu du Malleus Maleficarum ne présentait rien de nouveau au sujet de la sorcellerie. En outre, il a été souligné qu'une connaissance tout aussi intime de ce sujet pouvait être trouvée dans le Formicarius de John Nider et qui fut écrit près de 50 ans avant le Malleus Maleficarum .
L'une des raisons de la popularité de l'œuvre de Kramer fut sa reproduction grandement facilitée par l'imprimerie nouvelle. De plus, l'« approbation » par l'Université de Cologne a contribué à renforcer davantage la crédibilité de cet écrit. La « stigmatisation qu'elle attachait à la sorcellerie comme un crime pire que l'hérésie et son animosité notable contre le sexe féminin » ont fait du Malleus Maleficarum une œuvre sensationnelle.
La popularité de ce livre cache encore quelque chose de beaucoup plus sombre et sinistre. Un érudit, par exemple, a écrit que le Malleus Maleficarum « rivalise avec Mein Kampf comme l'un des livres les plus infâmes et les plus méprisés ».
Le livre est divisé en trois parties, la première : "Traité sur les trois concomitants nécessaires de la sorcellerie que sont le Diable, une sorcière, et la permission de Dieu Tout-Puissant" ; la seconde : "Traité sur les méthodes par lesquelles les œuvres de la sorcellerie sont forgées et dirigées, et comment elles peuvent être annulées et dissoutes avec succès », et la troisième : « Traité relatif aux procédures judiciaires devant les tribunaux ecclésiastiques et civils contre les sorciers et en fait tous les hérétiques ».
Les questions de Kramer
Une grande partie du contenu du Malleus Maleficarum peut sembler absurde et irrationnel à un lecteur moderne. Par exemple, dans la deuxième partie du livre, Kramer pose cette question :
« Et que penser alors de ces sorcières qui, de cette manière, recueillent parfois des organes mâles en grand nombre, jusqu'à vingt ou trente membres ensemble, et les mettent dans un nid d'oiseau, ou les enferment dans une boîte où ils se déplacent comme des membres vivants, et mangent de l'avoine et du maïs, comme cela a été vu par beaucoup et c'est un sujet de rapport commun ? »
Il donne ensuite cette réponse : « Il faut dire que tout est fait par l'œuvre et l'illusion du diable.»
Bien que nous puissions rire de telles affirmations aujourd'hui, les personnes qui ont vécu à l'époque de Kramer ont probablement pris ces histoires au sérieux. Ainsi, la poursuite des personnes soupçonnées d'être des sorcières fut-elle jugée nécessaire, et l'exposition méticuleuse de cette procédure peut être trouvée dans la troisième partie du Malleus Maleficarum.
Le Malleus Maleficarum était en effet l'un des facteurs qui ont contribué à la popularité des procès de sorcières, et il est certain qu'il aura coûté la vie à de très nombreuses personnes au cours des siècles où il a été utilisé. Alors que le nombre de vies sacrifiées par ce livre est discutable, certains ont considéré le Malleus Maleficarum comme l'une des « œuvres les plus sanglantes de l'histoire de l'humanité ».
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Références :
Barclay, S., 2010. Le Malleus Maleficarum. [En ligne]
Disponible sur : http://www.historicmysteries.com/the-malleus-maleficarum/
Kramer, H. & Sprenger, J., Malleus Maleficarum [En ligne]
[Summers, M. (trans.), 1928. Malleus Maleficarum de Kramer & Sprenger .]
Disponible sur : http://www.malleusmaleficarum.org/downloads/MalleusAcrobat.pdf
Smith, M., 2002. Le phallus volant et l'inquisiteur qui rit : vol de pénis dans le « Malleus Maleficarum ». Journal of Folklore Research, 39(1), pp. 85-117.
Thurston, H., 1912. Sorcellerie. [En ligne]
Disponible sur : http://www.newadvent.org/cathen/15674a.htm
Réseau Windhaven, 2015. Le Malleus Maleficarum. [En ligne]
Disponible sur : http://www.malleusmaleficarum.org/
www.history.com , 2015. La chasse aux sorcières de Salem commence. [En ligne]
Disponible sur : http://www.history.com/this-day-in-history/salem-witch-hunt-begins
L'« approbation » du Malleus Maleficarum
Le Malleus Maleficarum, qui peut être traduit par le « marteau des sorcières », a été écrit en 1486 par un ecclésiastique catholique allemand du nom de Heinrich Kramer. Un autre homme répertorié comme hypothétique auteur de ce traité, était Jacob Sprenger, bien que l'on pense maintenant que Sprenger n'y a contribué qu'en apposant son nom et, en conséquent son autorité en tant que principal professeur de théologie. On peut également mentionner que les deux hommes appartenaient à l'Ordre dominicain et étaient Inquisiteurs.
Le Malleus Maleficarum fut publié pour la première fois dans le pays d'origine de Kramer en 1487 et fut soumis à la Faculté de Théologie de l'Université de Cologne la même année, afin d'obtenir son approbation. Bien que le livre contienne une Lettre d'approbation de la Faculté de Théologie de l'Université de Cologne indiquant qu'il a obtenu avec succès la certification de la faculté, il est généralement admis que la demande de Kramer fut repoussée et que la lettre d'approbation était en fait une contrefaçon.
Il est également généralement admis que cet ouvrage fut interdit par l'Eglise catholique trois ans après sa première publication. Cependant, il a été suggéré que la dénonciation rapportée de Kramer cette année-là via l'Inquisition, a été interprétée à tort comme une interdiction du Malleus Maleficarum. Néanmoins, il est dit que l'ouvrage de Kramer est devenu l'un des manuels de chasseurs de sorcières les plus populaires de son époque et qu'il a connu au moins 13 éditions en 1520. De plus, il a été souligné qu'entre 1574 et 1669, le Malleus Maleficarum a été repris par 16 autres éditeurs.
Nouvelles éditions du Malleus Maleficarum
Il a été avancé que le contenu du Malleus Maleficarum ne présentait rien de nouveau au sujet de la sorcellerie. En outre, il a été souligné qu'une connaissance tout aussi intime de ce sujet pouvait être trouvée dans le Formicarius de John Nider et qui fut écrit près de 50 ans avant le Malleus Maleficarum .
L'une des raisons de la popularité de l'œuvre de Kramer fut sa reproduction grandement facilitée par l'imprimerie nouvelle. De plus, l'« approbation » par l'Université de Cologne a contribué à renforcer davantage la crédibilité de cet écrit. La « stigmatisation qu'elle attachait à la sorcellerie comme un crime pire que l'hérésie et son animosité notable contre le sexe féminin » ont fait du Malleus Maleficarum une œuvre sensationnelle.
La popularité de ce livre cache encore quelque chose de beaucoup plus sombre et sinistre. Un érudit, par exemple, a écrit que le Malleus Maleficarum « rivalise avec Mein Kampf comme l'un des livres les plus infâmes et les plus méprisés ».
Le livre est divisé en trois parties, la première : "Traité sur les trois concomitants nécessaires de la sorcellerie que sont le Diable, une sorcière, et la permission de Dieu Tout-Puissant" ; la seconde : "Traité sur les méthodes par lesquelles les œuvres de la sorcellerie sont forgées et dirigées, et comment elles peuvent être annulées et dissoutes avec succès », et la troisième : « Traité relatif aux procédures judiciaires devant les tribunaux ecclésiastiques et civils contre les sorciers et en fait tous les hérétiques ».
Les questions de Kramer
Une grande partie du contenu du Malleus Maleficarum peut sembler absurde et irrationnel à un lecteur moderne. Par exemple, dans la deuxième partie du livre, Kramer pose cette question :
« Et que penser alors de ces sorcières qui, de cette manière, recueillent parfois des organes mâles en grand nombre, jusqu'à vingt ou trente membres ensemble, et les mettent dans un nid d'oiseau, ou les enferment dans une boîte où ils se déplacent comme des membres vivants, et mangent de l'avoine et du maïs, comme cela a été vu par beaucoup et c'est un sujet de rapport commun ? »
Il donne ensuite cette réponse : « Il faut dire que tout est fait par l'œuvre et l'illusion du diable.»
Bien que nous puissions rire de telles affirmations aujourd'hui, les personnes qui ont vécu à l'époque de Kramer ont probablement pris ces histoires au sérieux. Ainsi, la poursuite des personnes soupçonnées d'être des sorcières fut-elle jugée nécessaire, et l'exposition méticuleuse de cette procédure peut être trouvée dans la troisième partie du Malleus Maleficarum.
Le Malleus Maleficarum était en effet l'un des facteurs qui ont contribué à la popularité des procès de sorcières, et il est certain qu'il aura coûté la vie à de très nombreuses personnes au cours des siècles où il a été utilisé. Alors que le nombre de vies sacrifiées par ce livre est discutable, certains ont considéré le Malleus Maleficarum comme l'une des « œuvres les plus sanglantes de l'histoire de l'humanité ».
_____________________________________________
Références :
Barclay, S., 2010. Le Malleus Maleficarum. [En ligne]
Disponible sur : http://www.historicmysteries.com/the-malleus-maleficarum/
Kramer, H. & Sprenger, J., Malleus Maleficarum [En ligne]
[Summers, M. (trans.), 1928. Malleus Maleficarum de Kramer & Sprenger .]
Disponible sur : http://www.malleusmaleficarum.org/downloads/MalleusAcrobat.pdf
Smith, M., 2002. Le phallus volant et l'inquisiteur qui rit : vol de pénis dans le « Malleus Maleficarum ». Journal of Folklore Research, 39(1), pp. 85-117.
Thurston, H., 1912. Sorcellerie. [En ligne]
Disponible sur : http://www.newadvent.org/cathen/15674a.htm
Réseau Windhaven, 2015. Le Malleus Maleficarum. [En ligne]
Disponible sur : http://www.malleusmaleficarum.org/
www.history.com , 2015. La chasse aux sorcières de Salem commence. [En ligne]
Disponible sur : http://www.history.com/this-day-in-history/salem-witch-hunt-begins
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L'Holocauste des sorcières
L'Holocauste des Sorcières
Le temps des magiciens
A l'époque des magiciens, la position de l'Eglise n'était pas encore dominante et leur magie était tolérée d'autant plus qu'elle la détournera en partie pour l'adapter aux besoins de la christianisation. La magie est l'art de produire des phénomènes surnaturels - ou qui semblent tels.
Le temps des sorciers
Après le temps des magiciens vint celui des sorciers. A présent que la position de l'Eglise est prépondérante et elle entend bien exercer sans réserve son autorité, elle tolère de moins en moins que le pouvoir des sorciers vienne interférer dans le destin de ses ouailles. Dieu ayant créé le monde, il est logique dans l'esprit des Ministres de l'Eglise, que c'est à eux que revient la charge des âmes qui y vivent. Le sorcier jetant des sorts, est un contrepouvoir malfaisant et donc inacceptable pour l'Eglise, elle-même grande praticienne de la magie : les pains et les poissons qui se multiplient à foison, l'eau qui se transforme en pinard, etc., et voici que, survivance du paganisme, des saints médicastres guérissent par le recours thérapeutique.
La magie du sorcier étant maléfique par nature, car elle ne peut être que l'œuvre du Diable ou de ses valets, est en conséquence, l'ennemi juré des serviteurs de Dieu. Charles Letourneau dans son livre "Science et matérialisme" paru en 1879, écrit : "du sorcier au prêtre il y a peu de distance, l'un est un franc-tireur, tandis que l'autre tire dans l'armée régulière".
Au début, le sorcier était légèrement condamné. En 589, le concile de Narbonne ordonne de fustiger les sorciers et punit d'une amende ceux qui ont recours à leurs services. Mais 300 ans plus tard, l'incarcération pour les contrevenants est de mise car la magie est un péché de superstition, mais pas encore de crime. Les siècles suivants, la répression s'accentue et, en 1233, convaincu de la réalité des sabbats, le pape fulminant Grégoire IX émet la bulle Vox in Roma qui va renforcer le pouvoir coercitif de l'Inquisition et donner aux dominicains la direction du tribunal inquisitionnel qui jusqu'alors, était dévolue à l'épiscopat. Et le temps des sorciers va faire place à celui des sorcières.
Le temps des sorcières
En 1484, le pape Innocent VIII décide de l'éradication de la sorcellerie et émet la bulle Summis desiderantes affectibus : la grande chasse aux sorcières est ouverte !
Jusqu'au XVIe siècle, l'Europe se divisait en deux classes sociales : ceux qui produisent les richesses, et ceux qui en profitent, les nobles et le haut clergé. La première catégorie est soumise à des taxes, droits féodaux, redevances, droits de production, droit du gîte, droit foncier, taxe de protection, etc. à foison, sans oublier les nombreux troubles armés et les soldats qui vivaient bien plus de rapine que de leur solde stochastique, étaient hébergés par l'habitant et nourris et désaltéré à ses frais. Cette catégorie se compose d'artisans, de négociants, d'employés et de manœuvriers qui constituent les bourgeois, les habitants des faubourgs et les ruraux.
Quant au second groupe, le haut clergé constitué uniquement de nobles, entretient les bâtiments (églises, cloîtres, monastères) et toute une armée de serviteurs, ainsi que plus d'une vingtaine d'ordres, ce qui nécessite beaucoup d'argent et qui fait de l'Eglise, la plus grande collectrice d'impôts. D'autres facteurs aggravent encore la situation déjà difficile du petit peuple. En sus des luttes religieuses et civiles, des dépenses militaires pour l'entretien de la flotte de guerre vient plomber les revenus des familles, et comme si cela ne suffisait pas, le climat interfère dans la situation de crise. De 1560 jusqu'au milieu du XVIIe siècle, un refroidissement général, appelé à juste titre le "petit âge glaciaire", provoque des pluies diluviennes qui font pourrir les céréales et les légumes et des gelées trop longues ou trop fortes qui ont raison des arbres fruitiers et des vignes. Il n'est donc pas surprenant que dans ce contexte, des émeutes, des soulèvements populaires aux XVI et XVIIe siècles aient lieu contre les tenants du pouvoir. Cependant, cette situation sociale explosive, n'est pas la cause fondamentale de la réaction d'éliminer une fois pour toute l'engeance des sorcières mais, le climat anxiogène qu'elle suscite va faciliter sa mise œuvre.
La grande peur
L'Eglise, vivement critiquée par le peuple, aussi bien sur le plan moral en raison du comportement très peu exemplaire de ses serviteurs que sur le plan dogmatique, une large partie de ses fidèles préconisent le retour à une religion plus originelle. A la longue, ces griefs risquant de porter préjudice aux privilèges ainsi qu'à l'autorité des princes-évêques, ces derniers prirent véritablement peur. Aussi, vont-ils détourner l'attention de leurs détracteurs en désignant un bouc émissaire : le Diable ! Ignoble créature ou pauvre gars que l'on peut charger de tous les maux ? Et comme il est impossible de s'en prendre physiquement à lui, l'Eglise fera payer tous ses méfaits à ses suppôts, les sorciers et les sorcières. La crainte étant l'inhibiteur le plus efficace, les princes de l'Eglise songent déjà à investir les démonologues de cette mission et le feu salvateur des bûchers sera l'enfer sur terre des suppôts de Satan.
A la lecture des actes d'accusation, l'extrême violence des propos tenus par les démonologues est choquant. Ce ne son ni plus ni moins que de véritables appels au meurtre qui y sont énoncés à longueur de pages et essentiellement contre les femmes !
En 1475, le livre Formicarius de Johannes Nider, prieur dominicain à Bâle, est le premier à présenter la femme à l'image d'Eve, coupable du péché originel, comme l'instrument du Diable pour tenter le peuple de Dieu. Cinquante ans plus tard, dans le Malleus maleficarum, Kramer écrit :
"Toute la sorcellerie vient du désir qui, chez elles, est insatiable ... Pour se satisfaire, elles n'hésitent pas à épouser des démons ... On sait désormais qu'il y a beaucoup plus de femmes infectées par l'hérésie de la sorcellerie ; aussi, quels que soient leur pénitence et leur retour à la foi, elles ne doivent pas, comme les autres hérétiques, être soumises à la seule prison perpétuelle mais plutôt être punies du dernier supplice."
Pour la grande majorité de ces hommes de Dieu, ce n'est que justice de mettre à mort ces lubriques créatures du Grand Bouc. On ne peut s'empêcher de penser qu'en diabolisant la femme et en la brûlant, les inquisiteurs, ces pourfendeurs en soutane, qui sont tous des hommes, ne cherchent qu'à étouffer le feu de leurs propres pulsions sexuelles.
Luther ne vaut guère mieux. Dans son langage très peu châtié, il déclare que les sorcières sont comme les "putains" du Diable et que toutes doivent être brûlées. (Brian P. Levack, "La grande chasse aux sorcières").
à suivre ...
Dernière édition par Freya le Jeu 9 Déc 2021 - 19:41, édité 1 fois
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Re: L'Inquisition espagnole : la vérité sur la légende noire
La grande chasse est ouverte !
Bien que l'Eglise fut la première à avoir sonné l'hallali contre Satan et ses adorateurs, le pouvoir civil chercha lui-aussi à profiter de toute opportunité pour diaboliser les calamités et se joignit donc à la curée, et ce fut ainsi que les juges devinrent des serviteurs subsidiaires zélés du pouvoir clérical. L'Eglise satanisa la sorcellerie et l'Etat la criminalisa.
Par leur paranoïa, leur obsession de toute atteinte à leur dignité ecclésiastique et à celle du dogme, les successeurs des apôtres portèrent partout leur enfer avec eux, que le pouvoir civil se chargea d'alimenter en flammes. Devenue produit de la diabolisation de la magie populaire, la sorcellerie devint par les élites, le moyen de conjurer les peurs collectives et la plus grande d'entre elles, celle du Diable ! Cette peur terrorisa l'ensemble de la population jusqu'à lui en faire perdre raison. Et les excitateurs de cette folie emportés eux-mêmes par leur délire paranoïaque, laissèrent entendre que pour sauver le gros de cette foule passive et aveugle, il suffisait de se débarrasser des éclopés, des simples d'esprit, des insoumis, des roux et des marginaux, c'est-à-dire, de tous ces êtres miséreux en apparence inoffensifs, mais que le Diable a le pouvoir de rendre dangereux et qu'il faut absolument éliminer avant qu'ils ne détruisent le gros du troupeau. Mort à ces sorciers et sorcières en puissance !
Dans un essai intitulé "Sorcières", Candace Savage écrit : "Chaque femme ayant un visage ridé, un front plissé, une lèvre poilue, une horrible dent proéminente et jaunâtre, un œil torve, une voix aigüe ou une langue de vipère... n'est pas seulement une suspecte, elle est une sorcière".
Les victimes de la grande chasse
Les femmes sont les premières grandes victimes de l'Inquisition. Nous avons vu que les démonologues éprouvaient une profonde aversion pour elles, filles d'Eve coupable à leurs yeux d'avoir succombée à la tentation de Satan et donc responsable du péché originel. Kramer, l'auteur du Marteau des Sorcières ( Malleus maleficarum) qui ne pouvaient voir les femmes autrement que des tisons d'enfer, se fit une joie de dénoncer cet avilissement qu'il attribua à la nature même de la femme : une fragilité physique, psychique, une trop grande sensualité voire même de l'hystérie sexuelle. Son sentiment personnel envers la femme lui fit affirmer la sottise que le mot femina (femme) serait la combinaison de deux termes : fe (foi) et minus (moindre), cherchant à démontrer par là, que la femme était forcément inférieure à l'homme vu qu'elle était de foi moindre. D'autres de ces "spécialistes", trouvèrent que la femme, de complexion délicate fut donc de succomber plus facilement que l'homme, argument irrecevable car offensant pour ces femmes courageuses forcément plus nombreuses à endurcir les feux, les tourments, les supplices ; ou encore qu'elle est davantage sujette à l'hystérie et aux hallucinations, argument également irrecevable, car hystérie et hallucinations survenaient avec les conditions abominables de leur détention et le sadisme particulier des bourreaux à leur égard.
Pour les élites, la femme est créature ambivalente. Parfois, s'impose à eux, l'image de la femme âgée, dépositaire des croyances populaires qui prépare les remèdes à base de plantes, accouche les jeunes femmes, veille malades et mourants. Et ce rôle social, ce savoir, les doctes mâles ne le supportent pas, ils le jalousent ! En outre, il est à noter que, princes de l'Eglise et inquisiteurs, curieux de tout savoir sur leurs ouailles vont pour ce faire, charger les curés des paroisses d'obtenir les renseignements qui les intéressent. Les guérisseuses, accoucheuses sont donc tenues d'annoncer au curé, les naissances en précisant si elles sont légitimes ou non et de dénoncer les relations extra-conjugales sous peine de passer elles-mêmes sur le bûcher. Cette obligation les protégera quelques fois relativement bien. L'image que se font les élites de la jeune femme est celui de la luxure. Aussi, lors des interrogatoires, les juges n'ont de cesse d'obtenir par le menu détail, leur pseudo-débauche sabbatique, les torturant au besoin. La veuve se retrouvant seule avec ses enfants, après avoir appelé en vain à son aide le bon Dieu et tous ses saints, est donc censée faire appel au Mauvais Esprit.
à suivre...
Bien que l'Eglise fut la première à avoir sonné l'hallali contre Satan et ses adorateurs, le pouvoir civil chercha lui-aussi à profiter de toute opportunité pour diaboliser les calamités et se joignit donc à la curée, et ce fut ainsi que les juges devinrent des serviteurs subsidiaires zélés du pouvoir clérical. L'Eglise satanisa la sorcellerie et l'Etat la criminalisa.
Par leur paranoïa, leur obsession de toute atteinte à leur dignité ecclésiastique et à celle du dogme, les successeurs des apôtres portèrent partout leur enfer avec eux, que le pouvoir civil se chargea d'alimenter en flammes. Devenue produit de la diabolisation de la magie populaire, la sorcellerie devint par les élites, le moyen de conjurer les peurs collectives et la plus grande d'entre elles, celle du Diable ! Cette peur terrorisa l'ensemble de la population jusqu'à lui en faire perdre raison. Et les excitateurs de cette folie emportés eux-mêmes par leur délire paranoïaque, laissèrent entendre que pour sauver le gros de cette foule passive et aveugle, il suffisait de se débarrasser des éclopés, des simples d'esprit, des insoumis, des roux et des marginaux, c'est-à-dire, de tous ces êtres miséreux en apparence inoffensifs, mais que le Diable a le pouvoir de rendre dangereux et qu'il faut absolument éliminer avant qu'ils ne détruisent le gros du troupeau. Mort à ces sorciers et sorcières en puissance !
Dans un essai intitulé "Sorcières", Candace Savage écrit : "Chaque femme ayant un visage ridé, un front plissé, une lèvre poilue, une horrible dent proéminente et jaunâtre, un œil torve, une voix aigüe ou une langue de vipère... n'est pas seulement une suspecte, elle est une sorcière".
Les victimes de la grande chasse
Les femmes sont les premières grandes victimes de l'Inquisition. Nous avons vu que les démonologues éprouvaient une profonde aversion pour elles, filles d'Eve coupable à leurs yeux d'avoir succombée à la tentation de Satan et donc responsable du péché originel. Kramer, l'auteur du Marteau des Sorcières ( Malleus maleficarum) qui ne pouvaient voir les femmes autrement que des tisons d'enfer, se fit une joie de dénoncer cet avilissement qu'il attribua à la nature même de la femme : une fragilité physique, psychique, une trop grande sensualité voire même de l'hystérie sexuelle. Son sentiment personnel envers la femme lui fit affirmer la sottise que le mot femina (femme) serait la combinaison de deux termes : fe (foi) et minus (moindre), cherchant à démontrer par là, que la femme était forcément inférieure à l'homme vu qu'elle était de foi moindre. D'autres de ces "spécialistes", trouvèrent que la femme, de complexion délicate fut donc de succomber plus facilement que l'homme, argument irrecevable car offensant pour ces femmes courageuses forcément plus nombreuses à endurcir les feux, les tourments, les supplices ; ou encore qu'elle est davantage sujette à l'hystérie et aux hallucinations, argument également irrecevable, car hystérie et hallucinations survenaient avec les conditions abominables de leur détention et le sadisme particulier des bourreaux à leur égard.
Pour les élites, la femme est créature ambivalente. Parfois, s'impose à eux, l'image de la femme âgée, dépositaire des croyances populaires qui prépare les remèdes à base de plantes, accouche les jeunes femmes, veille malades et mourants. Et ce rôle social, ce savoir, les doctes mâles ne le supportent pas, ils le jalousent ! En outre, il est à noter que, princes de l'Eglise et inquisiteurs, curieux de tout savoir sur leurs ouailles vont pour ce faire, charger les curés des paroisses d'obtenir les renseignements qui les intéressent. Les guérisseuses, accoucheuses sont donc tenues d'annoncer au curé, les naissances en précisant si elles sont légitimes ou non et de dénoncer les relations extra-conjugales sous peine de passer elles-mêmes sur le bûcher. Cette obligation les protégera quelques fois relativement bien. L'image que se font les élites de la jeune femme est celui de la luxure. Aussi, lors des interrogatoires, les juges n'ont de cesse d'obtenir par le menu détail, leur pseudo-débauche sabbatique, les torturant au besoin. La veuve se retrouvant seule avec ses enfants, après avoir appelé en vain à son aide le bon Dieu et tous ses saints, est donc censée faire appel au Mauvais Esprit.
à suivre...
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Re: L'Inquisition espagnole : la vérité sur la légende noire
Les autres groupes exposés
Personne, absolument personne n'est à l'abri de poursuites pour crime de sorcellerie et même être bien né(e) n'interdit nullement de mourir de bien vilaine façon. Le crime de sorcellerie qualifié de crimen exceptum, efface toute protection, qu'elle soit sociale ou individuelle. Ainsi, une femme âgée, épouse d'un avocat à la Cour et procureur auprès de la régence, fut brûlée vive. Jamais, la femme n'éveilla chez les juges le moindre sentiment de compassion, et l'âge comme nous venons de le voir, ne suscita pas non plus la moindre indulgence, même pour une autre femme âgée de quatre-vingt-dix-huit ans.
Un examen plus attentif des documents de l'époque, révèle que certains métiers sont davantage sujets à risques que d'autres. Sur une liste de 275personnes interpellées, 25% sont des sages-femmes, 20% des bergers, 18% des aubergistes, 16% des prévôts, le même taux de boulangers et 8% de forgerons. Pourquoi autant de sages-femmes figuraient-elles au tableau de chasse des hommes de cette époque en dépit d'une certaine déférence mêlée toutefois de crainte à leur égard ? Si par malheur pour elles, la parturiente accouchait d'un enfant mort ou si l'enfant décédait entre leurs mains, cette mort ne pouvait avoir été ordonnée que par le Diable lui-même, et l'obséquieuse criminelle baptisera le petit cadavre en son nom afin qu'avec ses complices de sabbat, elle puisse le déterrer et le faire bouillir pour en tirer l'élément le plus important, la maléfique "moelle" pour leur onguent. Elles sont donc soupçonnées de fournir le monde infernal et peuvent être dénoncées comme sorcières en cas de mort d'un nouveau-né, de malformation congénitale de l'enfant ou encore de traumatisme obstétrical engendré par une lésion produite sur une portion limitée du fœtus survenue lors de l'action violente d'une tentative d'avortement ratée.
Proches de la nature, les bergers connaissent les plantes qui guérissent, ce qui fait d'eux des sorciers en puissance. Et le bruit court, qu'ils se transforment en loups, probablement en raison du grand nombre de ces canidés. Ainsi, une fillettes de 11 ans, Maria K., se voit jugée puis brûlée vive en 1630 pour s'être transmutée en jeune louve. Dans la même région, une veuve, Marguerite T. est condamnée pour la même raison et brûlée vive, elle se serait transformée en louve pour emporter un porc, et deux adolescents vont prendre le même chemin pour avoir créé des loups par magie.
En ce qui concerne les aubergistes, ce sont leurs épouses qui sont les principales victimes des valeureux gardiens de la morale de l'époque qui estiment que tavernes et auberges sont des lieux de stupre. Les procès relatent l'ambiance infernale bien éloignée du silence religieux des cloîtres et monastères qui règnent dans certains de ces établissements. Il est vrai que dans certaines auberges aux soirées particulières bien arrosées, la prostitution est un fait établi.
Chez les prévôts comme les bourgmestres et les aubergistes, ce sont leurs épouses qui alimenteront principalement les bûchers. L'explication en est fort simple. Les prévôts, présidant de manière général le tribunal des maléfices, les sorcières assurées de leur funeste sort, n'hésitent pas par pure vengeance, à dénoncer leurs épouses comme complices de sabbat.
Le pain et le sel, symboles de l'eucharistie étant utilisés dans l'élaboration des contre-sorts, les boulangers doivent donc en toute logique, être exempt de toute démonerie, à moins que, le four avec sa chaleur et ses flammes ne rappelle celles de l'enfer. Et le pain blanc, bien qu'exclu des banquets sabbatiques, arrive parfois sur la table du maître de l'enfer.
Les disciples de Vulcain sont également redoutés pour leur forge au feu infernal et il se dit à voix basse que le forgeron aurait tendance à s'accointer avec le Diable.
Cependant, guérisseuses et guérisseurs sont moins inquiétés.
Néanmoins, une énigme qui ne sera peut-être jamais résolue, demeure à ce jour, celle du nombre exact des victimes identifiées ou non, de la grande chasse aux sorcières.
L'arrestation et l'incarcération
Les juges n'attendent pas la fin de l'instruction si la mise en cause risque de prendre la poudre d'escampette, pour ordonner la prise de corps suivie de l'emprisonnement.
Sous la responsabilité du prévôt et de deux échevins de l'autorité judiciaire, les sergents de ville arrêtent et incarcèrent l'inculpée. Accessoirement, appel est fait à des auxiliaires de police, manutentionnaires au quotidien aux halles pour le transport à dos d'homme des marchandises de l'extérieur vers l'intérieur, et appelés "Forts des Halles" pour arrêter, enchaîner et mener les coupables jusqu'aux prisons. Le cachot est souvent un cul-de-basse-fosse ou un puits où l'accusée est descendue à l'aide d'une échelle ou d'une corde. Il arrive que l'inculpée soit oubliée et lorsque une année plus tard ou plus, on retrouve son cadavre ou ce qu'il en reste, il est placé sur un bûcher pour être réduit en cendres. Certains palais épiscopaux étaient dotés d'un cul-de-basse-fosse avec un accès identique mais aménagé de cages métalliques.
Que faut-il penser des conditions d'incarcération imposées à ces pauvres âmes damnées, entravées et plongées en permanence dans les ténèbres, pataugeant dans les eaux pluviales et leurs excréments, grelottant de froid, dévorées par la vermine, ayant pour seule compagnie les rats, une nourriture maigre, de piètre qualité quand elle n'est pas absente, les railleries des geôliers, des cauchemars nuit et jour et une terreur tenaillante à l'idée de subir la question puis le bûcher. Emprisonnée pendant deux ans, Margaretha L., sort a demi folle d'une détention beaucoup trop longue. Son accusatrice, tourmentée par sa conscience, la décharge juste avant que le bourreau ne l'étrangle et ne boute le feu au bûcher. Elle est libérée in extremis n'ayant jamais avoué le moindre maléfice, mais il est trop tard, elle meurt des torture subies.
Interrogatoires et tortures
De manière générale, les interrogatoires sont menés par un tribunal composé de 7 magistrats. Après vérification de l'identité de l'inculpée et de celle de ses ascendants plus particulièrement car il se pourrait que certains parmi eux aient déjà été condamnés pour sorcellerie et dans ce cas, l'établissement de la filiation permettant d'estimer l'évidence de la transmission diabolique doit être effectué. La prévenue est alors informée des motifs de son arrestation et interrogée sur la base des dépositions des témoins et d'éventuelles dénonciations d'autres accusées et si cela s'avérait nécessaire, les confrontations ont lieu. Lors du face-à-face, la prévenue est souvent très surprise de voir des hommes et des femmes de son village pour qui elle avait de la considération, et à ce moment-là, de vieilles rancœurs éclatent et des secrets de familles, de village, de clan, sont étalés au grand jour et dans quelques villages, l'instituteur et le curé voire le pasteur, ne se contentent pas d'assister à l'interrogatoire, mais ils y prennent part activement.
Aussitôt que l'inculpée reconnait les faits qui lui sont reprochés, la sentence de la peine de mort est prononcée mais, les juges ne se satisfont pas de ces aveux spontanés, ils veulent connaître les relations exactes qu'elle entretient avec le Diable et les noms de ses complices de sabbat aussi, vont-ils procédé à un interrogatoire plus poussé en recourant à la torture.
Avant d'être torturée, l'inculpée doit jeûner afin de ne pas vomir lorsqu'elle sera soumise à la question. Puis, la première opération consiste à la dénuder afin de raser toutes les parties velues du corps, car selon le procureur général Nicolas Remy "où il y a poil, il n'est pas rare que le Démon se tienne caché dans les endroits obscènes et permettre de rester silencieux sous la torture et qu'il fait disparaître la sensation au plus fort des supplices." Cette résistance à la douleur est appelée "charme de la taciturnité" par les démonologues. Il arrive que, pour gagner du temps et certainement par sadisme, que les toisons soient brûlées avec une bougie. Parfois, un prêtre est sollicité pour exorciser la future suppliciée. La seconde opération consiste à vérifier si l'inculpée ne porte pas le sceau de son maître, estampille qui a la propriété de rendre insensibles les parties du corps vouées au maître de l'enfer. Au temps de la Renaissance on ignorait encore que les cataleptiques, les épileptiques, les hystériques, etc., sont sujets à des phénomènes d'analgésie. Et pour bon nombre de démonologues et de magistrats, ces sigma diaboli constituent à eux seuls la preuve du crime de sorcellerie.
Lors de cette exploration sensitive, une grosse épingle est enfoncée dans les différentes parties du corps, et plus particulièrement dans les grains de beauté, kystes, cicatrices, verrues ou toute autre anomalie cutanée. Tout point insensible du corps dénonce l'emprise satanique et l'inculpée n'ayant ressentie la moindre douleur est déclarée sorcière séance tenante et brûlée aussitôt après. Et si la marque se trouve sur la tête, un chirurgien est aussitôt réquisitionné pour trouer la boite crânienne. Des points sondés ne saignent pas, sont également une preuve irréfutable de possession démoniaque. Fouetté sans relâche par le bourreau, le dos du jeune Johann F., 16 ans, ne montre aucune trace de sang. Les juges en concluent que le Diable a vidé le corps de l'adolescent de tout son sang ! Il sera décapité.
à suivre...
Personne, absolument personne n'est à l'abri de poursuites pour crime de sorcellerie et même être bien né(e) n'interdit nullement de mourir de bien vilaine façon. Le crime de sorcellerie qualifié de crimen exceptum, efface toute protection, qu'elle soit sociale ou individuelle. Ainsi, une femme âgée, épouse d'un avocat à la Cour et procureur auprès de la régence, fut brûlée vive. Jamais, la femme n'éveilla chez les juges le moindre sentiment de compassion, et l'âge comme nous venons de le voir, ne suscita pas non plus la moindre indulgence, même pour une autre femme âgée de quatre-vingt-dix-huit ans.
Un examen plus attentif des documents de l'époque, révèle que certains métiers sont davantage sujets à risques que d'autres. Sur une liste de 275personnes interpellées, 25% sont des sages-femmes, 20% des bergers, 18% des aubergistes, 16% des prévôts, le même taux de boulangers et 8% de forgerons. Pourquoi autant de sages-femmes figuraient-elles au tableau de chasse des hommes de cette époque en dépit d'une certaine déférence mêlée toutefois de crainte à leur égard ? Si par malheur pour elles, la parturiente accouchait d'un enfant mort ou si l'enfant décédait entre leurs mains, cette mort ne pouvait avoir été ordonnée que par le Diable lui-même, et l'obséquieuse criminelle baptisera le petit cadavre en son nom afin qu'avec ses complices de sabbat, elle puisse le déterrer et le faire bouillir pour en tirer l'élément le plus important, la maléfique "moelle" pour leur onguent. Elles sont donc soupçonnées de fournir le monde infernal et peuvent être dénoncées comme sorcières en cas de mort d'un nouveau-né, de malformation congénitale de l'enfant ou encore de traumatisme obstétrical engendré par une lésion produite sur une portion limitée du fœtus survenue lors de l'action violente d'une tentative d'avortement ratée.
Proches de la nature, les bergers connaissent les plantes qui guérissent, ce qui fait d'eux des sorciers en puissance. Et le bruit court, qu'ils se transforment en loups, probablement en raison du grand nombre de ces canidés. Ainsi, une fillettes de 11 ans, Maria K., se voit jugée puis brûlée vive en 1630 pour s'être transmutée en jeune louve. Dans la même région, une veuve, Marguerite T. est condamnée pour la même raison et brûlée vive, elle se serait transformée en louve pour emporter un porc, et deux adolescents vont prendre le même chemin pour avoir créé des loups par magie.
En ce qui concerne les aubergistes, ce sont leurs épouses qui sont les principales victimes des valeureux gardiens de la morale de l'époque qui estiment que tavernes et auberges sont des lieux de stupre. Les procès relatent l'ambiance infernale bien éloignée du silence religieux des cloîtres et monastères qui règnent dans certains de ces établissements. Il est vrai que dans certaines auberges aux soirées particulières bien arrosées, la prostitution est un fait établi.
Chez les prévôts comme les bourgmestres et les aubergistes, ce sont leurs épouses qui alimenteront principalement les bûchers. L'explication en est fort simple. Les prévôts, présidant de manière général le tribunal des maléfices, les sorcières assurées de leur funeste sort, n'hésitent pas par pure vengeance, à dénoncer leurs épouses comme complices de sabbat.
Le pain et le sel, symboles de l'eucharistie étant utilisés dans l'élaboration des contre-sorts, les boulangers doivent donc en toute logique, être exempt de toute démonerie, à moins que, le four avec sa chaleur et ses flammes ne rappelle celles de l'enfer. Et le pain blanc, bien qu'exclu des banquets sabbatiques, arrive parfois sur la table du maître de l'enfer.
Les disciples de Vulcain sont également redoutés pour leur forge au feu infernal et il se dit à voix basse que le forgeron aurait tendance à s'accointer avec le Diable.
Cependant, guérisseuses et guérisseurs sont moins inquiétés.
Néanmoins, une énigme qui ne sera peut-être jamais résolue, demeure à ce jour, celle du nombre exact des victimes identifiées ou non, de la grande chasse aux sorcières.
L'arrestation et l'incarcération
Les juges n'attendent pas la fin de l'instruction si la mise en cause risque de prendre la poudre d'escampette, pour ordonner la prise de corps suivie de l'emprisonnement.
Sous la responsabilité du prévôt et de deux échevins de l'autorité judiciaire, les sergents de ville arrêtent et incarcèrent l'inculpée. Accessoirement, appel est fait à des auxiliaires de police, manutentionnaires au quotidien aux halles pour le transport à dos d'homme des marchandises de l'extérieur vers l'intérieur, et appelés "Forts des Halles" pour arrêter, enchaîner et mener les coupables jusqu'aux prisons. Le cachot est souvent un cul-de-basse-fosse ou un puits où l'accusée est descendue à l'aide d'une échelle ou d'une corde. Il arrive que l'inculpée soit oubliée et lorsque une année plus tard ou plus, on retrouve son cadavre ou ce qu'il en reste, il est placé sur un bûcher pour être réduit en cendres. Certains palais épiscopaux étaient dotés d'un cul-de-basse-fosse avec un accès identique mais aménagé de cages métalliques.
Que faut-il penser des conditions d'incarcération imposées à ces pauvres âmes damnées, entravées et plongées en permanence dans les ténèbres, pataugeant dans les eaux pluviales et leurs excréments, grelottant de froid, dévorées par la vermine, ayant pour seule compagnie les rats, une nourriture maigre, de piètre qualité quand elle n'est pas absente, les railleries des geôliers, des cauchemars nuit et jour et une terreur tenaillante à l'idée de subir la question puis le bûcher. Emprisonnée pendant deux ans, Margaretha L., sort a demi folle d'une détention beaucoup trop longue. Son accusatrice, tourmentée par sa conscience, la décharge juste avant que le bourreau ne l'étrangle et ne boute le feu au bûcher. Elle est libérée in extremis n'ayant jamais avoué le moindre maléfice, mais il est trop tard, elle meurt des torture subies.
Interrogatoires et tortures
De manière générale, les interrogatoires sont menés par un tribunal composé de 7 magistrats. Après vérification de l'identité de l'inculpée et de celle de ses ascendants plus particulièrement car il se pourrait que certains parmi eux aient déjà été condamnés pour sorcellerie et dans ce cas, l'établissement de la filiation permettant d'estimer l'évidence de la transmission diabolique doit être effectué. La prévenue est alors informée des motifs de son arrestation et interrogée sur la base des dépositions des témoins et d'éventuelles dénonciations d'autres accusées et si cela s'avérait nécessaire, les confrontations ont lieu. Lors du face-à-face, la prévenue est souvent très surprise de voir des hommes et des femmes de son village pour qui elle avait de la considération, et à ce moment-là, de vieilles rancœurs éclatent et des secrets de familles, de village, de clan, sont étalés au grand jour et dans quelques villages, l'instituteur et le curé voire le pasteur, ne se contentent pas d'assister à l'interrogatoire, mais ils y prennent part activement.
Aussitôt que l'inculpée reconnait les faits qui lui sont reprochés, la sentence de la peine de mort est prononcée mais, les juges ne se satisfont pas de ces aveux spontanés, ils veulent connaître les relations exactes qu'elle entretient avec le Diable et les noms de ses complices de sabbat aussi, vont-ils procédé à un interrogatoire plus poussé en recourant à la torture.
Avant d'être torturée, l'inculpée doit jeûner afin de ne pas vomir lorsqu'elle sera soumise à la question. Puis, la première opération consiste à la dénuder afin de raser toutes les parties velues du corps, car selon le procureur général Nicolas Remy "où il y a poil, il n'est pas rare que le Démon se tienne caché dans les endroits obscènes et permettre de rester silencieux sous la torture et qu'il fait disparaître la sensation au plus fort des supplices." Cette résistance à la douleur est appelée "charme de la taciturnité" par les démonologues. Il arrive que, pour gagner du temps et certainement par sadisme, que les toisons soient brûlées avec une bougie. Parfois, un prêtre est sollicité pour exorciser la future suppliciée. La seconde opération consiste à vérifier si l'inculpée ne porte pas le sceau de son maître, estampille qui a la propriété de rendre insensibles les parties du corps vouées au maître de l'enfer. Au temps de la Renaissance on ignorait encore que les cataleptiques, les épileptiques, les hystériques, etc., sont sujets à des phénomènes d'analgésie. Et pour bon nombre de démonologues et de magistrats, ces sigma diaboli constituent à eux seuls la preuve du crime de sorcellerie.
Lors de cette exploration sensitive, une grosse épingle est enfoncée dans les différentes parties du corps, et plus particulièrement dans les grains de beauté, kystes, cicatrices, verrues ou toute autre anomalie cutanée. Tout point insensible du corps dénonce l'emprise satanique et l'inculpée n'ayant ressentie la moindre douleur est déclarée sorcière séance tenante et brûlée aussitôt après. Et si la marque se trouve sur la tête, un chirurgien est aussitôt réquisitionné pour trouer la boite crânienne. Des points sondés ne saignent pas, sont également une preuve irréfutable de possession démoniaque. Fouetté sans relâche par le bourreau, le dos du jeune Johann F., 16 ans, ne montre aucune trace de sang. Les juges en concluent que le Diable a vidé le corps de l'adolescent de tout son sang ! Il sera décapité.
à suivre...
Freya- Messages : 1338
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Re: L'Inquisition espagnole : la vérité sur la légende noire
A présent, l'inculpée est prête à subir la question qui fait partie à l'époque de l'arsenal légal. Quel que soit le supplice, il est gradué dans son intensité. Le premier degré est destiné à effrayer la suppliciée et pour ce faire, les instruments lui sont présentés puis, leur manipulation à vide, et dans son imagination le grincement des machines fait le reste. Cette mise en condition est appelée le Miroir.
Pour concevoir des appareils de torture, l'homme a l'imagination fertile. Sur une trentaine d'appareils recensés, les bourreaux utilisent particulièrement l'estrapade et la botte espagnole ou encore les grésillons ; les plus récalcitrantes des suppliciées sont soumises à la chaise d'insomnie.
L'estrapade consiste à hisser la suppliciée jusqu'au plafond puis, à la suspendre ou à la laisser tomber brutalement. Toujours dans un souci de gradation, les premiers essais se font à vide, c'est-à dire sans lest supplémentaire puis, on accroche aux pieds de la suppliciée des pierres de plus en plus lourdes. Ainsi, Dorothée P. s'est vue gratifiée de 28 kilos de pierres ; Maria T. est étirée le temps de réciter huit Pater Noster et huit Ave. La finalité de ce supplice est d'étirer les membres.
La botte espagnole consiste à serrer les jambes entre des planches dans lesquelles le bourreau enfonce des coins à coups de masse. Il en résulte l'écrasement et parfois l'éclatement des chairs et des os.
Les grésillons ont pour but d'écraser les pieds et les mains.
De tous les supplices, l'un des plus redoutés mais aussi l'un des plus efficaces, est la chaise d'insomnie. La malheureuse suppliciée est installée sur une chaise, le cou enserré dans un collier aux longues pointes en fer acérées ; au moindre endormissement, les pointes de fer effilées se plantent dans le cou. Elisabeth S. meurt sur la chaise ; Anna L. et Anne H. y restent deux jours et deux nuits, délai au-delà duquel, le tormentum insomniae est insupportable. A l'exemple de beaucoup d'autres qui ont connu le même supplice, Anna L. pour faire cesser ses souffrances, préfère donner les réponses tant attendues des juges qui, courroucés qu'elle les ai fait perdre leur temps, la condamne en sus de la peine capitale, à être tenaillée au fer rouge par trois fois sur le chemin du bûcher. Certains tribunaux, surtout en Allemagne, utilisent la "chaise de la sorcière", un siège en fer chauffé à blanc. Et chaque bourreau se plaît à raffiner les méthodes et à en inventer d'autres.
La torture des enfants
Pour les faire parler, seul le fouet est admis, du moins en principe. Malgré cela, s'ils se trouvent impliqués dans des affaires de sorcellerie, ils sont soumis dès l'âge de quatorze ans aux mêmes sévices que les adultes, le fouet en supplément. Bartholomaeus P., âgé de seize ans, a l'outrecuidance de se rétracter après ses aveux, le bourreau commence par lui fouetter le dos jusqu'au sang puis, il lui écrase les jambes au moyen de la botte espagnole ; insensible à la douleur, l'adolescent ne dit mot ; agacé, le bourreau le suspend à l'estrapade puis, l'installe sur la chaise d'insomnie. En dépit de tous les efforts déployés par le bourreau, l'adolescent s'entête à nier les crimes dont il est accusé. Faute d'aveux, la peine de mort ne peut être requise et il est donc condamné à demeurer enchaîné au domicile de ses parents. Mais, après quelques semaines, son père va supplier le tribunal des maléfices, de le débarrasser de son fils dont la charge d'entretien est trop lourde pour la famille, et finalement Bartolomeus se retrouve banni de son village.
Par une ordonnance de 1488, des enfants en très bas âge sont plongés dans des cachots et il est interdit de les admettre à la «réconciliation» avant l'âge de 14 ans.
L'exécution des enfants
La justice est toujours rendue au nom de Dieu. Johann J., un enfant de neuf ans, est brûlé vif et tous ses biens sont confisqués. En principe, les enfants ne sont pas brûlés mais, exécutés tôt le matin à la hache dans leur cachot. Les jésuites interviennent régulièrement auprès des juges afin que les enfants soient décolletés et non étranglés. En 1683, Ursule S., une septuagénaire aveugle devait être brûlé en même temps que l'orpheline de douze ans, Madeleine B., qui lui servait de guide et qui, en raison de son jeune âge devait être étranglée avant d'être rôtie. Les voisins les accusaient d'élever des puces pour le seul plaisir de les harceler et de répandre des chenilles dans leur jardin pour qu'elles dévorent leurs choux. L'aveugle fut durement torturée et la fillette longuement fouettée. La mort fut décrétée pour toutes les deux mais l'édit proclamé en juillet 1682 par le roi Louis XIV, sauva in extremis la vie à la fillette qui fut emprisonnée tandis que l'aveugle fut pendue.
En multipliant les dénonciations, il s'avère que la torture déclenche une réaction en chaîne difficile à contenir. Il arrive que l'ampleur du phénomène soit si forte qu'elle suscite la terreur dans toute la communauté (d'autant plus que par les meurtrières des murs épais, les hurlements des suppliciées s'entendent jusque dans les rues passantes) au point que, les notables effrayés font pression sur des juges pour rompre la spirale infernale. Sous la torture, Marie Z. dénonce trente-quatre complices, Marie S. cinquante-huit et Anna B. soixante et un. Outre Rhin, nous arrivons à six mille trois cents complices pour trois-cent-soixante-six suppliciées ! Les procès génèrent des dénonciations entraînant elles-mêmes d'autres procès, etc. et donne l'apparence d'une épidémie basée au départ, sur de simples on-dit, et qui sont la cause de la couvaison satanique.
Confirmation des aveux et condamnation
Après l'obtention des aveux, l'accusée est présentée devant les magistrats du tribunal afin de renouveler ses aveux. Dans la pratique, l'un des sept juges lit les accusations enregistrées par le greffier que l'accusée est invitée à confirmer. Cette dernière a été avertie que si elle revenait sur ses déclarations, le bourreau lui ferait endurer la question de la manière la plus cruelle. Ces aveux post tormenta se font sans contrainte et à l'écart de la salle de torture. Ainsi, une valeur juridique supérieure est offerte à ceux extorqués sous la torture, donnant ainsi bonne conscience à tous ceux qui ont ordonné et exécuté ces supplices. Le tribunal des maléfices, au vu des accusations certifiées, rédige les attendus, prononce la sentence et ordonne son exécution.
La condamnation à mort entraîne la confiscation souvent totale des biens qui sont revendus, jetant des parents, des orphelins, dans une plus grande misère. Tout est décompté, de la rémunération des juges au brandon qui boutera le feu au bûcher sans oublier les honoraires du bourreau.
L'exécution de la sentence
Toute exécution pour crime de sorcellerie doit répondre à trois objectifs : elle doit être spectaculaire, terrifiante et purificatrice. Avec des volées de trois coups, la cloche des suppliciés accompagne les condamnées jusqu'au bûcher. Si la malheureuse supplicié n'est plus en état de se tenir debout, elle est chargée sur la charrette d'infamie, deux prêtres se tiennent à ses côtés. Le bailli suit à cheval puis, viennent à pied, le prévôt, les juges, les procureurs et les témoins, escortés des sergents de ville. La population est invitée à assister à l'exécution et pour qu'un maximum de personnes soient présentes, l'exécution a lieu un jour de marché. Afin que l'exécution soit aussi terrifiante que possible, les flammes du bûcher doivent être un rappel de celles de l'enfer et symboliser en même temps le flamboiement divin qui triomphe des ardeurs lucifériennes. En dernier lieu, elles doivent purifier la sorcière afin de lui donner une chance d'être sauvée dans l'au-delà, salut qui lui est refusé si l'Eglise n'accepte pas de lui donner l'extrême onction, interdisant du même coup toute résurrection du corps. Dans son mémoire universitaire consacré aux Superstitions dans la société paysanne en Alsace aux XVIe et XVIIe siècles, Stéphanie Doré a une approche différente : "L'incinération revêtait une forme de châtiment dont le but n'était pas de libérer l'âme de sa prison charnelle ou encore de lui faciliter le chemin dans l'au-delà, mais bien de rendre le corps, auparavant dangereux, inoffensif ainsi que de l'empêcher de revenir sur les lieux des méfaits commis."
Ces exécutions se font extra muros pour des raisons évidentes et se situent pour la plupart du temps sur un tertre ou sur un mont pour une meilleure exposition mais, l'on peut se poser la question si, inconsciemment, ce n'est pas une réminiscence d'un autre supplicié montant vers son lieu de supplice, le Golgotha.
Pour un bûcher digne de ce nom, il faut au moins quatre stères de bois et soixante-quinze fagots entremêlés de paille, le tout saupoudré de cinq cents grammes à un kilo de poudre à canon.
Arrivée au pied du bûcher, la sentence est à nouveau lue à la suppliciée qui est ensuite ligotée au poteau à travers un passage à travers les fagots de façon que l'on ne voie que sa tête.
Les documents du procès son souvent brûlés en même temps.
Pas toutes les suppliciées ne finissent sur le bûcher. Ainsi, Aenel S. est condamnée à être enfermée vivante dans un tonneau jeté à l'eau qui servira de cible à la soldatesque récemment dotée de mousquetons.
La sorcellerie étant un crime imprescriptible, rien, même la mort ne peut suspendre la poursuite d'un tel forfait. La procédure est enclenchée même après que la dénonciation d'une prétendue sorcière survient après sa mort. Si le procès post mortem conclut à la peine capitale, le cadavre est déterré pour être traîné dans rues puis, détruit publiquement par le feu à l'instar de n'importe quelle sorcière.
Des suppliciées ne supportant plus les tortures se suicident en se pendant dans leur cellule. Pour les juges, il s'agit d'une dérobade qui n'est qu'un aveu de leur culpabilité qui n'entravera en rien le cérémonial d'autant plus que le suicide est considéré à cette époque comme un attentat contre Dieu, crime gravissime. Attachés debout à un poteau, leurs cadavres sont incinérés au pied du gibet. Quant au bourreau, ses honoraires sont d'un cinquième par rapport à ce qu'il perçoit pour des suppliciées vivantes.
Conclusion
L'innocence de ces milliers de victimes qui croyaient au paradis et à qui l'Inquisition a fait connaître l'enfer terrestre, n'est pas à démontrer. Les sentences peuvent être classées en deux catégories : les maléfices d'une part, leur relation avec le Diable d'autre part. Il ne faut pas que ces victimes disparaissent de nos mémoires.
L'Eglise a toujours prétendu être la représentante de Dieu sur Terre, affirmé avoir reçu la puissance suprême et détenir l'absolue vérité, d'où sa formule bien connue "Hors de l'Église, pas de salut !" En conséquence, frapper les hérétiques et les réprouvés fut un devoir social pour elle, dans l'intérêt supérieur de l'humanité bien entendu, car le bien des âmes exigeait que l'on tenaillât les chairs aux fers rougis ! Pour une religion qui se veut d'amour pour son prochain, elle a eu une façon vraiment charmante de prendre soin des âmes de ses sœurs et frères.
Créée et dirigée par la papauté, l'Inquisition fut une juridiction crainte de tous en vertu d'un double droit : celui de la défense et celui de la coercition. Les Cathares, branche chrétienne hérétique, furent les premières victimes des Inquisiteurs. Pour sa défense, l'Eglise invoque son droit de coercition dont elle a fait usage ! Au XVIe siècle, le pape Paul III crée la Sacrée Congrégation de l'Inquisition romaine et universelle en remplacement de l’Inquisitio hereticae pravitatis. Au XXe siècle, le pape Pie X renomme cette institution « Sacrée congrégation du Saint-Office ». En 1967, le pape Paul VI en change à nouveau la dénomination et l'appelle « Congrégation pour la doctrine de la foi » qui existe toujours. Sa mission demeure inchangée, protéger la foi, les mœurs, les doctrines conformes à la foi dans le monde catholique. Elle est composée d’une vingtaine de membres, évêques et cardinaux de différents pays, assistés d'experts de différents domaines ecclésiastiques et présidée par le Grand Inquisiteur et pape, Benoît XVI qui a dit :
«L’expression «Grand inquisiteur» représente une classification historique. Quelque part nous sommes dans cette continuité. Nous essayons cependant de faire aujourd’hui à partir de notre conscience de la justice ce qui a été fait dans le passé avec des méthodes en partie critiquables. Il faut cependant dire que l’inquisition a été un progrès, car plus personne ne pouvait être jugé sans un inquisitio, c’est-à-dire sans qu’il y ait eu un examen, une enquête.»
(Déclaration du cardinal Joseph Ratzinger, dans l’émission Contrastes du 03/03/2005 sur la chaîne de télévision allemande ARD, à propos de son titre inofficiel de «Grand Inquisiteur moderne». Quelques semaines plus tard il fut élu pape.)
Donc, ce monsieur n'a aucune compassion pour les victimes innocentes de son Eglise... et si jusqu'à ce jour, cette dernière n'a pas ramené l'Inquisition, c'est qu'elle ne le pouvait pas mais, n'hésiterait pas à la reconduire !
Pour concevoir des appareils de torture, l'homme a l'imagination fertile. Sur une trentaine d'appareils recensés, les bourreaux utilisent particulièrement l'estrapade et la botte espagnole ou encore les grésillons ; les plus récalcitrantes des suppliciées sont soumises à la chaise d'insomnie.
L'estrapade consiste à hisser la suppliciée jusqu'au plafond puis, à la suspendre ou à la laisser tomber brutalement. Toujours dans un souci de gradation, les premiers essais se font à vide, c'est-à dire sans lest supplémentaire puis, on accroche aux pieds de la suppliciée des pierres de plus en plus lourdes. Ainsi, Dorothée P. s'est vue gratifiée de 28 kilos de pierres ; Maria T. est étirée le temps de réciter huit Pater Noster et huit Ave. La finalité de ce supplice est d'étirer les membres.
La botte espagnole consiste à serrer les jambes entre des planches dans lesquelles le bourreau enfonce des coins à coups de masse. Il en résulte l'écrasement et parfois l'éclatement des chairs et des os.
La botte espagnole.
Les grésillons ont pour but d'écraser les pieds et les mains.
De tous les supplices, l'un des plus redoutés mais aussi l'un des plus efficaces, est la chaise d'insomnie. La malheureuse suppliciée est installée sur une chaise, le cou enserré dans un collier aux longues pointes en fer acérées ; au moindre endormissement, les pointes de fer effilées se plantent dans le cou. Elisabeth S. meurt sur la chaise ; Anna L. et Anne H. y restent deux jours et deux nuits, délai au-delà duquel, le tormentum insomniae est insupportable. A l'exemple de beaucoup d'autres qui ont connu le même supplice, Anna L. pour faire cesser ses souffrances, préfère donner les réponses tant attendues des juges qui, courroucés qu'elle les ai fait perdre leur temps, la condamne en sus de la peine capitale, à être tenaillée au fer rouge par trois fois sur le chemin du bûcher. Certains tribunaux, surtout en Allemagne, utilisent la "chaise de la sorcière", un siège en fer chauffé à blanc. Et chaque bourreau se plaît à raffiner les méthodes et à en inventer d'autres.
La torture des enfants
Pour les faire parler, seul le fouet est admis, du moins en principe. Malgré cela, s'ils se trouvent impliqués dans des affaires de sorcellerie, ils sont soumis dès l'âge de quatorze ans aux mêmes sévices que les adultes, le fouet en supplément. Bartholomaeus P., âgé de seize ans, a l'outrecuidance de se rétracter après ses aveux, le bourreau commence par lui fouetter le dos jusqu'au sang puis, il lui écrase les jambes au moyen de la botte espagnole ; insensible à la douleur, l'adolescent ne dit mot ; agacé, le bourreau le suspend à l'estrapade puis, l'installe sur la chaise d'insomnie. En dépit de tous les efforts déployés par le bourreau, l'adolescent s'entête à nier les crimes dont il est accusé. Faute d'aveux, la peine de mort ne peut être requise et il est donc condamné à demeurer enchaîné au domicile de ses parents. Mais, après quelques semaines, son père va supplier le tribunal des maléfices, de le débarrasser de son fils dont la charge d'entretien est trop lourde pour la famille, et finalement Bartolomeus se retrouve banni de son village.
Par une ordonnance de 1488, des enfants en très bas âge sont plongés dans des cachots et il est interdit de les admettre à la «réconciliation» avant l'âge de 14 ans.
L'exécution des enfants
La justice est toujours rendue au nom de Dieu. Johann J., un enfant de neuf ans, est brûlé vif et tous ses biens sont confisqués. En principe, les enfants ne sont pas brûlés mais, exécutés tôt le matin à la hache dans leur cachot. Les jésuites interviennent régulièrement auprès des juges afin que les enfants soient décolletés et non étranglés. En 1683, Ursule S., une septuagénaire aveugle devait être brûlé en même temps que l'orpheline de douze ans, Madeleine B., qui lui servait de guide et qui, en raison de son jeune âge devait être étranglée avant d'être rôtie. Les voisins les accusaient d'élever des puces pour le seul plaisir de les harceler et de répandre des chenilles dans leur jardin pour qu'elles dévorent leurs choux. L'aveugle fut durement torturée et la fillette longuement fouettée. La mort fut décrétée pour toutes les deux mais l'édit proclamé en juillet 1682 par le roi Louis XIV, sauva in extremis la vie à la fillette qui fut emprisonnée tandis que l'aveugle fut pendue.
En multipliant les dénonciations, il s'avère que la torture déclenche une réaction en chaîne difficile à contenir. Il arrive que l'ampleur du phénomène soit si forte qu'elle suscite la terreur dans toute la communauté (d'autant plus que par les meurtrières des murs épais, les hurlements des suppliciées s'entendent jusque dans les rues passantes) au point que, les notables effrayés font pression sur des juges pour rompre la spirale infernale. Sous la torture, Marie Z. dénonce trente-quatre complices, Marie S. cinquante-huit et Anna B. soixante et un. Outre Rhin, nous arrivons à six mille trois cents complices pour trois-cent-soixante-six suppliciées ! Les procès génèrent des dénonciations entraînant elles-mêmes d'autres procès, etc. et donne l'apparence d'une épidémie basée au départ, sur de simples on-dit, et qui sont la cause de la couvaison satanique.
Confirmation des aveux et condamnation
Après l'obtention des aveux, l'accusée est présentée devant les magistrats du tribunal afin de renouveler ses aveux. Dans la pratique, l'un des sept juges lit les accusations enregistrées par le greffier que l'accusée est invitée à confirmer. Cette dernière a été avertie que si elle revenait sur ses déclarations, le bourreau lui ferait endurer la question de la manière la plus cruelle. Ces aveux post tormenta se font sans contrainte et à l'écart de la salle de torture. Ainsi, une valeur juridique supérieure est offerte à ceux extorqués sous la torture, donnant ainsi bonne conscience à tous ceux qui ont ordonné et exécuté ces supplices. Le tribunal des maléfices, au vu des accusations certifiées, rédige les attendus, prononce la sentence et ordonne son exécution.
La condamnation à mort entraîne la confiscation souvent totale des biens qui sont revendus, jetant des parents, des orphelins, dans une plus grande misère. Tout est décompté, de la rémunération des juges au brandon qui boutera le feu au bûcher sans oublier les honoraires du bourreau.
L'exécution de la sentence
Toute exécution pour crime de sorcellerie doit répondre à trois objectifs : elle doit être spectaculaire, terrifiante et purificatrice. Avec des volées de trois coups, la cloche des suppliciés accompagne les condamnées jusqu'au bûcher. Si la malheureuse supplicié n'est plus en état de se tenir debout, elle est chargée sur la charrette d'infamie, deux prêtres se tiennent à ses côtés. Le bailli suit à cheval puis, viennent à pied, le prévôt, les juges, les procureurs et les témoins, escortés des sergents de ville. La population est invitée à assister à l'exécution et pour qu'un maximum de personnes soient présentes, l'exécution a lieu un jour de marché. Afin que l'exécution soit aussi terrifiante que possible, les flammes du bûcher doivent être un rappel de celles de l'enfer et symboliser en même temps le flamboiement divin qui triomphe des ardeurs lucifériennes. En dernier lieu, elles doivent purifier la sorcière afin de lui donner une chance d'être sauvée dans l'au-delà, salut qui lui est refusé si l'Eglise n'accepte pas de lui donner l'extrême onction, interdisant du même coup toute résurrection du corps. Dans son mémoire universitaire consacré aux Superstitions dans la société paysanne en Alsace aux XVIe et XVIIe siècles, Stéphanie Doré a une approche différente : "L'incinération revêtait une forme de châtiment dont le but n'était pas de libérer l'âme de sa prison charnelle ou encore de lui faciliter le chemin dans l'au-delà, mais bien de rendre le corps, auparavant dangereux, inoffensif ainsi que de l'empêcher de revenir sur les lieux des méfaits commis."
Ces exécutions se font extra muros pour des raisons évidentes et se situent pour la plupart du temps sur un tertre ou sur un mont pour une meilleure exposition mais, l'on peut se poser la question si, inconsciemment, ce n'est pas une réminiscence d'un autre supplicié montant vers son lieu de supplice, le Golgotha.
Pour un bûcher digne de ce nom, il faut au moins quatre stères de bois et soixante-quinze fagots entremêlés de paille, le tout saupoudré de cinq cents grammes à un kilo de poudre à canon.
Arrivée au pied du bûcher, la sentence est à nouveau lue à la suppliciée qui est ensuite ligotée au poteau à travers un passage à travers les fagots de façon que l'on ne voie que sa tête.
Les documents du procès son souvent brûlés en même temps.
Pas toutes les suppliciées ne finissent sur le bûcher. Ainsi, Aenel S. est condamnée à être enfermée vivante dans un tonneau jeté à l'eau qui servira de cible à la soldatesque récemment dotée de mousquetons.
La sorcellerie étant un crime imprescriptible, rien, même la mort ne peut suspendre la poursuite d'un tel forfait. La procédure est enclenchée même après que la dénonciation d'une prétendue sorcière survient après sa mort. Si le procès post mortem conclut à la peine capitale, le cadavre est déterré pour être traîné dans rues puis, détruit publiquement par le feu à l'instar de n'importe quelle sorcière.
Des suppliciées ne supportant plus les tortures se suicident en se pendant dans leur cellule. Pour les juges, il s'agit d'une dérobade qui n'est qu'un aveu de leur culpabilité qui n'entravera en rien le cérémonial d'autant plus que le suicide est considéré à cette époque comme un attentat contre Dieu, crime gravissime. Attachés debout à un poteau, leurs cadavres sont incinérés au pied du gibet. Quant au bourreau, ses honoraires sont d'un cinquième par rapport à ce qu'il perçoit pour des suppliciées vivantes.
Conclusion
L'innocence de ces milliers de victimes qui croyaient au paradis et à qui l'Inquisition a fait connaître l'enfer terrestre, n'est pas à démontrer. Les sentences peuvent être classées en deux catégories : les maléfices d'une part, leur relation avec le Diable d'autre part. Il ne faut pas que ces victimes disparaissent de nos mémoires.
L'Eglise a toujours prétendu être la représentante de Dieu sur Terre, affirmé avoir reçu la puissance suprême et détenir l'absolue vérité, d'où sa formule bien connue "Hors de l'Église, pas de salut !" En conséquence, frapper les hérétiques et les réprouvés fut un devoir social pour elle, dans l'intérêt supérieur de l'humanité bien entendu, car le bien des âmes exigeait que l'on tenaillât les chairs aux fers rougis ! Pour une religion qui se veut d'amour pour son prochain, elle a eu une façon vraiment charmante de prendre soin des âmes de ses sœurs et frères.
Créée et dirigée par la papauté, l'Inquisition fut une juridiction crainte de tous en vertu d'un double droit : celui de la défense et celui de la coercition. Les Cathares, branche chrétienne hérétique, furent les premières victimes des Inquisiteurs. Pour sa défense, l'Eglise invoque son droit de coercition dont elle a fait usage ! Au XVIe siècle, le pape Paul III crée la Sacrée Congrégation de l'Inquisition romaine et universelle en remplacement de l’Inquisitio hereticae pravitatis. Au XXe siècle, le pape Pie X renomme cette institution « Sacrée congrégation du Saint-Office ». En 1967, le pape Paul VI en change à nouveau la dénomination et l'appelle « Congrégation pour la doctrine de la foi » qui existe toujours. Sa mission demeure inchangée, protéger la foi, les mœurs, les doctrines conformes à la foi dans le monde catholique. Elle est composée d’une vingtaine de membres, évêques et cardinaux de différents pays, assistés d'experts de différents domaines ecclésiastiques et présidée par le Grand Inquisiteur et pape, Benoît XVI qui a dit :
«L’expression «Grand inquisiteur» représente une classification historique. Quelque part nous sommes dans cette continuité. Nous essayons cependant de faire aujourd’hui à partir de notre conscience de la justice ce qui a été fait dans le passé avec des méthodes en partie critiquables. Il faut cependant dire que l’inquisition a été un progrès, car plus personne ne pouvait être jugé sans un inquisitio, c’est-à-dire sans qu’il y ait eu un examen, une enquête.»
(Déclaration du cardinal Joseph Ratzinger, dans l’émission Contrastes du 03/03/2005 sur la chaîne de télévision allemande ARD, à propos de son titre inofficiel de «Grand Inquisiteur moderne». Quelques semaines plus tard il fut élu pape.)
Donc, ce monsieur n'a aucune compassion pour les victimes innocentes de son Eglise... et si jusqu'à ce jour, cette dernière n'a pas ramené l'Inquisition, c'est qu'elle ne le pouvait pas mais, n'hésiterait pas à la reconduire !
Dernière édition par Freya le Lun 13 Déc 2021 - 9:55, édité 1 fois
Freya- Messages : 1338
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Localisation : Vosges
Re: L'Inquisition espagnole : la vérité sur la légende noire
On pourrait dire que les horreurs de l’Inquisition appartiennent au passé et peuvent être oubliées si l’esprit d’intolérance qui en était le moteur ne hantait pas notre civilisation aujourd’hui sous d’autres formes.
En effet, l’Eglise catholique a marqué l’esprit de la civilisation occidentale autant que l’Empire romain dont elle a repris les coutumes du pouvoir, y compris celle de la violence . Cette culture est fondée sur une logique d’intolérance, celle du dualisme des stoïciens et du mithraïsme entre le bien et le mal. L’exégèse d’Augustin, manichéen dans sa jeunesse, en porte la marque par le choix incontournable entre le Salut par la foi ou l’Enfer et dans son interprétation de la légende d’Adam et Eve qui maudit la femme. Dans la tradition augustinienne du dualisme Bien/Mal, Thomas d’Aquin institua un dualisme Vrai/Faux, une logique d’exclusion de toute contradiction et de toute alternative se référant aux principes de non-contradiction et du tiers exclu qu’Aristote avait conçue seulement pour les faits d’observation.
Après la scolastique, la science adopta la même logique, ce qui est normal, tant qu’elle s’applique à l’observation et à la description de la nature. Mais la pensée innée et les relations humaines et naturelles comprennent aussi la complémentarité des contraires et les analogies.
Le recours à la pensée dualiste Vrai/Faux excluant toute alternative héritée de l’Église catholique romaine est une malédiction héréditaire de notre civilisation occidentale. Lorsqu’elle est appliquée aux relations humaines elle aboutit à des horreurs.
Quand la science a remplacé la religion, des idéologies matérialistes sont apparues tels que le racisme national-socialiste ou le marxisme soviétique et maoïste qui ont bâti leurs pouvoirs sur des horreurs comparables à celles de l’Inquisition.
Toute idéologie qui prétend détenir la Vérité tente de s’imposer par la force.
“Ceux qui peuvent vous faire croire des absurdités peuvent vous faire commettre des atrocités” Voltaire
De nos jours la Science qui n’est plus recherche de connaissance mais recherche d’applications technologiques financièrement profitables est devenue une croyance incontournable. Son idéologie, le scientisme eugéniste, croit que les mathématiques gouvernent le monde physique et social, que l’homme est numérable, que l’Intelligence artificielle est la solution à tous les problèmes et que le contrôle numérique mondial élèvera l’humanité vers un niveau d’évolution nouveau: le transhumanisme.
Sous une forme moderne différente, la tyrannie par la doctrine mensongère et par la peur est de retour, comme au Moyen-Âge.
En effet, l’Eglise catholique a marqué l’esprit de la civilisation occidentale autant que l’Empire romain dont elle a repris les coutumes du pouvoir, y compris celle de la violence . Cette culture est fondée sur une logique d’intolérance, celle du dualisme des stoïciens et du mithraïsme entre le bien et le mal. L’exégèse d’Augustin, manichéen dans sa jeunesse, en porte la marque par le choix incontournable entre le Salut par la foi ou l’Enfer et dans son interprétation de la légende d’Adam et Eve qui maudit la femme. Dans la tradition augustinienne du dualisme Bien/Mal, Thomas d’Aquin institua un dualisme Vrai/Faux, une logique d’exclusion de toute contradiction et de toute alternative se référant aux principes de non-contradiction et du tiers exclu qu’Aristote avait conçue seulement pour les faits d’observation.
Après la scolastique, la science adopta la même logique, ce qui est normal, tant qu’elle s’applique à l’observation et à la description de la nature. Mais la pensée innée et les relations humaines et naturelles comprennent aussi la complémentarité des contraires et les analogies.
Le recours à la pensée dualiste Vrai/Faux excluant toute alternative héritée de l’Église catholique romaine est une malédiction héréditaire de notre civilisation occidentale. Lorsqu’elle est appliquée aux relations humaines elle aboutit à des horreurs.
Quand la science a remplacé la religion, des idéologies matérialistes sont apparues tels que le racisme national-socialiste ou le marxisme soviétique et maoïste qui ont bâti leurs pouvoirs sur des horreurs comparables à celles de l’Inquisition.
Toute idéologie qui prétend détenir la Vérité tente de s’imposer par la force.
“Ceux qui peuvent vous faire croire des absurdités peuvent vous faire commettre des atrocités” Voltaire
De nos jours la Science qui n’est plus recherche de connaissance mais recherche d’applications technologiques financièrement profitables est devenue une croyance incontournable. Son idéologie, le scientisme eugéniste, croit que les mathématiques gouvernent le monde physique et social, que l’homme est numérable, que l’Intelligence artificielle est la solution à tous les problèmes et que le contrôle numérique mondial élèvera l’humanité vers un niveau d’évolution nouveau: le transhumanisme.
Sous une forme moderne différente, la tyrannie par la doctrine mensongère et par la peur est de retour, comme au Moyen-Âge.
Re: L'Inquisition espagnole : la vérité sur la légende noire
De tous les écrivains contemporains de cette tragédie, seul Voltaire évoqua ce tragique épisode de la chasse aux sorcières. Il était d'avis que les bûchers ont joué le rôle de contrefeu allumé pour circonscrire un incendie social. En 1756 il écrit : "Il n'y a plus de sorciers depuis qu'on ne les brûle plus."
En 1670 déjà, un chancelier de l'université de Paris, Pierre Lalemant, écrit dans un mémoire : "Nous voïons par expérience, que dans les provinces de France où on ne parle poinct de sorciers et où on s'en mocque, il ne s'en trouve presque poinct."
En 1670 déjà, un chancelier de l'université de Paris, Pierre Lalemant, écrit dans un mémoire : "Nous voïons par expérience, que dans les provinces de France où on ne parle poinct de sorciers et où on s'en mocque, il ne s'en trouve presque poinct."
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