Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
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Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Bonjour à tous,
Je voudrais ici vous proposer une réflexion globale sur l'approche systémique de la communication, dans laquelle la relation intersubjective est au centre du processus, et les sujets des opérandes. Nous verrons que cette approche, qui va à l'encontre de l'approche objective où sont considérés deux sujets d'abord, et leur communication en tant que canal ensuite ; que cette approche donc autorise à expliquer la psychodynamique des relations humaines ainsi que son impact sur la forme sociale. Quant aux sujets nous verrons que, tant dans leur existence que dans leur consistance, ils sont indissociables de la relation qu'ils établissent ou devrait-on dire : de la relation qui les établit.
Je voudrais commencer cet exposé en m'appuyant sur la distinction pertinente des trois niveaux de la connaissance, correspondant aux trois regards que la conscience sait porter sur le monde :
- Le regard vers l'infra : son corps, son environnement, le monde en général dans ce qu'il a de physique, d'organique, et doit-on ajouter : de technique (la technostructure)
- Le regard sur soi-même qui sera le sujet central de la question intersubjective
- Le regard vers le supra : que l'on considère le supra comme l'inconscient collectif selon les idées de C.G Jung (qui ne se prononce du reste pas sur la nature transcendante ou pas des archétypes et de l'inconscient collectif), ou bien que l'on se place dans une optique spirituelle et mystique dans laquelle l'Esprit de source divine constitue la racine transcendante de la conscience.
I/ Manifeste de l’intersubjectivité. La mimesis au cœur du phénomène
Tout le paradoxe du sujet conscient de soi vient du fait que pour affirmer son autonomie et son existence, c'est avant tout face aux autres ou face à ce qu'il n'est pas qu'il doit le faire. Cette découverte de soi dans le regard de l'autre pose ainsi toute l'ambivalence de l'affirmation. Pour m'affirmer en tant qu'autonomie, il doit y avoir en moi quelque chose de l'autre, et cette présence de l'autre en moi, en même temps qu'elle rend possible cette affirmation, la contredit dans les termes et déstabilise immédiatement l'affirmation définitive de mon autonomie. En tant que sujet, je ne suis pas totalement autonome ni absolu. Ma situation de sujet est bien réelle, mais instable et précaire, dépendant pour une certaine part d’éléments qui me sont absolument extérieurs.
Pour René Girard et d'autres, Le phénomène clé derrière cette dynamique de l'intersubjectivité est la mimesis, ou encore l'aptitude innée et spontanée de la personne à rentrer dans une relation mimétique - comme en résonance - avec son environnement, permettant à l'individu de se laisser pénétrer et impressionner de tous ces éléments du monde qui l'entourent, dont les autres sujets. Et ainsi, d'acquérir les éléments cognitifs qui vont lui permettre en retour de s’exprimer et de s'affirmer dans le monde, ou encore de façon complémentaire : de trouver une voie d'harmonie avec le monde. D'ores et déjà, on peut souligner que la mimesis explique aussi bien les temps d'affirmation que de recherche d'harmonie du sujet avec son environnement. Les temps de différenciation dans le conflit, la rivalité, la tension ; que les temps de recherche d'une certaine indifférenciation dans la paix, l'effusion, la communion etc. C'est ce que nous allons analyser au prochain chapitre
Je voudrais ici vous proposer une réflexion globale sur l'approche systémique de la communication, dans laquelle la relation intersubjective est au centre du processus, et les sujets des opérandes. Nous verrons que cette approche, qui va à l'encontre de l'approche objective où sont considérés deux sujets d'abord, et leur communication en tant que canal ensuite ; que cette approche donc autorise à expliquer la psychodynamique des relations humaines ainsi que son impact sur la forme sociale. Quant aux sujets nous verrons que, tant dans leur existence que dans leur consistance, ils sont indissociables de la relation qu'ils établissent ou devrait-on dire : de la relation qui les établit.
Je voudrais commencer cet exposé en m'appuyant sur la distinction pertinente des trois niveaux de la connaissance, correspondant aux trois regards que la conscience sait porter sur le monde :
- Le regard vers l'infra : son corps, son environnement, le monde en général dans ce qu'il a de physique, d'organique, et doit-on ajouter : de technique (la technostructure)
- Le regard sur soi-même qui sera le sujet central de la question intersubjective
- Le regard vers le supra : que l'on considère le supra comme l'inconscient collectif selon les idées de C.G Jung (qui ne se prononce du reste pas sur la nature transcendante ou pas des archétypes et de l'inconscient collectif), ou bien que l'on se place dans une optique spirituelle et mystique dans laquelle l'Esprit de source divine constitue la racine transcendante de la conscience.
I/ Manifeste de l’intersubjectivité. La mimesis au cœur du phénomène
Tout le paradoxe du sujet conscient de soi vient du fait que pour affirmer son autonomie et son existence, c'est avant tout face aux autres ou face à ce qu'il n'est pas qu'il doit le faire. Cette découverte de soi dans le regard de l'autre pose ainsi toute l'ambivalence de l'affirmation. Pour m'affirmer en tant qu'autonomie, il doit y avoir en moi quelque chose de l'autre, et cette présence de l'autre en moi, en même temps qu'elle rend possible cette affirmation, la contredit dans les termes et déstabilise immédiatement l'affirmation définitive de mon autonomie. En tant que sujet, je ne suis pas totalement autonome ni absolu. Ma situation de sujet est bien réelle, mais instable et précaire, dépendant pour une certaine part d’éléments qui me sont absolument extérieurs.
Pour René Girard et d'autres, Le phénomène clé derrière cette dynamique de l'intersubjectivité est la mimesis, ou encore l'aptitude innée et spontanée de la personne à rentrer dans une relation mimétique - comme en résonance - avec son environnement, permettant à l'individu de se laisser pénétrer et impressionner de tous ces éléments du monde qui l'entourent, dont les autres sujets. Et ainsi, d'acquérir les éléments cognitifs qui vont lui permettre en retour de s’exprimer et de s'affirmer dans le monde, ou encore de façon complémentaire : de trouver une voie d'harmonie avec le monde. D'ores et déjà, on peut souligner que la mimesis explique aussi bien les temps d'affirmation que de recherche d'harmonie du sujet avec son environnement. Les temps de différenciation dans le conflit, la rivalité, la tension ; que les temps de recherche d'une certaine indifférenciation dans la paix, l'effusion, la communion etc. C'est ce que nous allons analyser au prochain chapitre
SFuchs- Messages : 135
Date d'inscription : 29/05/2015
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
II/ Modalités mimétiques
II.1/ Les relations symétriques : Rivalité, tension, différenciation
Pour parler le plus simplement de cette modalité mimétique qu'est la relation symétrique, je me baserai sur le triangle de la rivalité et du désir explicité par René Girard, dans lequel deux sujets se retrouvent en rivalité pour l'appropriation d'un objet. L'analyse de René Girard a ceci de remarquable, qu'elle montre que la valeur de l'objet ne vient pas forcément de sa qualité intrinsèque, mais du seul fait qu'à l'origine, l'un des deux protagonistes a porté un regard d'envie sur l'objet, provoquant spontanément et en retour une envie d'appropriation de l'objet par l'autre sujet. Ce feedback du deuxième sujet vient justifier à postériori l'intérêt initial du premier sujet pour l'objet.
Ainsi, les deux sujets sont devenus rivaux l'un de l'autre pour l'accession à l'objet, indépendamment d'une quelconque idée de valeur intrinsèque de l'objet comme sa valeur d'usage, par exemple. La valeur de l'objet surgit du regard porté sur lui, et la relation mimétique de rivalité avec. Il s'agit là d'un phénomène spontané, pour peu qu'il ait été amorcé au départ par l'un des deux protagonistes.
Cette compréhension de la relation permet d'éclairer beaucoup de phénomènes sociaux. Ainsi, un objet de consommation peut devenir désirable par tous uniquement parce qu'il a été présenté comme désiré par quelques-uns, conduisant à une auto-réalisation de la valeur élevée accordée à l'objet. La mode, le marché de l'art, le marketing publicitaire, le pricing en général dans une économie de marché, sont de bons exemples de manipulation de cette modalité du phénomène mimétique pour faire de la "création de valeur". Notons que cette compréhension de la psychologie des acteurs de l'économie a été finement théorisée par les économistes dits de l'école autrichienne.
Considérons désormais que dans ce triangle de la rivalité et du désir, le point objet soit confondu avec l'un des deux sujets. Cela est rendu possible si l'un des sujets manifeste une certaine confiance en soi, signe d'autosuffisance. Alors, la rivalité mimétique se transforme en l'aspiration de l'un des sujets à rejoindre le sujet-modèle qu'il prend pour exemple, pour but à atteindre, non pas pour ses qualités intrinsèques, mais pour son seul statut manifesté d'individu suffisant : c'est la stratégie narcissique, consistant à attirer à soi le regard envieux des autres, justifiant à postériori et de façon autoréalisatrice la valeur de soi que l'on a eu le soucis d'afficher. Ainsi, la confiance en soi attire les éléments de contexte permettant de renforcer la confiance en soi, et la mésestime de soi attire les regards d’opprobre conduisant à une dépréciation encore plus grande.
Par cette considération, nous pointons du doigt le phénomène d'avalanche, dit aussi catastrophique ou "boule de neige", de la relation mimétique en symétrique. C'est que derrière cette modalité mimétique, se cache une notion fondamentale mise en lumière par Bateson : le phénomène de double-contrainte ou encore "double bind". Que je désire un objet, et ce désir éveillera le désir d'un autre ou d'autres. En retour, autrui portera également un regard d'envie sur l'objet, qui ne fera que justifier à postériori et renforcer la valeur que j'accorde à l'objet. Ainsi, en même temps que grandit l'envie de l'objet, grandit la résistance de l'environnement constitué par autrui pour accéder à cet objet. On peut parler de situation catastrophique ou de phénomène en avalanche.
Si donc il n'existait dans le phénomène mimétique que la dimension de rivalité, le monde des hommes serait réduit au constat de la guerre de tous contre tous, sans issue possible. Or, le monde nous est témoin, ce n'est pas le cas. La mimesis peut emprunter d'autres voies conduisant à l'harmonie, la détente et la réconciliation. C'est ce que nous allons voir en deuxième partie.
II.2/ Les relations d'empathie : harmonie et communion
Ainsi donc, si le monde des hommes ne se réduit pas à la guerre de tous contre tous, c'est que l'établissement de leurs rapports intersubjectifs peut déboucher sur autre chose que la simple rivalité. C'est tout du moins ce que certaines expériences, moments historiques, laissent à penser. Ainsi en va-t-il des élans de sympathie ou de fraternité spontanés envers son prochain, qu'ils soient le fruit d'un échange harmonieux et réussi, qu'ils soient le fruit d'un lien affectif particulier (liens familiaux, sentiment d'appartenance communautaire, patriotisme etc.), qu'ils soient le fruit d'un élan de communion au travers d'une foi commune, d'une participation commune à des évènements petits (concerts, jubilés, festivals) ou plus grands (évènements sportifs planétaires, grands rendez-vous électoraux etc.). Autant de moment durant lesquels l'individu participe au plaisir de la réconciliation, de l'abandon d'une poursuite jusqu'à l'absurde des intérêts égoïstes. Bref, d'un doux écoulement dans l'indifférenciation.
Bien que ces jalons dans l'histoire de chacun - et de l'histoire en général - soient fondamentaux afin de créer ce que Henri Atlan nomme finement des temps de "recharge en redondance", il n'en reste pas moins que ces expériences d'effusion et de communion doivent se concevoir comme des parenthèses, des temps privilégiés permettant à l'individu de se réconcilier avec ce monde dont la marche semble dépendre si peu de lui, et de trouver un nouveau souffle pour repartir dans cette activité à temps plein qu'est le combat pour la vie.
II.1/ Les relations symétriques : Rivalité, tension, différenciation
Pour parler le plus simplement de cette modalité mimétique qu'est la relation symétrique, je me baserai sur le triangle de la rivalité et du désir explicité par René Girard, dans lequel deux sujets se retrouvent en rivalité pour l'appropriation d'un objet. L'analyse de René Girard a ceci de remarquable, qu'elle montre que la valeur de l'objet ne vient pas forcément de sa qualité intrinsèque, mais du seul fait qu'à l'origine, l'un des deux protagonistes a porté un regard d'envie sur l'objet, provoquant spontanément et en retour une envie d'appropriation de l'objet par l'autre sujet. Ce feedback du deuxième sujet vient justifier à postériori l'intérêt initial du premier sujet pour l'objet.
Ainsi, les deux sujets sont devenus rivaux l'un de l'autre pour l'accession à l'objet, indépendamment d'une quelconque idée de valeur intrinsèque de l'objet comme sa valeur d'usage, par exemple. La valeur de l'objet surgit du regard porté sur lui, et la relation mimétique de rivalité avec. Il s'agit là d'un phénomène spontané, pour peu qu'il ait été amorcé au départ par l'un des deux protagonistes.
Cette compréhension de la relation permet d'éclairer beaucoup de phénomènes sociaux. Ainsi, un objet de consommation peut devenir désirable par tous uniquement parce qu'il a été présenté comme désiré par quelques-uns, conduisant à une auto-réalisation de la valeur élevée accordée à l'objet. La mode, le marché de l'art, le marketing publicitaire, le pricing en général dans une économie de marché, sont de bons exemples de manipulation de cette modalité du phénomène mimétique pour faire de la "création de valeur". Notons que cette compréhension de la psychologie des acteurs de l'économie a été finement théorisée par les économistes dits de l'école autrichienne.
Considérons désormais que dans ce triangle de la rivalité et du désir, le point objet soit confondu avec l'un des deux sujets. Cela est rendu possible si l'un des sujets manifeste une certaine confiance en soi, signe d'autosuffisance. Alors, la rivalité mimétique se transforme en l'aspiration de l'un des sujets à rejoindre le sujet-modèle qu'il prend pour exemple, pour but à atteindre, non pas pour ses qualités intrinsèques, mais pour son seul statut manifesté d'individu suffisant : c'est la stratégie narcissique, consistant à attirer à soi le regard envieux des autres, justifiant à postériori et de façon autoréalisatrice la valeur de soi que l'on a eu le soucis d'afficher. Ainsi, la confiance en soi attire les éléments de contexte permettant de renforcer la confiance en soi, et la mésestime de soi attire les regards d’opprobre conduisant à une dépréciation encore plus grande.
Par cette considération, nous pointons du doigt le phénomène d'avalanche, dit aussi catastrophique ou "boule de neige", de la relation mimétique en symétrique. C'est que derrière cette modalité mimétique, se cache une notion fondamentale mise en lumière par Bateson : le phénomène de double-contrainte ou encore "double bind". Que je désire un objet, et ce désir éveillera le désir d'un autre ou d'autres. En retour, autrui portera également un regard d'envie sur l'objet, qui ne fera que justifier à postériori et renforcer la valeur que j'accorde à l'objet. Ainsi, en même temps que grandit l'envie de l'objet, grandit la résistance de l'environnement constitué par autrui pour accéder à cet objet. On peut parler de situation catastrophique ou de phénomène en avalanche.
Si donc il n'existait dans le phénomène mimétique que la dimension de rivalité, le monde des hommes serait réduit au constat de la guerre de tous contre tous, sans issue possible. Or, le monde nous est témoin, ce n'est pas le cas. La mimesis peut emprunter d'autres voies conduisant à l'harmonie, la détente et la réconciliation. C'est ce que nous allons voir en deuxième partie.
II.2/ Les relations d'empathie : harmonie et communion
Ainsi donc, si le monde des hommes ne se réduit pas à la guerre de tous contre tous, c'est que l'établissement de leurs rapports intersubjectifs peut déboucher sur autre chose que la simple rivalité. C'est tout du moins ce que certaines expériences, moments historiques, laissent à penser. Ainsi en va-t-il des élans de sympathie ou de fraternité spontanés envers son prochain, qu'ils soient le fruit d'un échange harmonieux et réussi, qu'ils soient le fruit d'un lien affectif particulier (liens familiaux, sentiment d'appartenance communautaire, patriotisme etc.), qu'ils soient le fruit d'un élan de communion au travers d'une foi commune, d'une participation commune à des évènements petits (concerts, jubilés, festivals) ou plus grands (évènements sportifs planétaires, grands rendez-vous électoraux etc.). Autant de moment durant lesquels l'individu participe au plaisir de la réconciliation, de l'abandon d'une poursuite jusqu'à l'absurde des intérêts égoïstes. Bref, d'un doux écoulement dans l'indifférenciation.
Bien que ces jalons dans l'histoire de chacun - et de l'histoire en général - soient fondamentaux afin de créer ce que Henri Atlan nomme finement des temps de "recharge en redondance", il n'en reste pas moins que ces expériences d'effusion et de communion doivent se concevoir comme des parenthèses, des temps privilégiés permettant à l'individu de se réconcilier avec ce monde dont la marche semble dépendre si peu de lui, et de trouver un nouveau souffle pour repartir dans cette activité à temps plein qu'est le combat pour la vie.
SFuchs- Messages : 135
Date d'inscription : 29/05/2015
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
III/ Modalités mimétiques et regards sur les époques
III.1/ De la guerre
Nous avons vu, dans le chapitre relatif à la relation symétrique, que la valeur accordée à un objet (ou à un sujet lorsque celui-ci est confondu avec l'objet de convoitise) ; que cette valeur donc était dans une large mesure indépendante de toute notion de valeur intrinsèque telle que la valeur d'usage ou autre. De façon également dramatique pourrait-on dire, les guerres tirent autant leur source de la logique mimétique, d'une modalité de gestion des tensions inhérentes à la relation intersubjective ; que d'enjeux territoriaux ou de défense d'espaces de subsistances à protéger. On peut considérer la guerre comme étant la conséquence d'une montée en escalade de la rivalité entre deux groupes.
On peut se demander par quel mécanisme se met en oeuvre cette rivalité ? Pour Pierre Clastres, rejoignant en ce sens René Girard, la rivalité intergroupe, dont la guerre est la manifestation paroxystique, est une stratégie de gestion de la violence latente entre les individus du groupe, consistant à évacuer cette violence latente sur un ennemi extérieur. Cette redirection de la violence vers un Autre, et tous les éléments de rhétorique et de justification qui découlent d'une telle stratégie, autorisent une détente globale des individus au sein du groupe ainsi constitué. Nous sommes à nouveau en présence d'un processus autoréalisateur dont la relation intersubjective est le soubassement, puisque nous aboutissons à une situation d'apaisement global en partant du postulat que la source de la tension provient d'un autre, d'un extérieur ; justifiant ainsi à postériori la confiance dans le prochain immédiat. En ce sens et de façon absolument paradoxale, le conflit intergroupe est le pendant de la concorde de tous dans les périmètres des groupes respectifs. Notons au passage que selon ce schéma, un individu se trouve assigné à un groupe, qu'il le souhaite ou non. En effet, vouloir appartenir aux deux groupes et le faire savoir est la garantie de ne pouvoir appartenir à aucun.
III.2/ Sociétés primitives, bouc émissaire. Le rite et le sacré
Nous arrivons ici au coeur de l'intuition de René Girard, dont le développement a permis d'éclairer d'une lumière géniale et nouvelle tant d'aspects de la construction des sociétés. Il s'agit de la logique du bouc émissaire. De la même façon que Pierre Clastres a su exposer les causes fondamentales du recours des hommes à la guerre, René Girard a identifié le caractère universel du recours au bouc émissaire, en lien avec le rite et le sacré. Alors que Pierre Clastres s'intéresse à la projection autoréalisatrice des causes de la discorde sur un ennemi extérieur désigné, René Girard voit dans le recours au bouc émissaire le même mécanisme d’auto-réalisation, mais cette fois-ci interne au groupe. L'ennemi n'est dès lors plus extérieur mais intérieur, et il a été identifié. Cette identification est contingente et relève du point de bifurcation, selon l'expression systémique. Pour une raison qu'il est difficile voire impossible à identifier à priori - c'est-à-dire avant que les premières attentions aient commencé à se focaliser - il existe dans une société un élément sur lequel va se porter un ou quelques regards désapprobateurs ou de suspicion. Toujours selon cette même logique autoréalisatrice, et parce que la tension latente intersubjective est en attente d'une voie d’évacuation, le seul fait qu'un ou quelques regards d’opprobre se portent sur un élément va justifier, par effet d'avalanche spontané, l'attention grandissante de la plupart, et à la limite de tous. Le bouc émissaire, coupable de tous les maux, vient ici et dans le temps nécessaire à la montée spontanée du phénomène, d'être désigné. Coupable désigné de la tension et des maux qui traversent et rongent le groupe, il sera sacrifié. Par ce sacrifice, c'est tout un groupe qui se sentira apaisé et libéré pour un temps.
Le ritualisme organisé par la caste sacerdotale de la communauté entre alors en jeu, permettant de commémorer et glorifier ce moment pour ainsi dire de vérité, au sens de la cohérence réalisée du groupe. Le rite prend dès lors tout son sens dans cette commémoration de la figure ambivalente du bouc émissaire, source fantasmée de tous les désordres, dont le sacrifice constitue le fondement, inconscient au niveau du commun, de la cohérence du groupe.
III.3/ La société chrétienne
L'analyse de René Girard prend tout son sens et son illustration dans le mythe du Dieu fait Homme, souffrant et crucifié. Si l'on considère le Christ sur la croix sous l'angle de la mimétique, nous sommes frappés de constater à quel point celui-ci s'apparente au totem des sociétés amérindiennes, dans sa fonction de symbole intercesseur nous invitant à se pencher sur notre condition dans le monde et notre rapport à l'au-delà. Cette figure chrétienne du totem, à laquelle la caste sacerdotale voue le culte et célèbre la grandeur et la mémoire au travers du rite, manifeste "la chose cachée à l'origine du monde" pour reprendre la belle expression de René Girard.
Ainsi donc, par le culte rendu, la communauté toute entière est invitée à se souvenir avec gravité et solennité du scandale et de l'injustice absolue du sacrifice en la personne du Christ, pureté incarnée. Par cette commémoration, chacun est invité à ne plus recourir à l'encontre des faibles, des innocents et plus généralement de son prochain ; à une violence irrévocablement frappée du sceau de l'absurde, puisque la bêtise des hommes a été expiée par le sacrifice de l'Homme sans pêché.
III.4/ La révolution des Lumières et le triomphe de la raison
Marcel Gauchet a finement noté que "le christianisme est la religion de la sortie de la religion". On peut effectivement trouver une filiation entre l'aboutissement historique des sociétés européennes consacrant l'individu autonome et responsable, et ce long mouvement européen par lequel l'homme a acquis une dignité universelle en tant qu'à l'image du Dieu sauveur. Souvenons-nous qu'une des raisons sociologique pouvant expliquer la montée du christianisme dans la république romaine tardive tient au fait que l'esclavage, les supplices et les crucifixions en vue de maintenir les peuples sous une autorité romaine de plus en plus chancelante et contestée, ont poussé les masses à se tourner vers une religion leur promettant le Salut et le rétablissement d'une justice dans le vrai Royaume, celui des Cieux.
Il y a certes une clôture au périmètre de la communauté chrétienne puisque les chrétiens sont frères en Christ, mais cette clôture contient en elle-même un élan d'ouverture, largement enseigné dans les Évangiles.
Il ne s'agit pas de nier les dérives fanatiques de l'église vis à vis de tous ceux qui étaient considérés dans l'erreur ou le mensonge. Giordano Bruno a été mis au bûcher pour cela et on peut parler, dans son cas et tant d'autres, d'un crime de l'église. Il ne s'agit pas non plus de nier l'entreprise d'acculturation des sociétés d'accueil du fait de serviteurs de l'église zélés et convaincus d'être les gardiens exclusifs de la foi universelle. Enfin, Il ne s'agit pas d'affirmer péremptoirement que le christianisme était destiné à faire évoluer les sociétés européennes dans le sens de leur sécularisation. Il s'agit néanmoins de constater que les Évangiles contiennent suffisamment d’éléments d'invitation à l'ouverture et à se garder de juger son prochain, pour rendre possible la sécularisation, soit une certaine tolérance vis à vis des opinions divergentes. Le "miracle européen", après celui de la Grèce antique, a donc eu à nouveau lieu.
Il y a des appels à l'ouverture dans les éléments définissant la clôture du christianisme, et ce paradoxe a rendu possible, dans le cadre chrétien, la sortie du religieux par le religieux dont parle Marcel Gauchet. On peut situer la dynamique d'émancipation de l'individu face à la contrainte sociale, et un prémisse de Déclaration des Droits de l'Homme, dans la lignée de cette théologie. L'individu libre et autonome est né.
Par glissements successifs, et sous l'influence des philosophes rationalistes qui vont s'affranchir du discours de l'église, soit par réaction, soit par envie d'ouvrir de nouvelles perspectives humanistes et philosophiques ; l'individu libre et autonome "mesure de toutes choses" sera petit à petit réduit à l'individu autonome parce qu'animé par la seule raison humaine.
*Edit : reformulation du paragraphe "III.3/ La société chrétienne"
III.1/ De la guerre
Nous avons vu, dans le chapitre relatif à la relation symétrique, que la valeur accordée à un objet (ou à un sujet lorsque celui-ci est confondu avec l'objet de convoitise) ; que cette valeur donc était dans une large mesure indépendante de toute notion de valeur intrinsèque telle que la valeur d'usage ou autre. De façon également dramatique pourrait-on dire, les guerres tirent autant leur source de la logique mimétique, d'une modalité de gestion des tensions inhérentes à la relation intersubjective ; que d'enjeux territoriaux ou de défense d'espaces de subsistances à protéger. On peut considérer la guerre comme étant la conséquence d'une montée en escalade de la rivalité entre deux groupes.
On peut se demander par quel mécanisme se met en oeuvre cette rivalité ? Pour Pierre Clastres, rejoignant en ce sens René Girard, la rivalité intergroupe, dont la guerre est la manifestation paroxystique, est une stratégie de gestion de la violence latente entre les individus du groupe, consistant à évacuer cette violence latente sur un ennemi extérieur. Cette redirection de la violence vers un Autre, et tous les éléments de rhétorique et de justification qui découlent d'une telle stratégie, autorisent une détente globale des individus au sein du groupe ainsi constitué. Nous sommes à nouveau en présence d'un processus autoréalisateur dont la relation intersubjective est le soubassement, puisque nous aboutissons à une situation d'apaisement global en partant du postulat que la source de la tension provient d'un autre, d'un extérieur ; justifiant ainsi à postériori la confiance dans le prochain immédiat. En ce sens et de façon absolument paradoxale, le conflit intergroupe est le pendant de la concorde de tous dans les périmètres des groupes respectifs. Notons au passage que selon ce schéma, un individu se trouve assigné à un groupe, qu'il le souhaite ou non. En effet, vouloir appartenir aux deux groupes et le faire savoir est la garantie de ne pouvoir appartenir à aucun.
III.2/ Sociétés primitives, bouc émissaire. Le rite et le sacré
Nous arrivons ici au coeur de l'intuition de René Girard, dont le développement a permis d'éclairer d'une lumière géniale et nouvelle tant d'aspects de la construction des sociétés. Il s'agit de la logique du bouc émissaire. De la même façon que Pierre Clastres a su exposer les causes fondamentales du recours des hommes à la guerre, René Girard a identifié le caractère universel du recours au bouc émissaire, en lien avec le rite et le sacré. Alors que Pierre Clastres s'intéresse à la projection autoréalisatrice des causes de la discorde sur un ennemi extérieur désigné, René Girard voit dans le recours au bouc émissaire le même mécanisme d’auto-réalisation, mais cette fois-ci interne au groupe. L'ennemi n'est dès lors plus extérieur mais intérieur, et il a été identifié. Cette identification est contingente et relève du point de bifurcation, selon l'expression systémique. Pour une raison qu'il est difficile voire impossible à identifier à priori - c'est-à-dire avant que les premières attentions aient commencé à se focaliser - il existe dans une société un élément sur lequel va se porter un ou quelques regards désapprobateurs ou de suspicion. Toujours selon cette même logique autoréalisatrice, et parce que la tension latente intersubjective est en attente d'une voie d’évacuation, le seul fait qu'un ou quelques regards d’opprobre se portent sur un élément va justifier, par effet d'avalanche spontané, l'attention grandissante de la plupart, et à la limite de tous. Le bouc émissaire, coupable de tous les maux, vient ici et dans le temps nécessaire à la montée spontanée du phénomène, d'être désigné. Coupable désigné de la tension et des maux qui traversent et rongent le groupe, il sera sacrifié. Par ce sacrifice, c'est tout un groupe qui se sentira apaisé et libéré pour un temps.
Le ritualisme organisé par la caste sacerdotale de la communauté entre alors en jeu, permettant de commémorer et glorifier ce moment pour ainsi dire de vérité, au sens de la cohérence réalisée du groupe. Le rite prend dès lors tout son sens dans cette commémoration de la figure ambivalente du bouc émissaire, source fantasmée de tous les désordres, dont le sacrifice constitue le fondement, inconscient au niveau du commun, de la cohérence du groupe.
III.3/ La société chrétienne
L'analyse de René Girard prend tout son sens et son illustration dans le mythe du Dieu fait Homme, souffrant et crucifié. Si l'on considère le Christ sur la croix sous l'angle de la mimétique, nous sommes frappés de constater à quel point celui-ci s'apparente au totem des sociétés amérindiennes, dans sa fonction de symbole intercesseur nous invitant à se pencher sur notre condition dans le monde et notre rapport à l'au-delà. Cette figure chrétienne du totem, à laquelle la caste sacerdotale voue le culte et célèbre la grandeur et la mémoire au travers du rite, manifeste "la chose cachée à l'origine du monde" pour reprendre la belle expression de René Girard.
Ainsi donc, par le culte rendu, la communauté toute entière est invitée à se souvenir avec gravité et solennité du scandale et de l'injustice absolue du sacrifice en la personne du Christ, pureté incarnée. Par cette commémoration, chacun est invité à ne plus recourir à l'encontre des faibles, des innocents et plus généralement de son prochain ; à une violence irrévocablement frappée du sceau de l'absurde, puisque la bêtise des hommes a été expiée par le sacrifice de l'Homme sans pêché.
III.4/ La révolution des Lumières et le triomphe de la raison
Marcel Gauchet a finement noté que "le christianisme est la religion de la sortie de la religion". On peut effectivement trouver une filiation entre l'aboutissement historique des sociétés européennes consacrant l'individu autonome et responsable, et ce long mouvement européen par lequel l'homme a acquis une dignité universelle en tant qu'à l'image du Dieu sauveur. Souvenons-nous qu'une des raisons sociologique pouvant expliquer la montée du christianisme dans la république romaine tardive tient au fait que l'esclavage, les supplices et les crucifixions en vue de maintenir les peuples sous une autorité romaine de plus en plus chancelante et contestée, ont poussé les masses à se tourner vers une religion leur promettant le Salut et le rétablissement d'une justice dans le vrai Royaume, celui des Cieux.
Il y a certes une clôture au périmètre de la communauté chrétienne puisque les chrétiens sont frères en Christ, mais cette clôture contient en elle-même un élan d'ouverture, largement enseigné dans les Évangiles.
Il ne s'agit pas de nier les dérives fanatiques de l'église vis à vis de tous ceux qui étaient considérés dans l'erreur ou le mensonge. Giordano Bruno a été mis au bûcher pour cela et on peut parler, dans son cas et tant d'autres, d'un crime de l'église. Il ne s'agit pas non plus de nier l'entreprise d'acculturation des sociétés d'accueil du fait de serviteurs de l'église zélés et convaincus d'être les gardiens exclusifs de la foi universelle. Enfin, Il ne s'agit pas d'affirmer péremptoirement que le christianisme était destiné à faire évoluer les sociétés européennes dans le sens de leur sécularisation. Il s'agit néanmoins de constater que les Évangiles contiennent suffisamment d’éléments d'invitation à l'ouverture et à se garder de juger son prochain, pour rendre possible la sécularisation, soit une certaine tolérance vis à vis des opinions divergentes. Le "miracle européen", après celui de la Grèce antique, a donc eu à nouveau lieu.
Il y a des appels à l'ouverture dans les éléments définissant la clôture du christianisme, et ce paradoxe a rendu possible, dans le cadre chrétien, la sortie du religieux par le religieux dont parle Marcel Gauchet. On peut situer la dynamique d'émancipation de l'individu face à la contrainte sociale, et un prémisse de Déclaration des Droits de l'Homme, dans la lignée de cette théologie. L'individu libre et autonome est né.
Par glissements successifs, et sous l'influence des philosophes rationalistes qui vont s'affranchir du discours de l'église, soit par réaction, soit par envie d'ouvrir de nouvelles perspectives humanistes et philosophiques ; l'individu libre et autonome "mesure de toutes choses" sera petit à petit réduit à l'individu autonome parce qu'animé par la seule raison humaine.
*Edit : reformulation du paragraphe "III.3/ La société chrétienne"
Dernière édition par SFuchs le Mar 11 Aoû 2015 - 13:16, édité 3 fois
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Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
III.5/ Le nationalisme et l'utopie communiste
Faisons désormais un petit détour par le 20ème siècle, témoin de toutes les dérives idéologiques mortifères du continent européen. Parlons donc du "cauchemar européen". L'analyse systémique nous sera extrêmement précieuse pour comprendre les deux grandes dérives que sont l'ultranationalisme et l'utopie communiste.
Pour expliquer les conditions propices à l'émergence de toute organisation dynamique, qu'il s'agisse des organismes du vivant ou des sociétés humaines, Henri Atlan a remarquablement souligné la dichotomie nécessaire entre variété et redondance. Il y a dichotomie dans la mesure où l'organisation du vivant et la vie des systèmes se situe quelque part dans une fenêtre de ratio optimal entre variété et redondance, différenciation et indifférenciation. Qu'un système voie la similarité s'imposer définitivement au point de ne plus laisser de possibilité d'activité aux éléments de variété, et le système s'approche dangereusement d'un point attracteur sur lequel il sera complètement stable et comme pétrifié. D'une certaine façon : frappé de mort. Perdant ses qualités dynamiques, il conservera néanmoins sa qualité de structure stabilisée et recyclable pour la construction d'autres systèmes. A l'inverse, qu'un système voie les éléments de variété se développer selon un ratio faisant sortir le système de sa zone de stabilité, et celui-ci risque de se disloquer.
A la lumière de cette fine réflexion d'Henri Atlan, nous pouvons désormais analyser les dérives ultranationalistes et l'utopie communiste. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un phénomène de retour brusque à une société simplifiée et ordonnée, à une sorte d'appel collectif auto-alimenté pour une "recharge en redondance".
Dans le cadre des dérives nationalistes, on parle souvent de crispation, de repli sur soi. C'est que, pour des raisons qui sont subjectives à la personne - la dimension objective des phénomènes étant de ce point de vue secondaire - la société apparait agitée par un désordre grandissant et jugé menaçant. Si ce sentiment commence à se diffuser chez un nombre grandissant d'individus, il peut atteindre la taille critique à partir de laquelle se créera un retour brusque à une demande de société réordonnée. Dans cette phase par essence violente, que l'on identifie à juste titre à une vague déferlante, tout élément porteur de variété ou d'originalité est exposé à la violence de la masse des individus souhaitant un retour à la stabilité et qui, par contagion doublée d'une attente latente, sont devenus majoritaires. Ces soubresauts violents sont souvent accompagnés de la persécution des individus jugés déviants ou des minorités jugées nuisibles. On retrouve dans ces mouvements la logique du bouc émissaire de René Girard.
Quant à l'utopie communiste, elle dérive d'une même attente de "recharge en redondance" dans une population, suscitée par cette modalité mimétique fondamentale d'aspiration à la paix dans l'indifférenciation. Cette aspiration est néanmoins canalisée et instrumentalise par une élite plus qu'elle n'est laissée libre de fluctuer selon les humeurs de chacun et du moment. Le grand mot d'ordre est alors : l'égalité. Par une égalité décrétée et institutionnellement imposée entre les hommes, on cherche à créer cette fraternité universelle dans laquelle chacun pourra enfin s'apaiser et se réconcilier avec son prochain.
L'utopie communiste est également à sa façon violente et mortifère. Pour commencer - l'implosion de l'URSS nous est témoin - elle ne se maintient que lorsqu'elle est institutionnellement imposée. Ensuite, cette imposition artificielle de l'égalité implique pour le régime d'aller toujours plus loin dans le contrôle social et individuel, en effet et par définition il suscite le rejet de la part intime de la personne aspirant à l'autonomie et au libre discernement. Ainsi, le régime se retrouve devant le paradoxe d'user de la violence du contrôle social pour maintenir les individus dans l'illusion égalitaire, provoquant le rejet d'un nombre grandissant d'individus, qui devra être compensé par un recours de plus en plus intense au contrôle social. S'en suit généralement une atmosphère d'anomie, une perte de vitalité chez les individus entrainant une perte de vitalité globale de la société, à l'exception de la petite troïka organisatrice du système pour son plus grand et quasi seul bénéfice.
III.6/ La société contemporaine, le narcissisme de masse
Notre époque contemporaine a franchi dans la douleur le funeste 20ème siècle des totalitarismes, et dans un mouvement de balancier, repris le chemin de l'autonomisation de l'individu comme horizon de l'organisation sociale, au point que l'on peut désormais parler de l'individu-roi. Tout laisse à penser que nous accédons à l'heure actuelle à l'ultime déploiement de cette logique, conduisant à l'ère du narcissisme de masse. Souvenons-nous que la stratégie narcissique consiste, selon une modalité mimétique symétrique, à faire émerger dans le regard échangé avec autrui un désir de et pour nous-même, grâce à une autosuffisance mise en scène à dessein.
C'est l'ère du "quart d'heure de célébrité pour tous" selon le bon mot d'Andy Warhol. C'est encore l'ère du conformisme de l'anticonformisme et des mutins de Panurge de Philippe Muray. C'est enfin l'ère de l'exposition nombriliste universelle par mass media interposés, dont la télé-réalité et les réseaux sociaux sur le web sont les derniers avatars. L'individu unidimensionnel est en compétition avec tous dans la bataille pour l'occupation du centre des attentions, et pour ceux qui parviennent à cet objectif indépassable de notre époque, de la découverte de la vanité et de la nullité d'une telle poursuite, laissés tels qu'ils sont, seuls face à eux-mêmes. C'est le syndrome bien connu des stars adulées qui entrent en profonde décompensation, une fois éteints les feux de la rampe.
III.7/ Les enjeux de la complexification sociale
Comme tout système dynamique, les sociétés humaines et leurs membres sont tiraillés entre un impératif de stabilité et de cohérence d'une part, et une aspiration à l'évolution et au progrès d'autre part. Cette dynamique des sociétés humaines se joue selon le rapport dialectique qu'entretiennent les forces d'innovation et de conformisme présentes dans la société, et de façon indissociable au sein de chaque individu. Ainsi, le progrès social peut être compris comme une aptitude toujours plus grande en l'acceptation générale de la différence, sans que celle-ci ne soit vécue comme facteur de dangerosité. Cette acceptation de la différence est somme toute assez subjective, puisqu'une fois encore nous sommes face à un phénomène autoréalisateur. Qu'un individu ou qu'une minorité au comportement déviant selon les valeurs normales du groupe soit considéré comme dangereux, et il fera l'objet d'une hostilité conduisant en réaction à sa crispation, perçue comme de l'hostilité. Que cet individu ou cette minorité soit accepté dans sa différence, et le climat entre ces deux sous-groupes se verra apaisé. La tolérance sociale à la variété ressemble ainsi à la la résultante de la tolérance intériorisée par un noyau majoritaire d'individus. L'enjeu n'est rien de moins qu'une société où chacun est invité à faire preuve d'une capacité grandissante de reconnaissance en l'autre d'un autre "je", où une forme de tolérance comme propriété émergente, comme élargissement de la clôture opérationnelle de la société sur un périmètre plus inclusif, est le signe d'une élévation positive globale des membres de la société.
Comme tout mouvement d'aspiration à un mieux porte en lui un péril, il faut ici apporter un bémol aux vertus d'une telle entreprise de complexification. En effet, celle-ci n'est possible que dans une fenêtre optimale, dans laquelle se situe simultanément la rencontre de la nouveauté et son acceptation. Or l'ouverture de cette fenêtre répond elle-même à une dynamique. L'acceptation de la nouveauté conduisant à une évolution positive de la société dépend certes de la perception subjective qu'en ont les individus, mais aussi de facteurs que l'on pourrait qualifier d'objectifs, ou plutôt d'exogènes. Les phénomènes ont eux-mêmes leur autonomie.
C'est la différence, soulignée par Francisco Varela, entre une impulsion d'intensité faible à moyenne vécue comme une interférence par un système, et une impulsion plus forte perçue comme une violation par le système. Appliqué à la tolérance individuelle, cette analyse implique que l'innovation peut être perçue : soit comme une information de l'environnement qu'il faut envisager d'intégrer, soit comme un danger remettant en question les conditions de cohérence et d'existence de l'individu dans son environnement. Il existe donc bien une cause exogène aux chances d'acceptation ou de rejet de la nouveauté, qui se joue pour finir dans une fenêtre définie selon un mix "profil de l'expression nouvelle/seuil de tolérance à la nouveauté".
Ainsi, il ne faut pas s'imaginer, selon une certaine vulgate régulièrement relayée, que le refus de la nouveauté ne serait imputable qu'au manque de tolérance de la société théâtre de l'enjeu. Le "sentiment de" n'explique pas tout. Le profil qualitatif ou quantitatif de la nouveauté en latence peut : soit expliquer la réticence de la société à évoluer, comme résultante de la réticence d'un noyau de poids suffisant pour bloquer la diffusion de l'innovation ; soit expliquer un effondrement de la société en tant qu'ensemble cohérent, débordée par ce qui s'apparente à postériori comme un bruit destructeur.
III.8/ Ingénierie sociale et pilotage de l'innovation par le haut ou les dérives de la sociale-démocratie
Nous avons vu que la transformation réussie d'une société, par intégration de la nouveauté dans une clôture opérationnelle au périmètre de plus en plus inclusif, était notamment rendue possible dans une fenêtre d'optimum du mix "profil de l'expression nouvelle/seuil de tolérance à la nouveauté". Ainsi nous pouvons envisager aux conditions limites que toute expression nouvelle sera intégrée par une société dont les membres sont extrêmement tolérants, et que la plus petite innovation sera de toute façon rejetée dans une société très conservatrice.
Toute société possède sa structure hiérarchique ayant pour fonction l'administration et le pilotage de la société. De façon schématique, ce rôle était dévolu au citoyen, à l'agora et au tribun dans l'antiquité, au clergé et à la noblesse d'arme durant la période féodale, et pour notre époque contemporaine sécularisée : à la technocratie au sens large.
L'expression paroxystique du pilotage de l'innovation et du changement social par le haut fut sans conteste la période communiste du 20ème siècle en Europe de l'est. Vladimir Boukovski, ancien dissident soviétique, remarquable de courage et aujourd'hui de pédagogie, parle de l'Union européenne comme d'une nouvelle URSS. Qu'entend-il par là ?
De par sa position privilégiée dans la chaîne du pouvoir et des décisions, l'élite technocratique est naturellement tentée de manipuler l'information en vue d'offrir un profil acceptable aux évolutions sociales qu'elle désire, que ce soit dans un soucis d'amélioration ou, bien malheureusement, pour des raisons de tactique politique ou purement idéologiques. Il s'agit bien souvent d'un mélange de tout cela. C'est le rôle dévolu à la propagande des sociétés totalitaires, bien décrite par les sociologues et les historiens du 20ème siècle.
Le communisme a fait long feu, mais le recours à la propagande a-t-il disparu pour autant ? Les grands médias, par exemple, traditionnellement affublés du qualificatif de 5ème pouvoir, jouent-ils réellement leur rôle ? A l'époque de l'internet et de la diffusion anarchique et tous azimuts de l'information - pour le meilleur et pour le pire - il semble de plus en plus clair que les médias traditionnels peuvent être qualifiés de médias institutionnels, et que la présentation des faits d'actualité est souvent inclinée à toutes fins utiles, dans un sens d'amplification ou de confinement de l'information. Or cette démarche, qui n'est bien sûr pas nouvelle et propre à notre époque, pose problème à plus d'un titre : en effet, lorsque l'information est manipulée dans ce sens, c'est tout le mécanisme spontané d'apparition et de diffusion de l'innovation qui se trouve court-circuité, augmentant ainsi le risque global que l'innovation soit in fine rejetée. On peut aussi imaginer le cas contraire où une information finisse par se diffuser d'autant plus facilement qu'elle a été perçue comme étant mise sous le boisseau par les gardiens de l'institution. Ajoutons à cela que, là où l'innovation est décrétée et subventionnée, ce sont d'autres formes d'innovation potentiellement prometteuses qui sont reléguées au second plan en ne bénéficiant pas d'une telle promotion.
Le phénomène est bien connu et se manifeste de façon emblématique dans ce que l'on appelait du temps soviétique l'art officiel, dont l'expression soft dans les sociale-démocraties est l'art subventionné. L'appauvrissement généralisé de la création artistique contemporaine s'apparente fort à une distorsion du marché de l'art, au profit d'une technocratie du bon - ou du mauvais - goût et de quelques artistes opportunistes et semi-habiles dont le grand mérite est d'avoir leurs entrées là où les allocations de moyens sont décidées. Cette dérive est particulièrement prégnante en France, pays à la technocratie dirigiste par excellence. Le marché de l'art contemporain, piloté par le haut plutôt que spontanément organisé selon la liberté et le talent de chacun, est la promesse de laisser à la postérité un art "comptant pour rien" selon le bon mot de Luc Ferry.
Bien sûr, le marché de l'art subventionné n'est qu'un exemple parmi d'autres des distorsions induites par le dirigisme et le pilotage de l'innovation par le haut. Le schéma est déclinable pour un grand nombre d'innovations souhaitées par la technocratie, souvent et malheureusement par pure idéologie, tactique électorale, ou selon des intérêts financiers/commerciaux peu avouables pour des élus ; qu'il s'agisse des grandes questions sociétales telles que le mariage homosexuel "pour tous", l'euthanasie, la bioéthique, l'immigration, le multiculturalisme, le nivellement des normes sociales/juridiques/sanitaires en vue de favoriser le commerce comme dans le projet de libre-échange transatlantique (TAFTA) etc. etc.
Faisons désormais un petit détour par le 20ème siècle, témoin de toutes les dérives idéologiques mortifères du continent européen. Parlons donc du "cauchemar européen". L'analyse systémique nous sera extrêmement précieuse pour comprendre les deux grandes dérives que sont l'ultranationalisme et l'utopie communiste.
Pour expliquer les conditions propices à l'émergence de toute organisation dynamique, qu'il s'agisse des organismes du vivant ou des sociétés humaines, Henri Atlan a remarquablement souligné la dichotomie nécessaire entre variété et redondance. Il y a dichotomie dans la mesure où l'organisation du vivant et la vie des systèmes se situe quelque part dans une fenêtre de ratio optimal entre variété et redondance, différenciation et indifférenciation. Qu'un système voie la similarité s'imposer définitivement au point de ne plus laisser de possibilité d'activité aux éléments de variété, et le système s'approche dangereusement d'un point attracteur sur lequel il sera complètement stable et comme pétrifié. D'une certaine façon : frappé de mort. Perdant ses qualités dynamiques, il conservera néanmoins sa qualité de structure stabilisée et recyclable pour la construction d'autres systèmes. A l'inverse, qu'un système voie les éléments de variété se développer selon un ratio faisant sortir le système de sa zone de stabilité, et celui-ci risque de se disloquer.
A la lumière de cette fine réflexion d'Henri Atlan, nous pouvons désormais analyser les dérives ultranationalistes et l'utopie communiste. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un phénomène de retour brusque à une société simplifiée et ordonnée, à une sorte d'appel collectif auto-alimenté pour une "recharge en redondance".
Dans le cadre des dérives nationalistes, on parle souvent de crispation, de repli sur soi. C'est que, pour des raisons qui sont subjectives à la personne - la dimension objective des phénomènes étant de ce point de vue secondaire - la société apparait agitée par un désordre grandissant et jugé menaçant. Si ce sentiment commence à se diffuser chez un nombre grandissant d'individus, il peut atteindre la taille critique à partir de laquelle se créera un retour brusque à une demande de société réordonnée. Dans cette phase par essence violente, que l'on identifie à juste titre à une vague déferlante, tout élément porteur de variété ou d'originalité est exposé à la violence de la masse des individus souhaitant un retour à la stabilité et qui, par contagion doublée d'une attente latente, sont devenus majoritaires. Ces soubresauts violents sont souvent accompagnés de la persécution des individus jugés déviants ou des minorités jugées nuisibles. On retrouve dans ces mouvements la logique du bouc émissaire de René Girard.
Quant à l'utopie communiste, elle dérive d'une même attente de "recharge en redondance" dans une population, suscitée par cette modalité mimétique fondamentale d'aspiration à la paix dans l'indifférenciation. Cette aspiration est néanmoins canalisée et instrumentalise par une élite plus qu'elle n'est laissée libre de fluctuer selon les humeurs de chacun et du moment. Le grand mot d'ordre est alors : l'égalité. Par une égalité décrétée et institutionnellement imposée entre les hommes, on cherche à créer cette fraternité universelle dans laquelle chacun pourra enfin s'apaiser et se réconcilier avec son prochain.
L'utopie communiste est également à sa façon violente et mortifère. Pour commencer - l'implosion de l'URSS nous est témoin - elle ne se maintient que lorsqu'elle est institutionnellement imposée. Ensuite, cette imposition artificielle de l'égalité implique pour le régime d'aller toujours plus loin dans le contrôle social et individuel, en effet et par définition il suscite le rejet de la part intime de la personne aspirant à l'autonomie et au libre discernement. Ainsi, le régime se retrouve devant le paradoxe d'user de la violence du contrôle social pour maintenir les individus dans l'illusion égalitaire, provoquant le rejet d'un nombre grandissant d'individus, qui devra être compensé par un recours de plus en plus intense au contrôle social. S'en suit généralement une atmosphère d'anomie, une perte de vitalité chez les individus entrainant une perte de vitalité globale de la société, à l'exception de la petite troïka organisatrice du système pour son plus grand et quasi seul bénéfice.
III.6/ La société contemporaine, le narcissisme de masse
Notre époque contemporaine a franchi dans la douleur le funeste 20ème siècle des totalitarismes, et dans un mouvement de balancier, repris le chemin de l'autonomisation de l'individu comme horizon de l'organisation sociale, au point que l'on peut désormais parler de l'individu-roi. Tout laisse à penser que nous accédons à l'heure actuelle à l'ultime déploiement de cette logique, conduisant à l'ère du narcissisme de masse. Souvenons-nous que la stratégie narcissique consiste, selon une modalité mimétique symétrique, à faire émerger dans le regard échangé avec autrui un désir de et pour nous-même, grâce à une autosuffisance mise en scène à dessein.
C'est l'ère du "quart d'heure de célébrité pour tous" selon le bon mot d'Andy Warhol. C'est encore l'ère du conformisme de l'anticonformisme et des mutins de Panurge de Philippe Muray. C'est enfin l'ère de l'exposition nombriliste universelle par mass media interposés, dont la télé-réalité et les réseaux sociaux sur le web sont les derniers avatars. L'individu unidimensionnel est en compétition avec tous dans la bataille pour l'occupation du centre des attentions, et pour ceux qui parviennent à cet objectif indépassable de notre époque, de la découverte de la vanité et de la nullité d'une telle poursuite, laissés tels qu'ils sont, seuls face à eux-mêmes. C'est le syndrome bien connu des stars adulées qui entrent en profonde décompensation, une fois éteints les feux de la rampe.
III.7/ Les enjeux de la complexification sociale
Comme tout système dynamique, les sociétés humaines et leurs membres sont tiraillés entre un impératif de stabilité et de cohérence d'une part, et une aspiration à l'évolution et au progrès d'autre part. Cette dynamique des sociétés humaines se joue selon le rapport dialectique qu'entretiennent les forces d'innovation et de conformisme présentes dans la société, et de façon indissociable au sein de chaque individu. Ainsi, le progrès social peut être compris comme une aptitude toujours plus grande en l'acceptation générale de la différence, sans que celle-ci ne soit vécue comme facteur de dangerosité. Cette acceptation de la différence est somme toute assez subjective, puisqu'une fois encore nous sommes face à un phénomène autoréalisateur. Qu'un individu ou qu'une minorité au comportement déviant selon les valeurs normales du groupe soit considéré comme dangereux, et il fera l'objet d'une hostilité conduisant en réaction à sa crispation, perçue comme de l'hostilité. Que cet individu ou cette minorité soit accepté dans sa différence, et le climat entre ces deux sous-groupes se verra apaisé. La tolérance sociale à la variété ressemble ainsi à la la résultante de la tolérance intériorisée par un noyau majoritaire d'individus. L'enjeu n'est rien de moins qu'une société où chacun est invité à faire preuve d'une capacité grandissante de reconnaissance en l'autre d'un autre "je", où une forme de tolérance comme propriété émergente, comme élargissement de la clôture opérationnelle de la société sur un périmètre plus inclusif, est le signe d'une élévation positive globale des membres de la société.
Comme tout mouvement d'aspiration à un mieux porte en lui un péril, il faut ici apporter un bémol aux vertus d'une telle entreprise de complexification. En effet, celle-ci n'est possible que dans une fenêtre optimale, dans laquelle se situe simultanément la rencontre de la nouveauté et son acceptation. Or l'ouverture de cette fenêtre répond elle-même à une dynamique. L'acceptation de la nouveauté conduisant à une évolution positive de la société dépend certes de la perception subjective qu'en ont les individus, mais aussi de facteurs que l'on pourrait qualifier d'objectifs, ou plutôt d'exogènes. Les phénomènes ont eux-mêmes leur autonomie.
C'est la différence, soulignée par Francisco Varela, entre une impulsion d'intensité faible à moyenne vécue comme une interférence par un système, et une impulsion plus forte perçue comme une violation par le système. Appliqué à la tolérance individuelle, cette analyse implique que l'innovation peut être perçue : soit comme une information de l'environnement qu'il faut envisager d'intégrer, soit comme un danger remettant en question les conditions de cohérence et d'existence de l'individu dans son environnement. Il existe donc bien une cause exogène aux chances d'acceptation ou de rejet de la nouveauté, qui se joue pour finir dans une fenêtre définie selon un mix "profil de l'expression nouvelle/seuil de tolérance à la nouveauté".
Ainsi, il ne faut pas s'imaginer, selon une certaine vulgate régulièrement relayée, que le refus de la nouveauté ne serait imputable qu'au manque de tolérance de la société théâtre de l'enjeu. Le "sentiment de" n'explique pas tout. Le profil qualitatif ou quantitatif de la nouveauté en latence peut : soit expliquer la réticence de la société à évoluer, comme résultante de la réticence d'un noyau de poids suffisant pour bloquer la diffusion de l'innovation ; soit expliquer un effondrement de la société en tant qu'ensemble cohérent, débordée par ce qui s'apparente à postériori comme un bruit destructeur.
III.8/ Ingénierie sociale et pilotage de l'innovation par le haut ou les dérives de la sociale-démocratie
Nous avons vu que la transformation réussie d'une société, par intégration de la nouveauté dans une clôture opérationnelle au périmètre de plus en plus inclusif, était notamment rendue possible dans une fenêtre d'optimum du mix "profil de l'expression nouvelle/seuil de tolérance à la nouveauté". Ainsi nous pouvons envisager aux conditions limites que toute expression nouvelle sera intégrée par une société dont les membres sont extrêmement tolérants, et que la plus petite innovation sera de toute façon rejetée dans une société très conservatrice.
Toute société possède sa structure hiérarchique ayant pour fonction l'administration et le pilotage de la société. De façon schématique, ce rôle était dévolu au citoyen, à l'agora et au tribun dans l'antiquité, au clergé et à la noblesse d'arme durant la période féodale, et pour notre époque contemporaine sécularisée : à la technocratie au sens large.
L'expression paroxystique du pilotage de l'innovation et du changement social par le haut fut sans conteste la période communiste du 20ème siècle en Europe de l'est. Vladimir Boukovski, ancien dissident soviétique, remarquable de courage et aujourd'hui de pédagogie, parle de l'Union européenne comme d'une nouvelle URSS. Qu'entend-il par là ?
De par sa position privilégiée dans la chaîne du pouvoir et des décisions, l'élite technocratique est naturellement tentée de manipuler l'information en vue d'offrir un profil acceptable aux évolutions sociales qu'elle désire, que ce soit dans un soucis d'amélioration ou, bien malheureusement, pour des raisons de tactique politique ou purement idéologiques. Il s'agit bien souvent d'un mélange de tout cela. C'est le rôle dévolu à la propagande des sociétés totalitaires, bien décrite par les sociologues et les historiens du 20ème siècle.
Le communisme a fait long feu, mais le recours à la propagande a-t-il disparu pour autant ? Les grands médias, par exemple, traditionnellement affublés du qualificatif de 5ème pouvoir, jouent-ils réellement leur rôle ? A l'époque de l'internet et de la diffusion anarchique et tous azimuts de l'information - pour le meilleur et pour le pire - il semble de plus en plus clair que les médias traditionnels peuvent être qualifiés de médias institutionnels, et que la présentation des faits d'actualité est souvent inclinée à toutes fins utiles, dans un sens d'amplification ou de confinement de l'information. Or cette démarche, qui n'est bien sûr pas nouvelle et propre à notre époque, pose problème à plus d'un titre : en effet, lorsque l'information est manipulée dans ce sens, c'est tout le mécanisme spontané d'apparition et de diffusion de l'innovation qui se trouve court-circuité, augmentant ainsi le risque global que l'innovation soit in fine rejetée. On peut aussi imaginer le cas contraire où une information finisse par se diffuser d'autant plus facilement qu'elle a été perçue comme étant mise sous le boisseau par les gardiens de l'institution. Ajoutons à cela que, là où l'innovation est décrétée et subventionnée, ce sont d'autres formes d'innovation potentiellement prometteuses qui sont reléguées au second plan en ne bénéficiant pas d'une telle promotion.
Le phénomène est bien connu et se manifeste de façon emblématique dans ce que l'on appelait du temps soviétique l'art officiel, dont l'expression soft dans les sociale-démocraties est l'art subventionné. L'appauvrissement généralisé de la création artistique contemporaine s'apparente fort à une distorsion du marché de l'art, au profit d'une technocratie du bon - ou du mauvais - goût et de quelques artistes opportunistes et semi-habiles dont le grand mérite est d'avoir leurs entrées là où les allocations de moyens sont décidées. Cette dérive est particulièrement prégnante en France, pays à la technocratie dirigiste par excellence. Le marché de l'art contemporain, piloté par le haut plutôt que spontanément organisé selon la liberté et le talent de chacun, est la promesse de laisser à la postérité un art "comptant pour rien" selon le bon mot de Luc Ferry.
Bien sûr, le marché de l'art subventionné n'est qu'un exemple parmi d'autres des distorsions induites par le dirigisme et le pilotage de l'innovation par le haut. Le schéma est déclinable pour un grand nombre d'innovations souhaitées par la technocratie, souvent et malheureusement par pure idéologie, tactique électorale, ou selon des intérêts financiers/commerciaux peu avouables pour des élus ; qu'il s'agisse des grandes questions sociétales telles que le mariage homosexuel "pour tous", l'euthanasie, la bioéthique, l'immigration, le multiculturalisme, le nivellement des normes sociales/juridiques/sanitaires en vue de favoriser le commerce comme dans le projet de libre-échange transatlantique (TAFTA) etc. etc.
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Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
IV/ Perturbations dans la relation
IV.1/ Ordre spontané ?
Comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, toutes les sociétés sont hiérarchisées, et même si cette hiérarchisation suscite un ensemble de distorsions sur ce que l'on pourrait qualifier à contrario d'ordre spontané ; une société sans hiérarchies est-elle possible ? A regarder l'Histoire, la réponse semble être négative. Quel peut-être la raison et la justification d'une telle constance de l'organisation sociale ? Puisque l'ordre spontané ne perdure jamais dans l'histoire sans l'apparition d'une structure hiérarchique que l'on pourrait qualifier d'émergente, c'est que l'ordre spontané ne possède pas en lui-même les éléments suffisants pour sa pérennité, notamment pour gérer la relation mimétique symétrique dont dérive la rivalité. Dans un soucis d'optimum entre la liberté de manœuvre de chacun et le risque qu'implique pour soi l'usage de cette même liberté par autrui, tout se passe comme si un consensus se dégageait pour établir collectivement un compromis entre liberté individuelle et contrainte sociale. Cet optimum, qui se concrétise par des lois au sens large, est propre à chaque groupe tant dans son ratio "libertés/contraintes" que dans sa forme.
Qu'il s'applique à quelque groupe, communauté, peuple, nation ... cet optimum peut-être considéré comme une façon propre de concevoir sa clôture opérationnelle, son identité et son génie. Cet optimum s'apparente à un consensus global, tout en restant bien sûr le théâtre d'une dialectique de l'ordre et du mouvement, d'évolutions futures par l'apparition inévitable et spontanée de vecteurs d'innovations, soient issus de l'extérieur, soient confectionnés dans l'intimité et le secret de cet espace d'intimité et de liberté intérieure laissé à chacun.
IV.2/ Les troubles de la relation dans les sociétés du contrôle social généralisé
Penchons-nous désormais sur la configuration à l'opposé de l'ordre spontané : les sociétés du contrôle social généralisé. Nous étudierons les dysfonctionnements globaux de ces sociétés et leurs impacts sur la relation intersubjective.
Nous avons vu, avec le communisme, les conséquences mortifères du contrôle social sur l'implication de chacun dans la vie sociale. Nous pouvons ajouter que ces conséquences ont également lieu sur les relations interindividuelles. En effet, la vie du régime communiste était garantie par la diffusion de la méfiance généralisée parmi ses membres, et ce rôle était dévolu à la police politique. Quelques éléments de cette police, recrutée parmi les individus les plus retors et les plus zélés du régime, suffisaient à dissuader chacun de s'exprimer en confiance, y compris en privé. Le régime communiste a d'ailleurs excellé dans ce domaine, allant jusqu'à obtenir la dénonciation des parents par leurs enfants endoctrinés à l'école du Parti. Ainsi, on pouvait se retrouver dans les wagons du goulag pour avoir exprimé - y compris en privé - quelques réserves sur un programme communiste que personne n'aurait été capable d'expliciter, en dehors de quelques traits généraux et d'invocations d'avenir radieux pour le Genre humain, dont la Révolution était la première marche.
Bien sûr, le modèle communiste n'a pas le monopole du contrôle social généralisé. Ainsi en est-il également des sociétés musulmanes, dont il est intéressant de dire un mot selon cette même grille d'analyse. Ces sociétés, où l'islam est religion d'état, sont extrêmement codifiées et légiférées par le code de la charia. Le code civil islamique de la charia est conçu pour réglementer la plupart des situations se présentant de façon courante et ordinaire dans la vie de chacun, sachant qu'il est recommandé de recourir aux conseils de l'imam pour les situations inédites. La charia est intrusive dans la vie de chacun, au point que l'espace minimum de confort et de liberté n'est pas respecté, accordant une prime de légitimité aux éléments les plus zélés et psychorigides de la société, sorte de police des mœurs tenant un rôle équivalent à la police politique des régimes communistes. S'en suit le désengagement des individus d'une vie civique figée dans des normes immuables et donc sans enjeux, d'une vie culturelle s'interdisant toute expression jugée profane, induisant l'anomie économique et culturelle. Ainsi, les sociétés musulmanes semblent être en panne d'innovation depuis plusieurs siècles, endormies dans une torpeur et une langueur que seul le choc fracassant avec un occident hégémonique est parvenu à troubler.
Ainsi, Le contrôle social généralisé a un impact non seulement sur la qualité de la relation de l'individu à la société, mais aussi sur la relation interindividuelle. Elle a enfin un impact sur la relation à soi puisqu'elle est facteur d'un certain nombre de troubles somatiques tels que le stress, la méfiance, la perte de vitalité ou d'estime de soi etc. Bien sûr, il y a interaction entre ces types de troubles. Ainsi, le stress impliquera une méfiance communicative vers autrui, la pression sociale impliquera l'anomie ou une forme de résistance passive invitant le régime à redoubler d'effort pour se maintenir et maintenir les individus sous sa tutelle. A contrario, on pourra assister à des bouffées de violence d'individus explosant sous le poids de la frustration et de la contrainte etc.
IV.3/ Les sociétés libérales face au défi de la mondialisation
Le communisme du 20ème siècle a longtemps bénéficié d'un à priori positif, en tant que promesse d'égalité et de fraternité universelle à portée de main. Il y a eu les promesses de la Révolution, et ce que ces régimes sont devenus. Tâchons désormais de comprendre les espoirs portés par l'idéal des sociétés libérales, et ce vers quoi elles sont en train de glisser.
Nous pouvons qualifier la plupart des sociétés sécularisées européennes comme à la fois libérales et sociale-démocrates. L'idéal libéral dans son acceptation commune découle d'une philosophie faisant la part belle au principe de neutralité axiologique du droit. Or cette compréhension du droit semble un peu mince si l'on se réfère à nos réflexions antérieures sur la non-pérennité de l'ordre spontané, et sur l'apparition inéluctable de lois au sein des sociétés, comme consensus unique dans sa forme comme dans son ratio d'optimum "contraintes/libertés". Ainsi, les lois tirent leurs racines d'un esprit des lois, renvoient à une certaine acceptation de la vie communautaire, d'un inconscient collectif partagé etc. bref à une clôture opérationnelle à minima culturelle, propre dans son périmètre comme dans sa forme. Comme l'a bien vu Jean-Claude Michéa dans son essai "L'empire du moindre mal", c'est peut-être la grande faiblesse du programme libéral, que de se croire universellement inclusif sur la seule base du respect des règles de droit, sans autre condition particulière. Bien sûr, les sociétés libérales ne nient pas la nécessité des lois, mais se fourvoient en décrétant leur neutralité.
Ainsi, et comme le décrit bien Edward Behr dans son essai "Une Amérique qui fait peur", la société libérale est devenue un vaste champ de bataille où chacun cherche à infléchir le sens du droit en faveur de ses propres conceptions éthiques, morales, ou ses intérêts. Le pari libéral consiste à considérer que toute cette effervescence se neutralise à la manière d'une agitation brownienne, mais est-ce vraiment le cas ? Il semble au contraire que chaque communauté et/ou chaque groupe d'intérêt organisé avance à mots couverts pour faire valoir sa vision du droit : laïcité républicaine, idéologie du gender, sans-frontiérisme, islamisme, noachisme, catholicisme historique etc. C'est la tyrannie des minorités qui, couplé aux dérives du clientélisme électoral, constitue un cocktail potentiellement explosif.
Comme illustration de la fragilité du modèle libéral, Nous pouvons évoquer la hausse régulière de la présence et de la visibilité de l'islam sur le continent européen. Bien sûr, les sociétés libérales reste suspendues à d'autres défis : érosion de la citoyenneté, concentration accélérée de l'argent et du pouvoir, mur écologique. Le scénario de "Soumission", le dernier roman de Michel Houellebecq, est-il si absurde que cela ? Si tel n'est pas le cas - et bien que l'avenir ne soit jamais écrit - alors la boucle pourrait être bouclée, et nous devrions nous replier sur les conclusions d'un Pierre Clastres sur l'état permanent de guerre latente entre groupes antagonistes et territorialisés ; plutôt que de continuer à caresser le doux rêve de la disparition de toute clôture, de toute frontière, pour une parousie universelle selon l'alpha et l'oméga de la catallaxie.
IV.1/ Ordre spontané ?
Comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, toutes les sociétés sont hiérarchisées, et même si cette hiérarchisation suscite un ensemble de distorsions sur ce que l'on pourrait qualifier à contrario d'ordre spontané ; une société sans hiérarchies est-elle possible ? A regarder l'Histoire, la réponse semble être négative. Quel peut-être la raison et la justification d'une telle constance de l'organisation sociale ? Puisque l'ordre spontané ne perdure jamais dans l'histoire sans l'apparition d'une structure hiérarchique que l'on pourrait qualifier d'émergente, c'est que l'ordre spontané ne possède pas en lui-même les éléments suffisants pour sa pérennité, notamment pour gérer la relation mimétique symétrique dont dérive la rivalité. Dans un soucis d'optimum entre la liberté de manœuvre de chacun et le risque qu'implique pour soi l'usage de cette même liberté par autrui, tout se passe comme si un consensus se dégageait pour établir collectivement un compromis entre liberté individuelle et contrainte sociale. Cet optimum, qui se concrétise par des lois au sens large, est propre à chaque groupe tant dans son ratio "libertés/contraintes" que dans sa forme.
Qu'il s'applique à quelque groupe, communauté, peuple, nation ... cet optimum peut-être considéré comme une façon propre de concevoir sa clôture opérationnelle, son identité et son génie. Cet optimum s'apparente à un consensus global, tout en restant bien sûr le théâtre d'une dialectique de l'ordre et du mouvement, d'évolutions futures par l'apparition inévitable et spontanée de vecteurs d'innovations, soient issus de l'extérieur, soient confectionnés dans l'intimité et le secret de cet espace d'intimité et de liberté intérieure laissé à chacun.
IV.2/ Les troubles de la relation dans les sociétés du contrôle social généralisé
Penchons-nous désormais sur la configuration à l'opposé de l'ordre spontané : les sociétés du contrôle social généralisé. Nous étudierons les dysfonctionnements globaux de ces sociétés et leurs impacts sur la relation intersubjective.
Nous avons vu, avec le communisme, les conséquences mortifères du contrôle social sur l'implication de chacun dans la vie sociale. Nous pouvons ajouter que ces conséquences ont également lieu sur les relations interindividuelles. En effet, la vie du régime communiste était garantie par la diffusion de la méfiance généralisée parmi ses membres, et ce rôle était dévolu à la police politique. Quelques éléments de cette police, recrutée parmi les individus les plus retors et les plus zélés du régime, suffisaient à dissuader chacun de s'exprimer en confiance, y compris en privé. Le régime communiste a d'ailleurs excellé dans ce domaine, allant jusqu'à obtenir la dénonciation des parents par leurs enfants endoctrinés à l'école du Parti. Ainsi, on pouvait se retrouver dans les wagons du goulag pour avoir exprimé - y compris en privé - quelques réserves sur un programme communiste que personne n'aurait été capable d'expliciter, en dehors de quelques traits généraux et d'invocations d'avenir radieux pour le Genre humain, dont la Révolution était la première marche.
Bien sûr, le modèle communiste n'a pas le monopole du contrôle social généralisé. Ainsi en est-il également des sociétés musulmanes, dont il est intéressant de dire un mot selon cette même grille d'analyse. Ces sociétés, où l'islam est religion d'état, sont extrêmement codifiées et légiférées par le code de la charia. Le code civil islamique de la charia est conçu pour réglementer la plupart des situations se présentant de façon courante et ordinaire dans la vie de chacun, sachant qu'il est recommandé de recourir aux conseils de l'imam pour les situations inédites. La charia est intrusive dans la vie de chacun, au point que l'espace minimum de confort et de liberté n'est pas respecté, accordant une prime de légitimité aux éléments les plus zélés et psychorigides de la société, sorte de police des mœurs tenant un rôle équivalent à la police politique des régimes communistes. S'en suit le désengagement des individus d'une vie civique figée dans des normes immuables et donc sans enjeux, d'une vie culturelle s'interdisant toute expression jugée profane, induisant l'anomie économique et culturelle. Ainsi, les sociétés musulmanes semblent être en panne d'innovation depuis plusieurs siècles, endormies dans une torpeur et une langueur que seul le choc fracassant avec un occident hégémonique est parvenu à troubler.
Ainsi, Le contrôle social généralisé a un impact non seulement sur la qualité de la relation de l'individu à la société, mais aussi sur la relation interindividuelle. Elle a enfin un impact sur la relation à soi puisqu'elle est facteur d'un certain nombre de troubles somatiques tels que le stress, la méfiance, la perte de vitalité ou d'estime de soi etc. Bien sûr, il y a interaction entre ces types de troubles. Ainsi, le stress impliquera une méfiance communicative vers autrui, la pression sociale impliquera l'anomie ou une forme de résistance passive invitant le régime à redoubler d'effort pour se maintenir et maintenir les individus sous sa tutelle. A contrario, on pourra assister à des bouffées de violence d'individus explosant sous le poids de la frustration et de la contrainte etc.
IV.3/ Les sociétés libérales face au défi de la mondialisation
Le communisme du 20ème siècle a longtemps bénéficié d'un à priori positif, en tant que promesse d'égalité et de fraternité universelle à portée de main. Il y a eu les promesses de la Révolution, et ce que ces régimes sont devenus. Tâchons désormais de comprendre les espoirs portés par l'idéal des sociétés libérales, et ce vers quoi elles sont en train de glisser.
Nous pouvons qualifier la plupart des sociétés sécularisées européennes comme à la fois libérales et sociale-démocrates. L'idéal libéral dans son acceptation commune découle d'une philosophie faisant la part belle au principe de neutralité axiologique du droit. Or cette compréhension du droit semble un peu mince si l'on se réfère à nos réflexions antérieures sur la non-pérennité de l'ordre spontané, et sur l'apparition inéluctable de lois au sein des sociétés, comme consensus unique dans sa forme comme dans son ratio d'optimum "contraintes/libertés". Ainsi, les lois tirent leurs racines d'un esprit des lois, renvoient à une certaine acceptation de la vie communautaire, d'un inconscient collectif partagé etc. bref à une clôture opérationnelle à minima culturelle, propre dans son périmètre comme dans sa forme. Comme l'a bien vu Jean-Claude Michéa dans son essai "L'empire du moindre mal", c'est peut-être la grande faiblesse du programme libéral, que de se croire universellement inclusif sur la seule base du respect des règles de droit, sans autre condition particulière. Bien sûr, les sociétés libérales ne nient pas la nécessité des lois, mais se fourvoient en décrétant leur neutralité.
Ainsi, et comme le décrit bien Edward Behr dans son essai "Une Amérique qui fait peur", la société libérale est devenue un vaste champ de bataille où chacun cherche à infléchir le sens du droit en faveur de ses propres conceptions éthiques, morales, ou ses intérêts. Le pari libéral consiste à considérer que toute cette effervescence se neutralise à la manière d'une agitation brownienne, mais est-ce vraiment le cas ? Il semble au contraire que chaque communauté et/ou chaque groupe d'intérêt organisé avance à mots couverts pour faire valoir sa vision du droit : laïcité républicaine, idéologie du gender, sans-frontiérisme, islamisme, noachisme, catholicisme historique etc. C'est la tyrannie des minorités qui, couplé aux dérives du clientélisme électoral, constitue un cocktail potentiellement explosif.
Comme illustration de la fragilité du modèle libéral, Nous pouvons évoquer la hausse régulière de la présence et de la visibilité de l'islam sur le continent européen. Bien sûr, les sociétés libérales reste suspendues à d'autres défis : érosion de la citoyenneté, concentration accélérée de l'argent et du pouvoir, mur écologique. Le scénario de "Soumission", le dernier roman de Michel Houellebecq, est-il si absurde que cela ? Si tel n'est pas le cas - et bien que l'avenir ne soit jamais écrit - alors la boucle pourrait être bouclée, et nous devrions nous replier sur les conclusions d'un Pierre Clastres sur l'état permanent de guerre latente entre groupes antagonistes et territorialisés ; plutôt que de continuer à caresser le doux rêve de la disparition de toute clôture, de toute frontière, pour une parousie universelle selon l'alpha et l'oméga de la catallaxie.
SFuchs- Messages : 135
Date d'inscription : 29/05/2015
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
V/ Analogies
Dans son ouvrage "Les trois visages de la vie", Paul Meier a identifié les trois grands principes sur lesquels repose l'organisation et l'activité des systèmes dynamiques et vivants. Ces trois grands principes renvoient à trois synergies fondamentales que Paul Meier nomme de la façon la plus générique possible : la substance, l'énergie et l'information. Cette intuition fondamentale, perdue de vue alors que la tradition occidentale contribuait à faire s'éloigner philosophie et sciences au fil du temps, avait pourtant été formulée par Aristote dès l'antiquité, par le ternaire fondamental : cause matérielle (substance), cause efficiente (énergie), cause formelle (information).
On notera au passage l'existence d'une quatrième cause que l'on pourrait qualifier de "cause finale", dont on dira quelques mots.
V.1/ Clôture opérationnelle et territoire relationnel : cause matérielle
La relation interpersonnelle n'est pas possible selon toute modalité dans un espace indifférencié. Par territoire relationnel, nous entendons cet espace délimité dans lequel la relation est à la fois possible et privilégiée. Le premier prérequis de la clôture qui vient à l'esprit est celui de la langue, par laquelle il est possible d'établir une communication intelligible. Mais cette dernière, qui permet au moins l'échange, ne constitue pas une relation d'un niveau suffisant pour faire société. A ce prérequis, il faut en ajouter d'autres, tels qu'une culture commune, une mémoire commune, des valeurs partagées comme conditions nécessaires à l'établissement de la confiance etc.
La clôture opérationnelle d'une société apparait comme la condition de l'épanouissement de la relation interpersonnelle, en même temps que la vie sociale issue de cette activité relationnelle produit cette clôture. La possibilité d'établir ou non une relation, plus ou moins riche, permet d'en dessiner les contours. Il s'agit du phénomène d'autoproduction bien décrit par Franscisco Varela, tel qu'à l'oeuvre avec la membrane cellulaire, frontière et produit de l'activité qu'elle préserve.
V.2/ Mimesis et capacité de résonance : cause formelle
L'existence d'un territoire relationnel ne suffit pas à l'émergence de la relation. A cela, nous devons ajouter une propriété essentielle qui semble dépasser de loin le seul cas des relations humaines : c'est la mimesis, cette aptitude à intérioriser et à faire sien le monde extérieur, au moins par la représentation. Bien sûr, les phénomènes de reconnaissance et d'empathie mutuelles, de vécu par procuration en autrui - cet autre "je" - sont particulièrement identifiables dans les sociétés humaines, mais cela s'applique également entre tous individus d'une même espèce du règne animal. De façon plus étendue, la mimesis permet d'établir, de façon certes moins prégnante, un véritable sentiment de sympathie et de familiarité entre individus d'espèces différentes, pour peu qu'elles soient relativement proches, comme l'amitié entre l'homme et l'animal domestique, la fascination des enfants devant le spectacle de la nature et des animaux, ou encore l'affection particulière d'une chienne pour des chatons.
Peut-être cette aptitude mimétique à l'affinité existe-t-elle même en deçà, si l'on songe aux cellules de Bénard d'Ilya Prigogine et l'apparition de coordinations de longues portées entre molécules d'eau ; ou si l'on considère encore les phénomènes de distribution spatiale dans les végétations en milieu semi-aride, conduisant à l'apparition récurrente des mêmes motifs. Enfin, au niveau physique nous trouvons la correspondance de cette aptitude à la résonance dans le phénomène d'interférence d'ondes.
V.3/ La relation, tiers inclus des consciences : cause efficiente
Une fois posé le cadre du territoire relationnel comme autoproduction de l'activité relationnelle, et exposé l'énigme mimétique comme propriété nécessaire à l'établissement de la relation, intéressons nous désormais à la relation elle-même.
Nous avons vu dans les premiers chapitres que la relation impliquait cette intériorisation de l'autre en soi, au moins en représentation, comme condition nécessaire à l'affirmation de soi. En même temps que cette intériorisation rend possible mon affirmation, elle la contrarie dans son élan asymptotique à l'autosuffisance. Autrui est à la fois celui qui me situe et me déstabilise, celui par lequel je peux surgir en conscience et donc tout aussi bien disparaitre. La relation se présente dès lors comme un tiers inclus, aux extrémités duquel se situent les consciences efficientes, flottantes dans leur nuage de présence, ni complètement fixées dans l'autosuffisance, ni laissées libres d'indétermination dans leurs états ou évolutions. En bref : animées, vibrantes et vivantes.
A la lumière de cette description des relations humaines et sociales selon le ternaire causal fondamental, nous pouvons génériquement définir celles-ci comme : l'activité relationnelle dans un champ mimétique singulier. Cette formulation appelle à d'autres rapprochements par analogie avec toutes les théories de l'auto-organisation du vivant, dont on pourra trouver un excellent exposé dans le chapitre "Evolution par auto-organisation" des "Trois visages de la vie" de Paul Meier.
Il serait également intéressant de mettre en relation cette compréhension de la relation avec la rythmodynamique de Youri Ivanov, pour laquelle la particule est modélisable par le noeud de l'onde stationnaire résultant d'une onde incidente et d'une autre onde réfléchie par une autre particule/onde stationnaire. Tout se passe dès lors comme si l'onde était le tiers inclus des particules coproduites.
V.4/ Dynamique finaliste et finalité ? La question de la quatrième cause
Une fois cela posé, la question de la finalité d'une telle activité vient immanquablement à l'esprit. C'est la question du sens des choses et des phénomènes, que se posent les philosophes, les mystiques, et même un peu chacun.
L'univers serait-il une autoproduction dans laquelle rien ne soit prédéterminé, parce qu'on ne déduit pas le nouveau de l'ancien, que les points de bifurcation et la direction qui sera prise par les systèmes en ces points est par nature imprévisible, comme semble le montrer à l'échelle physique les systèmes à dissipation loin de l'équilibre ? En cela, les derniers travaux scientifiques d'Ilya Prigogine et ses successeurs rejoindraient l'intuition taoïste d'un monde en perpétuelle auto-création, autonome dans son activité, inconnaissable dans sa destination. Cette hypothèse comme base de travail est présentée par Marc Halévy dans son essai "ni hasard, ni nécessité".
Existe-t-il au contraire une cause transcendante qu'il s'agirait d'approcher par la mystique, afin d'encourager l'activité humaine dans un sens qui soit en harmonie avec ces "visions de Dieu" ? C'est l'option générale des religions de la transcendance tels que le judaïsme, le christianisme, l'islam et d'autres. Faut-il enfin séparer la question mondaine de la question divine, essayer de comprendre le monde sur le constat, fait par Nicolas de Cues, de notre docte ignorance envers Dieu ?
Cette question de la quatrième cause devait être posée, bien qu'une tentative de réponse déborde largement du cadre de ce travail.
Dans son ouvrage "Les trois visages de la vie", Paul Meier a identifié les trois grands principes sur lesquels repose l'organisation et l'activité des systèmes dynamiques et vivants. Ces trois grands principes renvoient à trois synergies fondamentales que Paul Meier nomme de la façon la plus générique possible : la substance, l'énergie et l'information. Cette intuition fondamentale, perdue de vue alors que la tradition occidentale contribuait à faire s'éloigner philosophie et sciences au fil du temps, avait pourtant été formulée par Aristote dès l'antiquité, par le ternaire fondamental : cause matérielle (substance), cause efficiente (énergie), cause formelle (information).
On notera au passage l'existence d'une quatrième cause que l'on pourrait qualifier de "cause finale", dont on dira quelques mots.
V.1/ Clôture opérationnelle et territoire relationnel : cause matérielle
La relation interpersonnelle n'est pas possible selon toute modalité dans un espace indifférencié. Par territoire relationnel, nous entendons cet espace délimité dans lequel la relation est à la fois possible et privilégiée. Le premier prérequis de la clôture qui vient à l'esprit est celui de la langue, par laquelle il est possible d'établir une communication intelligible. Mais cette dernière, qui permet au moins l'échange, ne constitue pas une relation d'un niveau suffisant pour faire société. A ce prérequis, il faut en ajouter d'autres, tels qu'une culture commune, une mémoire commune, des valeurs partagées comme conditions nécessaires à l'établissement de la confiance etc.
La clôture opérationnelle d'une société apparait comme la condition de l'épanouissement de la relation interpersonnelle, en même temps que la vie sociale issue de cette activité relationnelle produit cette clôture. La possibilité d'établir ou non une relation, plus ou moins riche, permet d'en dessiner les contours. Il s'agit du phénomène d'autoproduction bien décrit par Franscisco Varela, tel qu'à l'oeuvre avec la membrane cellulaire, frontière et produit de l'activité qu'elle préserve.
V.2/ Mimesis et capacité de résonance : cause formelle
L'existence d'un territoire relationnel ne suffit pas à l'émergence de la relation. A cela, nous devons ajouter une propriété essentielle qui semble dépasser de loin le seul cas des relations humaines : c'est la mimesis, cette aptitude à intérioriser et à faire sien le monde extérieur, au moins par la représentation. Bien sûr, les phénomènes de reconnaissance et d'empathie mutuelles, de vécu par procuration en autrui - cet autre "je" - sont particulièrement identifiables dans les sociétés humaines, mais cela s'applique également entre tous individus d'une même espèce du règne animal. De façon plus étendue, la mimesis permet d'établir, de façon certes moins prégnante, un véritable sentiment de sympathie et de familiarité entre individus d'espèces différentes, pour peu qu'elles soient relativement proches, comme l'amitié entre l'homme et l'animal domestique, la fascination des enfants devant le spectacle de la nature et des animaux, ou encore l'affection particulière d'une chienne pour des chatons.
Peut-être cette aptitude mimétique à l'affinité existe-t-elle même en deçà, si l'on songe aux cellules de Bénard d'Ilya Prigogine et l'apparition de coordinations de longues portées entre molécules d'eau ; ou si l'on considère encore les phénomènes de distribution spatiale dans les végétations en milieu semi-aride, conduisant à l'apparition récurrente des mêmes motifs. Enfin, au niveau physique nous trouvons la correspondance de cette aptitude à la résonance dans le phénomène d'interférence d'ondes.
V.3/ La relation, tiers inclus des consciences : cause efficiente
Une fois posé le cadre du territoire relationnel comme autoproduction de l'activité relationnelle, et exposé l'énigme mimétique comme propriété nécessaire à l'établissement de la relation, intéressons nous désormais à la relation elle-même.
Nous avons vu dans les premiers chapitres que la relation impliquait cette intériorisation de l'autre en soi, au moins en représentation, comme condition nécessaire à l'affirmation de soi. En même temps que cette intériorisation rend possible mon affirmation, elle la contrarie dans son élan asymptotique à l'autosuffisance. Autrui est à la fois celui qui me situe et me déstabilise, celui par lequel je peux surgir en conscience et donc tout aussi bien disparaitre. La relation se présente dès lors comme un tiers inclus, aux extrémités duquel se situent les consciences efficientes, flottantes dans leur nuage de présence, ni complètement fixées dans l'autosuffisance, ni laissées libres d'indétermination dans leurs états ou évolutions. En bref : animées, vibrantes et vivantes.
A la lumière de cette description des relations humaines et sociales selon le ternaire causal fondamental, nous pouvons génériquement définir celles-ci comme : l'activité relationnelle dans un champ mimétique singulier. Cette formulation appelle à d'autres rapprochements par analogie avec toutes les théories de l'auto-organisation du vivant, dont on pourra trouver un excellent exposé dans le chapitre "Evolution par auto-organisation" des "Trois visages de la vie" de Paul Meier.
Il serait également intéressant de mettre en relation cette compréhension de la relation avec la rythmodynamique de Youri Ivanov, pour laquelle la particule est modélisable par le noeud de l'onde stationnaire résultant d'une onde incidente et d'une autre onde réfléchie par une autre particule/onde stationnaire. Tout se passe dès lors comme si l'onde était le tiers inclus des particules coproduites.
V.4/ Dynamique finaliste et finalité ? La question de la quatrième cause
Une fois cela posé, la question de la finalité d'une telle activité vient immanquablement à l'esprit. C'est la question du sens des choses et des phénomènes, que se posent les philosophes, les mystiques, et même un peu chacun.
L'univers serait-il une autoproduction dans laquelle rien ne soit prédéterminé, parce qu'on ne déduit pas le nouveau de l'ancien, que les points de bifurcation et la direction qui sera prise par les systèmes en ces points est par nature imprévisible, comme semble le montrer à l'échelle physique les systèmes à dissipation loin de l'équilibre ? En cela, les derniers travaux scientifiques d'Ilya Prigogine et ses successeurs rejoindraient l'intuition taoïste d'un monde en perpétuelle auto-création, autonome dans son activité, inconnaissable dans sa destination. Cette hypothèse comme base de travail est présentée par Marc Halévy dans son essai "ni hasard, ni nécessité".
Existe-t-il au contraire une cause transcendante qu'il s'agirait d'approcher par la mystique, afin d'encourager l'activité humaine dans un sens qui soit en harmonie avec ces "visions de Dieu" ? C'est l'option générale des religions de la transcendance tels que le judaïsme, le christianisme, l'islam et d'autres. Faut-il enfin séparer la question mondaine de la question divine, essayer de comprendre le monde sur le constat, fait par Nicolas de Cues, de notre docte ignorance envers Dieu ?
Cette question de la quatrième cause devait être posée, bien qu'une tentative de réponse déborde largement du cadre de ce travail.
Dernière édition par SFuchs le Mer 12 Aoû 2015 - 19:59, édité 1 fois
SFuchs- Messages : 135
Date d'inscription : 29/05/2015
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
VI/ Un occident à bout de souffle
L'étude des relations sociales, qu'elles soient interpersonnelles ou de l'individu avec la collectivité, nous a permis d'illustrer cette aptitude fondamentale au coeur de la relation qu'est la mimesis. Cette aptitude des hommes, qui semble universelle en tant qu'aptitude du vivant à rentrer en résonance et en affinité avec un environnement qui ne lui est jamais tout à fait étranger, s'est néanmoins régulièrement appauvrie en même temps que le rapport des hommes au monde s'est réduit, par le regard qu'il a adopté sur lui-même et sur son environnement. Cet appauvrissement du regard de l'homme, nous le placerons sur deux lignes : la réduction anthropocentrique des enjeux, et la réduction dualiste de la pensée.
VI.1/ Assis sur son trône, l'homme : seul dans sa gloriole triomphante
La pente générale des sociétés occidentales laisse à croire que l'homme ne s'intéresse plus qu'à lui-même, alors qu'un ensemble de mauvais signes s'accumulent sur l'horizon. L'humanité a développé la technostructure, cette infrastructure de confort lui permettant de vivre de façon plus stable et sécurisée, dans un environnement formé un peu plus à son image que ne peut l'être l'état naturel. Dans un même mouvement, la pensée occidentale s'est lentement éloignée de l'idée de transcendance, pour développer des systèmes spéculatifs et de recherche où la raison prédomine, rendant le monde plus intelligible et moins inquiétant qu'il ne pouvait l'être lorsqu'il était entouré de mystère. Enfin, mais le phénomène n'est pas nouveau, Dieu ou le divin a été largement anthropologisé.
Toutes ces tendance ont conduit à la société de l'image de l'homme triomphant, au coeur du monde et de ses enjeux. Nous constatons de plus en plus les limites et la pauvreté d'une telle conception.
Sur le plan spirituel, nous avons déjà souligné que l'individu, laissé seul face à lui-même lorsqu'il a remporté la bataille narcissique pour l'occupation du centre des attentions, se retrouve invariablement face à sa propre nullité, que seule la situation d'adversité dans la bataille lui a fait oublier, durant le temps nécessaire pour mener cette lutte compréhensible mais chimérique pour l'autosuffisance. Si c'est le sentiment de nullité ou de vacuité qui prédomine à la fin d'une telle épopée, on est en droit de se demander si l'objectif, aussi séduisant soit-il, n'était tout simplement pas le bon.
Sur le plan matériel, de l'infrastructure ou du support, l'homme est tenté de se persuader que sa course en avant dans l'altération de l'environnement, en vue d'en faire une infrastructure toujours plus efficace et de convenance pour combler ses besoins et assouvir ses envies ; que cette course donc puisse être sans fin. Or, nous avons déjà évoqué le mur de l'écologie. L'économiste Nicolae Georgescu a montré, dans son essai "Loi entropique et processus économique", que si nous intégrions l'impact écologique dans le bilan de l'activité économique, notre société actuelle de la mondialisation capitaliste et de la consommation était entrée dans une phase de destruction nette de valeur, que seules les réserves immenses mais non illimitées en ressources naturelles parvenaient encore à masquer.
VI.2/ Misère de la pensée dualiste
Par son ouvrage "Les trois visages de la vie", Paul Meier a réussi à montrer les similitudes des grands courants de pensées ayant traversé l'histoire de l'humanité. Tout porte effectivement à croire que la logique d'organisation du vivant, de la vie en général, est fondée sur un ternaire causal fondamental déclinable de la façon la plus générique possible par : substance/énergie/information, ou dit autrement : cause matérielle/cause formelle/cause efficiente.
Cette intuition n'est pas nouvelle et fait même partie de la Tradition au sens extrait de l'ouvrage de Paul Meier et donné par Michel Random : "Ce que nous entendons par tradition c'est essentiellement ce qui est permanent et stable à travers les lieux, les cultures et les religions. Il existe une science primordiale liée aux propriétés du vivant et à la "sagesse" de la nature, qui est le fondement de toutes connaissances."
Ainsi, ce ternaire fondamental a-t-il été perdu de vue dans nos schémas d'appréhension du réel, plus qu'il n'a perdu de sa valeur et de sa portée. Sa mise en oeuvre pour organiser efficacement des systèmes quels qu'ils soient : vie institutionnelle, recherche scientifique ou médicale, cosmologie, forme diplomatique, doctrine du droit, réflexion sociologique etc. ne fait donc plus partie des préoccupations contemporaines.
C'est sur cette question essentielle du ternaire que nous pouvons faire remonter la célèbre querelle du Filioque qui a conduit au schisme du 11ème siècle entre l'église catholique orientale dite orthodoxe, et l'église catholique occidentale dite catholique romaine. La nouvelle formulation de la Trinité fut considérée par les théologiens de l'église orientale comme un glissement dangereux vers une dénaturation de celle-ci dans ce qu'elle exprime en esprit. Paul Meier voit là une des causes fondamentales de l'adoption ultérieure de la logique de contradiction du tiers exclu en occident via la scolastique de Saint Thomas d'Aquin, ouvrant le champ à la dérive suivante vers la pensée dualiste ; tandis que l'église orthodoxe restait fidèle à l'esprit ternaire contenu dans la Trinité. Par cette fidélité en amont de la culture orthodoxe au sens ternaire des phénomènes, la pensée orthodoxe conservait en subtilité ce que perdait la pensée occidentale, mais tout ceci fut occulté par les succès du rouleau compresseur occidental, triomphant de ses exploits sur le terrain de l'organisation économique, de sa soif d'exploration et de sa capacité de création de valeur ou devrait-on dire : d'extraction de valeur. Aujourd'hui, nous touchons aux limites d'une telle machinerie en même temps que nous approchons dangereusement des limites de l'écosystème.
Sur la question de l'organisation des sociétés, nous avons également perdu de vue le modèle, décrit par Georges Dumézil, d'organisation tripartite des sociétés indo-européennes dont nous sommes largement les héritiers. Cette disparition dans le paysage social de la caste sacerdotale - en dehors de son rôle de figurant dans la sphère occidentale - comme troisième pôle indépendant d'autorité morale et spirituelle, a conduit à l'organisation de sociétés incapables de sortir de l'alternance à caractère involutif entre démocratie sociale et démocratie libérale : le fameux et bien pauvre débat "gauche/droite" duquel il ne sort plus grand chose en terme de perspectives ou d'idées neuves.
VII/ Conclusion générale : perspectives pour un "troisième miracle européen"
Si donc, comme nous l'avons vu précédemment, les deux grands écueils qui menacent les sociétés occidentales sont l'anthropologisation des enjeux et l'appauvrissement de la pensée dans des schémas dualistes ; nous sommes en mesure d'apporter quelques pistes de réflexion pour un infléchissement de la tendance.
Pour commencer, il s'agira d'adopter une compréhension élargie du logos, dans laquelle nous ne nous intéresserons pas uniquement au rapport de l'homme au divin d'une part, et au rapport des hommes entre eux qui en découle d'autre part. Il s'agira d'intégrer l'idée, fondamentale et juste, d'interdépendance et de familiarité de l'homme avec son environnement, et l'attention particulière qui en découle pour une meilleure harmonie.
Cette prise de conscience implique un nouvel horizon, une mise en avant de nouvelles vertus, et une réorientation de l'activité humaine en ce sens, plus tournée vers la contemplation, la méditation, l'imagination créatrice, mais aussi une certaine frugalité et un sens de la parcimonie. Bref, de sortir de l'impératif "croissez et multipliez". En ce sens, l'idée de développement durable par exemple, semble tout à fait louable et estimable ; la seule crainte étant que, dans une société où la logique fondamentale de mondialisation économique n'a pas foncièrement évolué, cette idée demeure pour l'heure au stade invocatoire et de la pétition de principe. La relocalisation, l'économie des circuits courts, sont également des pistes.
Ensuite, il s'agira de renouer avec le manifeste ternaire. Bien sûr, celui-ci ne nous est pas totalement étranger, et la plupart d'entre nous le pratiquons au quotidien puisque tout dialogue, toute médiation, implique l'actualisation de ce schéma dans la relation. Néanmoins, nous ne pouvons que trouver désolant le spectacle médiatique dressant des tableaux manichéens entre "parti de la haine" contre "parti du progrès", "axe du Bien" contre "axe du Mal", "pays des droits de l'homme" contre "régimes obscurantistes". Tout cela est pathétique et relève de la capitulation de la pensée.
Les sociétés européennes sécularisées ont-elles encore les ressources internes pour une telle prise de conscience, et infléchir ces tendances lourdes aux dysfonctionnements cumulés de plus en plus menaçants ? Les intérêts politiques et financiers sont-ils désormais trop gros, concentrés dans un nombre toujours moindre de mains, pour que les bonnes volontés puissent changer le système de l'intérieur avant qu'il ne s'effondre des périls qu'il sécrète en propre ?
Quelle religion pour l'Europe ? c'est la question du renouveau paradigmatique que pose Pierre du Breuil, Alain de Benoist, Démètre Theraios et d'autres dans l'ouvrage collectif idoine. Retour aux sources zoroastriennes du christianisme, nouvelle exégèse de la Bible et des textes sacrés, renouement avec le paganisme antique, syncrétisme dans la philosophie orientale ? Il en va de la survie, par le renouveau, du modèle européen.
L'étude des relations sociales, qu'elles soient interpersonnelles ou de l'individu avec la collectivité, nous a permis d'illustrer cette aptitude fondamentale au coeur de la relation qu'est la mimesis. Cette aptitude des hommes, qui semble universelle en tant qu'aptitude du vivant à rentrer en résonance et en affinité avec un environnement qui ne lui est jamais tout à fait étranger, s'est néanmoins régulièrement appauvrie en même temps que le rapport des hommes au monde s'est réduit, par le regard qu'il a adopté sur lui-même et sur son environnement. Cet appauvrissement du regard de l'homme, nous le placerons sur deux lignes : la réduction anthropocentrique des enjeux, et la réduction dualiste de la pensée.
VI.1/ Assis sur son trône, l'homme : seul dans sa gloriole triomphante
La pente générale des sociétés occidentales laisse à croire que l'homme ne s'intéresse plus qu'à lui-même, alors qu'un ensemble de mauvais signes s'accumulent sur l'horizon. L'humanité a développé la technostructure, cette infrastructure de confort lui permettant de vivre de façon plus stable et sécurisée, dans un environnement formé un peu plus à son image que ne peut l'être l'état naturel. Dans un même mouvement, la pensée occidentale s'est lentement éloignée de l'idée de transcendance, pour développer des systèmes spéculatifs et de recherche où la raison prédomine, rendant le monde plus intelligible et moins inquiétant qu'il ne pouvait l'être lorsqu'il était entouré de mystère. Enfin, mais le phénomène n'est pas nouveau, Dieu ou le divin a été largement anthropologisé.
Toutes ces tendance ont conduit à la société de l'image de l'homme triomphant, au coeur du monde et de ses enjeux. Nous constatons de plus en plus les limites et la pauvreté d'une telle conception.
Sur le plan spirituel, nous avons déjà souligné que l'individu, laissé seul face à lui-même lorsqu'il a remporté la bataille narcissique pour l'occupation du centre des attentions, se retrouve invariablement face à sa propre nullité, que seule la situation d'adversité dans la bataille lui a fait oublier, durant le temps nécessaire pour mener cette lutte compréhensible mais chimérique pour l'autosuffisance. Si c'est le sentiment de nullité ou de vacuité qui prédomine à la fin d'une telle épopée, on est en droit de se demander si l'objectif, aussi séduisant soit-il, n'était tout simplement pas le bon.
Sur le plan matériel, de l'infrastructure ou du support, l'homme est tenté de se persuader que sa course en avant dans l'altération de l'environnement, en vue d'en faire une infrastructure toujours plus efficace et de convenance pour combler ses besoins et assouvir ses envies ; que cette course donc puisse être sans fin. Or, nous avons déjà évoqué le mur de l'écologie. L'économiste Nicolae Georgescu a montré, dans son essai "Loi entropique et processus économique", que si nous intégrions l'impact écologique dans le bilan de l'activité économique, notre société actuelle de la mondialisation capitaliste et de la consommation était entrée dans une phase de destruction nette de valeur, que seules les réserves immenses mais non illimitées en ressources naturelles parvenaient encore à masquer.
VI.2/ Misère de la pensée dualiste
Par son ouvrage "Les trois visages de la vie", Paul Meier a réussi à montrer les similitudes des grands courants de pensées ayant traversé l'histoire de l'humanité. Tout porte effectivement à croire que la logique d'organisation du vivant, de la vie en général, est fondée sur un ternaire causal fondamental déclinable de la façon la plus générique possible par : substance/énergie/information, ou dit autrement : cause matérielle/cause formelle/cause efficiente.
Cette intuition n'est pas nouvelle et fait même partie de la Tradition au sens extrait de l'ouvrage de Paul Meier et donné par Michel Random : "Ce que nous entendons par tradition c'est essentiellement ce qui est permanent et stable à travers les lieux, les cultures et les religions. Il existe une science primordiale liée aux propriétés du vivant et à la "sagesse" de la nature, qui est le fondement de toutes connaissances."
Ainsi, ce ternaire fondamental a-t-il été perdu de vue dans nos schémas d'appréhension du réel, plus qu'il n'a perdu de sa valeur et de sa portée. Sa mise en oeuvre pour organiser efficacement des systèmes quels qu'ils soient : vie institutionnelle, recherche scientifique ou médicale, cosmologie, forme diplomatique, doctrine du droit, réflexion sociologique etc. ne fait donc plus partie des préoccupations contemporaines.
C'est sur cette question essentielle du ternaire que nous pouvons faire remonter la célèbre querelle du Filioque qui a conduit au schisme du 11ème siècle entre l'église catholique orientale dite orthodoxe, et l'église catholique occidentale dite catholique romaine. La nouvelle formulation de la Trinité fut considérée par les théologiens de l'église orientale comme un glissement dangereux vers une dénaturation de celle-ci dans ce qu'elle exprime en esprit. Paul Meier voit là une des causes fondamentales de l'adoption ultérieure de la logique de contradiction du tiers exclu en occident via la scolastique de Saint Thomas d'Aquin, ouvrant le champ à la dérive suivante vers la pensée dualiste ; tandis que l'église orthodoxe restait fidèle à l'esprit ternaire contenu dans la Trinité. Par cette fidélité en amont de la culture orthodoxe au sens ternaire des phénomènes, la pensée orthodoxe conservait en subtilité ce que perdait la pensée occidentale, mais tout ceci fut occulté par les succès du rouleau compresseur occidental, triomphant de ses exploits sur le terrain de l'organisation économique, de sa soif d'exploration et de sa capacité de création de valeur ou devrait-on dire : d'extraction de valeur. Aujourd'hui, nous touchons aux limites d'une telle machinerie en même temps que nous approchons dangereusement des limites de l'écosystème.
Sur la question de l'organisation des sociétés, nous avons également perdu de vue le modèle, décrit par Georges Dumézil, d'organisation tripartite des sociétés indo-européennes dont nous sommes largement les héritiers. Cette disparition dans le paysage social de la caste sacerdotale - en dehors de son rôle de figurant dans la sphère occidentale - comme troisième pôle indépendant d'autorité morale et spirituelle, a conduit à l'organisation de sociétés incapables de sortir de l'alternance à caractère involutif entre démocratie sociale et démocratie libérale : le fameux et bien pauvre débat "gauche/droite" duquel il ne sort plus grand chose en terme de perspectives ou d'idées neuves.
VII/ Conclusion générale : perspectives pour un "troisième miracle européen"
Si donc, comme nous l'avons vu précédemment, les deux grands écueils qui menacent les sociétés occidentales sont l'anthropologisation des enjeux et l'appauvrissement de la pensée dans des schémas dualistes ; nous sommes en mesure d'apporter quelques pistes de réflexion pour un infléchissement de la tendance.
Pour commencer, il s'agira d'adopter une compréhension élargie du logos, dans laquelle nous ne nous intéresserons pas uniquement au rapport de l'homme au divin d'une part, et au rapport des hommes entre eux qui en découle d'autre part. Il s'agira d'intégrer l'idée, fondamentale et juste, d'interdépendance et de familiarité de l'homme avec son environnement, et l'attention particulière qui en découle pour une meilleure harmonie.
Cette prise de conscience implique un nouvel horizon, une mise en avant de nouvelles vertus, et une réorientation de l'activité humaine en ce sens, plus tournée vers la contemplation, la méditation, l'imagination créatrice, mais aussi une certaine frugalité et un sens de la parcimonie. Bref, de sortir de l'impératif "croissez et multipliez". En ce sens, l'idée de développement durable par exemple, semble tout à fait louable et estimable ; la seule crainte étant que, dans une société où la logique fondamentale de mondialisation économique n'a pas foncièrement évolué, cette idée demeure pour l'heure au stade invocatoire et de la pétition de principe. La relocalisation, l'économie des circuits courts, sont également des pistes.
Ensuite, il s'agira de renouer avec le manifeste ternaire. Bien sûr, celui-ci ne nous est pas totalement étranger, et la plupart d'entre nous le pratiquons au quotidien puisque tout dialogue, toute médiation, implique l'actualisation de ce schéma dans la relation. Néanmoins, nous ne pouvons que trouver désolant le spectacle médiatique dressant des tableaux manichéens entre "parti de la haine" contre "parti du progrès", "axe du Bien" contre "axe du Mal", "pays des droits de l'homme" contre "régimes obscurantistes". Tout cela est pathétique et relève de la capitulation de la pensée.
Les sociétés européennes sécularisées ont-elles encore les ressources internes pour une telle prise de conscience, et infléchir ces tendances lourdes aux dysfonctionnements cumulés de plus en plus menaçants ? Les intérêts politiques et financiers sont-ils désormais trop gros, concentrés dans un nombre toujours moindre de mains, pour que les bonnes volontés puissent changer le système de l'intérieur avant qu'il ne s'effondre des périls qu'il sécrète en propre ?
Quelle religion pour l'Europe ? c'est la question du renouveau paradigmatique que pose Pierre du Breuil, Alain de Benoist, Démètre Theraios et d'autres dans l'ouvrage collectif idoine. Retour aux sources zoroastriennes du christianisme, nouvelle exégèse de la Bible et des textes sacrés, renouement avec le paganisme antique, syncrétisme dans la philosophie orientale ? Il en va de la survie, par le renouveau, du modèle européen.
Dernière édition par SFuchs le Mar 11 Aoû 2015 - 11:15, édité 1 fois
SFuchs- Messages : 135
Date d'inscription : 29/05/2015
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Annexes : Références, auteurs, mots clés
Paul Meier
- Les trois visages de la vie (ouvrage de référence de l’essai présent)
- PARADIGME SYSTEMIQUE ET EPISTEMOLOGIE TRANSDISCIPLINAIRE (site) : http://sys.theme.free.fr/
- mots clés : auto-organisation, épistémologie, science et tradition
Jean-Pierre Meunier
- Approche systémique de la communication (ouvrage de référence de l’essai présent)
- mots clés : mimesis, auto-organisation, communication, cognition
Ilya Prigogine
- La fin des certitudes (ouvrage)
- page wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ilya_Prigogine
- mots clés : systèmes dissipatifs, auto-organisation, phénomènes irréversibles, thermodynamique
Marc Halévy
- Ni hasard, ni nécessité (ouvrage)
- Mutation de Société — Expertise & Prospective (site) : http://www.noetique.eu/
- mots clés : noétique, taoïsme, philosophie des sciences, propriétés émergentes
Francisco Varela
- INVITATION AUX SCIENCES COGNITIVES (ouvrage)
- page wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_Varela
- mots clés : clôture opérationnelle, autopoiese, biophysique, sciences cognitives
Gregory Bateson
- Vers une écologie de l'esprit (essai)
- mots clés : schismogénèse, double contrainte, anthropologie, épistémologie
Henri Atlan
- L'Organisation biologique de la théorie de l'information (ouvrage)
- mots clés : théorie de l'information, schismogénèse, philosophie des sciences
Vincent Deblauwe
- Modulation des structures de végétation auto-organisées en milieu aride (thèse)
Carl Gustav Jung
- Oeuvre complète
- Jung et la religion : essai libre sur http://webnietzsche.fr/mythe.htm
- page wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Carl_Gustav_Jung
- mots clés : archétypes, inconscient collectif, symboles, religion
Pierre Clastres
- Archéologie de la violence : la guerre dans les sociétés primitives (étude)
- mots clés : anthropologie, sociétés primitives
René Girard
- La violence et le sacré, le bouc émissaire, Des choses cachées depuis la fondation du monde (ouvrages)
- page wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rene_Girard
- mots clés : bouc émissaire, christianisme, rite, violence et sacré
Jean-Claude Michéa
- L'empire du moindre mal : Essai sur la civilisation libérale (essai)
- mots clés : société libérale, libéralisme
Edward Behr
- Une Amérique qui fait peur (essai)
- mots clés : société américaine, droit anglo-saxon
Philippe Muray
- L'Empire du bien, Festivus Festivus (essais)
- mots clés : postmodernisme, société du spectacle, festivisme
Michel Houellebecq
- Soumission (roman)
Marcel Gauchet
- Le désenchantement du monde: Une histoire politique de la religion (ouvrage)
- mots clés : science politique, science sociale, libéralisme, modernité
Vladimir Boukovski
- L'Union européenne, une nouvelle URSS ? (essai)
- mots clés : régime soviétique, socialisme, dissidence
Nicolas de Cues
- Article de référence sur : http://sys.theme.free.fr/Cusa.html
- mots clés : mystique chrétienne, néo-platonisme, cosmologie, tetraktys
Giordano Bruno
- Article de référence sur : http://sys.theme.free.fr/7_Bruno.html
- mots clés : néoplatonisme, philosophie des sciences, monade
Basarab Nicolescu
- Le tiers inclus, article de référence sur : http://sys.theme.free.fr/E_trans.html
- mots clés : tiers inclus, épistémologie
Georges Dumézil
- Mythes et Dieux des Indo-Européens
- page wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Dumezil
- mots clés : Fonctions tripartites indo-européennes, histoire comparée
Nicolae Georgescu
- Loi entropique et processus économique
- mots clés : bioéconomie, entropie, thermodynamique
Démètre Théraios, hommage à Paul du Breuil
- Zarathoustra et le renouveau chrétien de l'Europe
- mots clés : zoroastrisme, iranisme, christianisme, orthodoxie, exégèse
Alain de Benoist, Démètre Théraios, collectif
- Quelle religion pour l'Europe ?
- mots clés : civilisation européenne, paganisme, zoroastrime, christianisme
Addendum - conseils de lecture, vidéos :
Hubert Reeves
- L'heure de s’enivrer
- mots clés : cosmologie, théorie de l'information, philosophie des sciences
Vidéos sur youtube :
- "Mondes intérieurs, Mondes extérieurs" (documentaire) : science contemporaine, philosophie orientale
- "Thot Theurge" (chaîne vidéo) : théurgie, alchimie, tradition ésotérique occidentale
Paul Meier
- Les trois visages de la vie (ouvrage de référence de l’essai présent)
- PARADIGME SYSTEMIQUE ET EPISTEMOLOGIE TRANSDISCIPLINAIRE (site) : http://sys.theme.free.fr/
- mots clés : auto-organisation, épistémologie, science et tradition
Jean-Pierre Meunier
- Approche systémique de la communication (ouvrage de référence de l’essai présent)
- mots clés : mimesis, auto-organisation, communication, cognition
Ilya Prigogine
- La fin des certitudes (ouvrage)
- page wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ilya_Prigogine
- mots clés : systèmes dissipatifs, auto-organisation, phénomènes irréversibles, thermodynamique
Marc Halévy
- Ni hasard, ni nécessité (ouvrage)
- Mutation de Société — Expertise & Prospective (site) : http://www.noetique.eu/
- mots clés : noétique, taoïsme, philosophie des sciences, propriétés émergentes
Francisco Varela
- INVITATION AUX SCIENCES COGNITIVES (ouvrage)
- page wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_Varela
- mots clés : clôture opérationnelle, autopoiese, biophysique, sciences cognitives
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- Vers une écologie de l'esprit (essai)
- mots clés : schismogénèse, double contrainte, anthropologie, épistémologie
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- L'Organisation biologique de la théorie de l'information (ouvrage)
- mots clés : théorie de l'information, schismogénèse, philosophie des sciences
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- Modulation des structures de végétation auto-organisées en milieu aride (thèse)
- Code:
http://www.researchgate.net/profile/Vincent_Deblauwe/publication/274542227_Modulation_des_structures_de_vgtation_auto-organises_en_milieu_aride/links/55225d670cf2f9c13052b029.pdf
Carl Gustav Jung
- Oeuvre complète
- Jung et la religion : essai libre sur http://webnietzsche.fr/mythe.htm
- page wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Carl_Gustav_Jung
- mots clés : archétypes, inconscient collectif, symboles, religion
Pierre Clastres
- Archéologie de la violence : la guerre dans les sociétés primitives (étude)
- mots clés : anthropologie, sociétés primitives
René Girard
- La violence et le sacré, le bouc émissaire, Des choses cachées depuis la fondation du monde (ouvrages)
- page wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rene_Girard
- mots clés : bouc émissaire, christianisme, rite, violence et sacré
Jean-Claude Michéa
- L'empire du moindre mal : Essai sur la civilisation libérale (essai)
- mots clés : société libérale, libéralisme
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- Une Amérique qui fait peur (essai)
- mots clés : société américaine, droit anglo-saxon
Philippe Muray
- L'Empire du bien, Festivus Festivus (essais)
- mots clés : postmodernisme, société du spectacle, festivisme
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- Soumission (roman)
Marcel Gauchet
- Le désenchantement du monde: Une histoire politique de la religion (ouvrage)
- mots clés : science politique, science sociale, libéralisme, modernité
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- L'Union européenne, une nouvelle URSS ? (essai)
- mots clés : régime soviétique, socialisme, dissidence
Nicolas de Cues
- Article de référence sur : http://sys.theme.free.fr/Cusa.html
- mots clés : mystique chrétienne, néo-platonisme, cosmologie, tetraktys
Giordano Bruno
- Article de référence sur : http://sys.theme.free.fr/7_Bruno.html
- mots clés : néoplatonisme, philosophie des sciences, monade
Basarab Nicolescu
- Le tiers inclus, article de référence sur : http://sys.theme.free.fr/E_trans.html
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Georges Dumézil
- Mythes et Dieux des Indo-Européens
- page wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Dumezil
- mots clés : Fonctions tripartites indo-européennes, histoire comparée
Nicolae Georgescu
- Loi entropique et processus économique
- mots clés : bioéconomie, entropie, thermodynamique
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Dernière édition par SFuchs le Mar 11 Aoû 2015 - 11:20, édité 1 fois
SFuchs- Messages : 135
Date d'inscription : 29/05/2015
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Bonjour SFuchs,
SFuchs a écrit :
Pour un Amérindien, un totem est beaucoup plus important qu’un emblème familial ou clanique car il est parfaitement adapté à la vie. Les totems peuvent nous aider à nous comprendre nous-mêmes. Ils sont à la fois des connecteurs à notre propre dynamique intérieure et des « réflecteurs » des « substances » dont la personnalité de notre moi humain temporel est composé. Autrement dit, les totems peuvent nous aider à comprendre pourquoi nous existons et nous indiquer les forces et les faiblesses de notre propre personne en nous révélant ce qui nous manque, mais aussi ce que nous avons intrinsèquement. Les totems peuvent attirer notre attention sur nos potentialités internes afin que nous puissions les réveiller et les exprimer, à la fois pour notre propre plaisir et notre épanouissement, mais aussi pour le bénéfice des autres.
Certains totems sont des représentations animales parce que les qualités humaines et les attributs indiqués par le totem sont démontrés par les caractéristiques et les habitudes de cet animal en particulier. Il faut garder à l’esprit que les Amérindiens – mais aussi nos ancêtres – vivaient très proche de la nature et étaient donc familiers avec la manière de vivre des animaux sauvages. Il y a également des totems végétaux et minéraux qui, eux aussi, nous permettent de nous connecter aux différents aspects de nous-mêmes.
Pour un Amérindien, connaître ses totems est une aide considérable pour se comprendre lui-même. Et, bien sûr, s’il a la possibilité de connaître les totems d’autres personnes, il pourra aussi mieux les comprendre. Ainsi, les totems peuvent aussi aider à améliorer les relations humaines. Chacun d’entre nous, selon le moment de sa naissance, débute dans la vie avec des totems d’animaux, de minéraux et de végétaux de départ. D’autres totems sont « recueillis » tout au long de notre développement.
En conclusion, je ne comprends pas le rapport que fait Girard entre le Christ et les totems amérindiens puisqu'il n'y en a aucun.
Je continue la lecture…
SFuchs a écrit :
Il s’agit là d’une méconnaissance profonde des sociétés amérindiennes, chose qui ne m’étonne guère, même venant d’un philosophe français habitant outre Atlantique. Jamais, les Amérindiens n’ont voué un culte quelconque à l’un ou l’autre de leurs totems, pas plus qu’ils ne s’en sont servis de poteaux de torture comme on nous l’a si souvent montré dans les navets hollywoodiens.
III.3/ La société chrétienne
L'analyse de René Girard prend tout son sens et son illustration dans le mythe du Dieu fait Homme, souffrant et crucifié. Si l'on observe sous le seul angle de la logique mimétique l'évènement, nous sommes frappés de constater à quel point le Christ crucifié s'apparente au totem des sociétés amérindiennes. Cette figure du totem, à laquelle la caste sacerdotale voue le culte et célèbre la grandeur et la mémoire au travers du rite, manifeste "la chose cachée à l'origine du monde" pour reprendre la belle expression de René Girard.
Pour un Amérindien, un totem est beaucoup plus important qu’un emblème familial ou clanique car il est parfaitement adapté à la vie. Les totems peuvent nous aider à nous comprendre nous-mêmes. Ils sont à la fois des connecteurs à notre propre dynamique intérieure et des « réflecteurs » des « substances » dont la personnalité de notre moi humain temporel est composé. Autrement dit, les totems peuvent nous aider à comprendre pourquoi nous existons et nous indiquer les forces et les faiblesses de notre propre personne en nous révélant ce qui nous manque, mais aussi ce que nous avons intrinsèquement. Les totems peuvent attirer notre attention sur nos potentialités internes afin que nous puissions les réveiller et les exprimer, à la fois pour notre propre plaisir et notre épanouissement, mais aussi pour le bénéfice des autres.
Certains totems sont des représentations animales parce que les qualités humaines et les attributs indiqués par le totem sont démontrés par les caractéristiques et les habitudes de cet animal en particulier. Il faut garder à l’esprit que les Amérindiens – mais aussi nos ancêtres – vivaient très proche de la nature et étaient donc familiers avec la manière de vivre des animaux sauvages. Il y a également des totems végétaux et minéraux qui, eux aussi, nous permettent de nous connecter aux différents aspects de nous-mêmes.
Pour un Amérindien, connaître ses totems est une aide considérable pour se comprendre lui-même. Et, bien sûr, s’il a la possibilité de connaître les totems d’autres personnes, il pourra aussi mieux les comprendre. Ainsi, les totems peuvent aussi aider à améliorer les relations humaines. Chacun d’entre nous, selon le moment de sa naissance, débute dans la vie avec des totems d’animaux, de minéraux et de végétaux de départ. D’autres totems sont « recueillis » tout au long de notre développement.
En conclusion, je ne comprends pas le rapport que fait Girard entre le Christ et les totems amérindiens puisqu'il n'y en a aucun.
Je continue la lecture…
Freya- Messages : 1338
Date d'inscription : 24/08/2012
Localisation : Vosges
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Bonjour Freya,
En l'occurrence ce n'est pas René Girard qui compare le Christ sur la croix au totem, mais c'est moi. Par contre, j'ai intégré cette remarque dans le paragraphe qui traite du rite et du sacré, dont René Girard est un spécialiste, notamment vis à vis du christianisme.
Je me permets de vous expliquer la raison de ma comparaison, qui manifestement n'est pas claire. La comparaison ne tient pas au fait que le Christ soit crucifié, ni au fait que le Christ soit un Dieu. La comparaison tient au fait que le Christ sur la croix, et même d'un point de vue un peu plus ésotérique, que la Croix seule constitue un symbole d'intercession, au travers duquel nous sommes précisément invités à nous pencher sur note nature divine intérieure en liaison avec le divin. La Croix est un symbole d'intercession, et en cela, elle rejoint ce que vous dites du totem. La dimension de crucifixion ou du Dieu souffrant crucifié est un notre aspect qui n'est pas directement lié au totem. Disons que le Dieu crucifié sur la croix envoie un message qui lui, est spécifique au christianisme et au message théologique qu'il véhicule.
L'ensemble de mon travail est un peu de cet acabit : je me réfère à des auteurs de référence, et j'apporte ma contribution personnelle.
En l'occurrence ce n'est pas René Girard qui compare le Christ sur la croix au totem, mais c'est moi. Par contre, j'ai intégré cette remarque dans le paragraphe qui traite du rite et du sacré, dont René Girard est un spécialiste, notamment vis à vis du christianisme.
Je me permets de vous expliquer la raison de ma comparaison, qui manifestement n'est pas claire. La comparaison ne tient pas au fait que le Christ soit crucifié, ni au fait que le Christ soit un Dieu. La comparaison tient au fait que le Christ sur la croix, et même d'un point de vue un peu plus ésotérique, que la Croix seule constitue un symbole d'intercession, au travers duquel nous sommes précisément invités à nous pencher sur note nature divine intérieure en liaison avec le divin. La Croix est un symbole d'intercession, et en cela, elle rejoint ce que vous dites du totem. La dimension de crucifixion ou du Dieu souffrant crucifié est un notre aspect qui n'est pas directement lié au totem. Disons que le Dieu crucifié sur la croix envoie un message qui lui, est spécifique au christianisme et au message théologique qu'il véhicule.
L'ensemble de mon travail est un peu de cet acabit : je me réfère à des auteurs de référence, et j'apporte ma contribution personnelle.
SFuchs- Messages : 135
Date d'inscription : 29/05/2015
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Bonjour SFuchs ,
Merci de me faire connaître le concept de mimesis. Il est intéressant mais je pense qu'il doit être placé dans un cadre plus global comme vous le suggérez d'emblée
Les trois niveaux, du point de vue systémique sont
Je précise cela pour faire remarquer que l'intersubjectivité ne s'occupe que du niveau des l'interaction de deux sujets semblables, En effet, vous écrivez:
L'intersubjectivité telle que présentée par Girard est une simplification qui réduit tout au subjectif et à un dualisme conflictuel.
En réalité, la relation est triple, elle inclut comme troisième l'environnement objectif, qui est origine et fin du conflit.
Merci de me faire connaître le concept de mimesis. Il est intéressant mais je pense qu'il doit être placé dans un cadre plus global comme vous le suggérez d'emblée
Vous avez interprété les trois niveaux dans le sens classique (chrétien) de la trilogie corps, âme, esprit. Cette trilogie, comme celle des niveaux de conscience (sens, intellect et intuition) résulte de la hiérarchie systémique généraleJe voudrais commencer cet exposé en m'appuyant sur la distinction pertinente des trois niveaux de la connaissance, correspondant aux trois regards que la conscience sait porter sur le monde :
Les trois niveaux, du point de vue systémique sont
- la composition du système par des éléments ou systèmes de niveau inférieur (matériel)
- l'interaction avec d'autres systèmes semblables ou différents de même niveau (efficient)
- l'organisation des systèmes de même niveau dans la composition d'un système de niveau supérieur.(formel)
Je précise cela pour faire remarquer que l'intersubjectivité ne s'occupe que du niveau des l'interaction de deux sujets semblables, En effet, vous écrivez:
Comme vous l'avez expliqué justement au paragraphe précédent, l'intersubjectivité consiste à "rentrer dans une relation mimétique - comme en résonance - avec son environnement". L'environnement comprend l'objet et toute la condition sociale commune et pas seulement les concurrents ou interlocuteurs.L'analyse de René Girard a ceci de remarquable, qu'elle montre que la valeur de l'objet ne vient pas forcément de sa qualité intrinsèque, mais du seul fait qu'à l'origine, l'un des deux protagonistes a porté un regard d'envie sur l'objet, provoquant spontanément et en retour une envie d'appropriation de l'objet par l'autre sujet.
L'intersubjectivité telle que présentée par Girard est une simplification qui réduit tout au subjectif et à un dualisme conflictuel.
En réalité, la relation est triple, elle inclut comme troisième l'environnement objectif, qui est origine et fin du conflit.
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Dans votre deuxième chapitre vous parlez des" relations symétriques : Rivalité, tension, différenciation" dans le sens de Girard et "Les relations d'empathie : harmonie et communion".
Faut-il considérer les rivalités comme fondamentales comme Girard ? –Faut-il considérer au contraire l'empathie comme normale ?
Chacun des deux points de vue est partiel et incomplet. Considérer l'un plutôt que l'autre comme "normalité" ou "vérité" est typique de la mentalité de notre civilisation formatée à la logique de la contradiction exclue.
Vous évoquez vous-même la solution en référence à Henri Atlan au chapitre suivant:
Henri Atlan qui, comme Prigogine, a découvert l'auto-organisation, mais dans un autre domaine de recherche, a aussi écrit le livre "Entre le cristal et la fumée", excellente analogie pour caractériser aussi la logique naturelle en sociologie: l'équilibre entre la divergence des éléments (fumée) et leur soudure rigide (cristal)
Au chapitre III, je ne partage pas le point de vue de Girard qui n'est pas faux mais unilatéral. Il met l'accent sur l'aspect intersubjectif aux dépens des mobiles objectifs tels qu'une agression extérieure, celle-ci étant présentée finalement comme un bouc émissaire, prétexte à l'apaisement des tensions intersubjectives. Il est vrai que les régimes hégémoniques en déclin et contestés de l'intérieur se cherchent toujours un ennemi pour ressouder les rangs. Mais c'est une manipulation politique. Je n'y vois pas un phénomène social naturel.
Comme Freya, je ne comprends pas la légende de rédemption par la crucifixion, par un sacrifice humain. La croix est certes un symbole archétypique et universel. Mais à mon avis son sens est dans l'intersection et union de deux lignes de direction orthogonale, tout le contraire d'une destruction sacrificielle. C'est aussi dans ce sens de l'union que réside le message de l'évangile.
Mais qu'est-il devenu dans l'Eglise romaine ?
Vous avez bien précisé la récupération politique du message. Le christianisme a été officialisé par décret de Constantin pour neutraliser la contestation des esclaves et autres opprimés qui se tournaient vers cette nouvelle religion enseignant la tolérance et l'empathie.
Faut-il voir dans la crucifixion du Christ un bouc émissaire servant à faire oublier les crimes de Rome ?
Et qu'a fait ensuite la mentalité impériale romaine du christianisme ? – une vérité unique à imposer par la force et des sacrifices humains (croisades, inquisition, colonisations génocidaires au nom de la christianisation).
On peut seulement espérer que le message de tolérance et de respect des différences ait été conservé dans les églises orthodoxes orientales. Mais elles sont actuellement victimes des agressions occidentales au nom des "vérités" d'évangélistes néoconservateurs américains, en même temps que les musulmans …
A propos de la révolution des Lumières vous dites:
Faut-il considérer les rivalités comme fondamentales comme Girard ? –Faut-il considérer au contraire l'empathie comme normale ?
Chacun des deux points de vue est partiel et incomplet. Considérer l'un plutôt que l'autre comme "normalité" ou "vérité" est typique de la mentalité de notre civilisation formatée à la logique de la contradiction exclue.
Vous évoquez vous-même la solution en référence à Henri Atlan au chapitre suivant:
La nature est faite de complémentarités des contraires. Dans le cas de la sociologie, il s'agit de conflits entre individus ou communautés (antagonismes) et de l'empathie ou harmonie (synergies).Bien que ces jalons dans l'histoire de chacun - et de l'histoire en général - soient fondamentaux afin de créer ce que Henri Atlan nomme finement des temps de "recharge en redondance".
Henri Atlan qui, comme Prigogine, a découvert l'auto-organisation, mais dans un autre domaine de recherche, a aussi écrit le livre "Entre le cristal et la fumée", excellente analogie pour caractériser aussi la logique naturelle en sociologie: l'équilibre entre la divergence des éléments (fumée) et leur soudure rigide (cristal)
Au chapitre III, je ne partage pas le point de vue de Girard qui n'est pas faux mais unilatéral. Il met l'accent sur l'aspect intersubjectif aux dépens des mobiles objectifs tels qu'une agression extérieure, celle-ci étant présentée finalement comme un bouc émissaire, prétexte à l'apaisement des tensions intersubjectives. Il est vrai que les régimes hégémoniques en déclin et contestés de l'intérieur se cherchent toujours un ennemi pour ressouder les rangs. Mais c'est une manipulation politique. Je n'y vois pas un phénomène social naturel.
Comme Freya, je ne comprends pas la légende de rédemption par la crucifixion, par un sacrifice humain. La croix est certes un symbole archétypique et universel. Mais à mon avis son sens est dans l'intersection et union de deux lignes de direction orthogonale, tout le contraire d'une destruction sacrificielle. C'est aussi dans ce sens de l'union que réside le message de l'évangile.
Mais qu'est-il devenu dans l'Eglise romaine ?
Vous avez bien précisé la récupération politique du message. Le christianisme a été officialisé par décret de Constantin pour neutraliser la contestation des esclaves et autres opprimés qui se tournaient vers cette nouvelle religion enseignant la tolérance et l'empathie.
Faut-il voir dans la crucifixion du Christ un bouc émissaire servant à faire oublier les crimes de Rome ?
Et qu'a fait ensuite la mentalité impériale romaine du christianisme ? – une vérité unique à imposer par la force et des sacrifices humains (croisades, inquisition, colonisations génocidaires au nom de la christianisation).
On peut seulement espérer que le message de tolérance et de respect des différences ait été conservé dans les églises orthodoxes orientales. Mais elles sont actuellement victimes des agressions occidentales au nom des "vérités" d'évangélistes néoconservateurs américains, en même temps que les musulmans …
A propos de la révolution des Lumières vous dites:
En effet, la Renaissance puis la Révolution française ont repris le message de tolérance, mais en réaction au dogmatisme, aux excès et aux conflits entre religions catholique et protestantes. Il en est résulté le socialisme et le communisme, idée généreuse mais qui a aussi mal tourné, toujours sur la base d'une même revendication hégémonique de "vérité unique". C'est le sujet du chapitre suivant.Enfin, Il ne s'agit pas d'affirmer péremptoirement que le christianisme était destiné à faire évoluer les sociétés européennes dans le sens de leur sécularisation. Il s'agit néanmoins de constater que les Évangiles contiennent suffisamment d’éléments d'invitation à l'ouverture et à se garder de juger son prochain, pour rendre possible la sécularisation, soit une certaine tolérance vis à vis des opinions divergentes.
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Bonjour Résurgence,
J'ai une compréhension perosonnelle de la chose, qui revêt un aspect exotérique et ésotérique. Cette idée, je l'ai retrouvée chez certains exégètes, comme par exemple Stephan Hoebeeck qui réalise un bon travail d'historien sur les débuts du christianisme, sans être forcément d'accord avec toutes ses conclusions
Sur un plan ésotérique donc, Jésus crucifié correspondrait à la nécessaire dissolution de l'égo pour parvenir à un état de conscience qui nous rapproche de la divinité et de la Sagesse, au sens de sa connaissance et de son vécu.
Jésus sur la croix nous invite donc à renaitre dans ce que nous sommes de plus essentiel, et à abandonner cet ego qui nous rattache aux tentations du monde par cette volonté d'autosuffisance, cette volonté d'être le centre à la place du Centre. Ce renoncement doit être libre et consenti, comme Jésus est entré librement dans la Passion.
Par ailleurs, Jésus étant qui il est, son rapport au monde qui l'entoure ne pouvait que le conduire à une telle fin, renvoyant aux autres hommes, et notamment les puissants de ce monde (les pharisiens), une image insupportable d'eux-mêmes. En faisant crucifier Jésus, ils cassent le miroir dans lequel ils se trouvaient si peu estimables, en somme. Mais en le faisant, ils perpétuent un crime inexpiable que Jésus a pourtant immédiatement pardonné, un scandale qui changera à jamais, du point de vue chrétien, la face du monde. Ce crime inexpiable, c'est un peu celui que nous serions prêts à commettre à nouveau si nous nous laissions emporter par nos passions. Au nom du scandale de la crucifixion, nous sommes invités à ne plus le commettre, ou du moins à essayer.
A côté de cet ésotérisme, il y a la rencontre avec l'histoire et la forme exotérique que va prendre le mythe, attachant des aspects à la fois charnels et sanguinolants à l'image. Par ailleurs, le contexte culturel de l'époque a développé, selon une compréhension exotérique, une association entre le pêché et la chair à laquelle je ne souscris pas. La femme et la sexualité, par exemple, ont été placées sous un regard un peu pervers qui a prospéré. Le dolorisme est une autre dérive perverse de la compréhension exotérique du message. Mais derrière cette image, il y a bien un message spirituel ésotérique.
Bien sûr, il y a eu aussi la dérive due à la reprise du mythe par Rome, poussant l'anthropologisation plus loin en associant le Christ au Roi : le Christ-Roi. Cela nous éloigne beaucoup de cet appel à la conversion, de cette invitation du Christ à faire mourir l'homme ancien lesté de son ego pour renaitre transfiguré, de ce combat qui se joue dans l'âme et le coeur de l'homme, selon l'exemple de Jésus-Christ.
Enfin, il faut noter que le christianisme fur le réceptacle d'anciens mythes, tels que celui du Dieu souffrant bien exposé par Freya ici : https://sciencetradition.forumactif.com/t141-le-mythe-du-dieu-souffrant
D'autres aspects des cultes à mystère égyptiens ont certainement été repris : la mort et la résurrection sur trois jours qui correpondrait au voyage astral sur trois jours auquel devaient procéder les aspirants à l'initiation aux Mystères mineurs (thèse de Annie Besant), ou encore le mythe solaire, les solstices etc.
Pour le reste, j'ai une affection particulière pour l'église orthodoxe. La dérive de l'église catholique, universelle à tout prix, et de l'église protestante qui est un peu dans le "croitre et multiplier" à tout prix, me saute plus aux yeux. La théologie orthodoxe me semble à l'heure actuelle plus subtile, à l'instar d'auteurs remarquables comme Bertrand Vergely ou Jean-Claude Larchet.
Comme Freya, je ne comprends pas la légende de rédemption par la crucifixion, par un sacrifice humain. La croix est certes un symbole archétypique et universel. Mais à mon avis son sens est dans l'intersection et union de deux lignes de direction orthogonale, tout le contraire d'une destruction sacrificielle. C'est aussi dans ce sens de l'union que réside le message de l'évangile.
J'ai une compréhension perosonnelle de la chose, qui revêt un aspect exotérique et ésotérique. Cette idée, je l'ai retrouvée chez certains exégètes, comme par exemple Stephan Hoebeeck qui réalise un bon travail d'historien sur les débuts du christianisme, sans être forcément d'accord avec toutes ses conclusions
Sur un plan ésotérique donc, Jésus crucifié correspondrait à la nécessaire dissolution de l'égo pour parvenir à un état de conscience qui nous rapproche de la divinité et de la Sagesse, au sens de sa connaissance et de son vécu.
Jésus sur la croix nous invite donc à renaitre dans ce que nous sommes de plus essentiel, et à abandonner cet ego qui nous rattache aux tentations du monde par cette volonté d'autosuffisance, cette volonté d'être le centre à la place du Centre. Ce renoncement doit être libre et consenti, comme Jésus est entré librement dans la Passion.
Par ailleurs, Jésus étant qui il est, son rapport au monde qui l'entoure ne pouvait que le conduire à une telle fin, renvoyant aux autres hommes, et notamment les puissants de ce monde (les pharisiens), une image insupportable d'eux-mêmes. En faisant crucifier Jésus, ils cassent le miroir dans lequel ils se trouvaient si peu estimables, en somme. Mais en le faisant, ils perpétuent un crime inexpiable que Jésus a pourtant immédiatement pardonné, un scandale qui changera à jamais, du point de vue chrétien, la face du monde. Ce crime inexpiable, c'est un peu celui que nous serions prêts à commettre à nouveau si nous nous laissions emporter par nos passions. Au nom du scandale de la crucifixion, nous sommes invités à ne plus le commettre, ou du moins à essayer.
A côté de cet ésotérisme, il y a la rencontre avec l'histoire et la forme exotérique que va prendre le mythe, attachant des aspects à la fois charnels et sanguinolants à l'image. Par ailleurs, le contexte culturel de l'époque a développé, selon une compréhension exotérique, une association entre le pêché et la chair à laquelle je ne souscris pas. La femme et la sexualité, par exemple, ont été placées sous un regard un peu pervers qui a prospéré. Le dolorisme est une autre dérive perverse de la compréhension exotérique du message. Mais derrière cette image, il y a bien un message spirituel ésotérique.
Bien sûr, il y a eu aussi la dérive due à la reprise du mythe par Rome, poussant l'anthropologisation plus loin en associant le Christ au Roi : le Christ-Roi. Cela nous éloigne beaucoup de cet appel à la conversion, de cette invitation du Christ à faire mourir l'homme ancien lesté de son ego pour renaitre transfiguré, de ce combat qui se joue dans l'âme et le coeur de l'homme, selon l'exemple de Jésus-Christ.
Enfin, il faut noter que le christianisme fur le réceptacle d'anciens mythes, tels que celui du Dieu souffrant bien exposé par Freya ici : https://sciencetradition.forumactif.com/t141-le-mythe-du-dieu-souffrant
D'autres aspects des cultes à mystère égyptiens ont certainement été repris : la mort et la résurrection sur trois jours qui correpondrait au voyage astral sur trois jours auquel devaient procéder les aspirants à l'initiation aux Mystères mineurs (thèse de Annie Besant), ou encore le mythe solaire, les solstices etc.
Pour le reste, j'ai une affection particulière pour l'église orthodoxe. La dérive de l'église catholique, universelle à tout prix, et de l'église protestante qui est un peu dans le "croitre et multiplier" à tout prix, me saute plus aux yeux. La théologie orthodoxe me semble à l'heure actuelle plus subtile, à l'instar d'auteurs remarquables comme Bertrand Vergely ou Jean-Claude Larchet.
SFuchs- Messages : 135
Date d'inscription : 29/05/2015
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Bonjour tout le monde,
@SFuchs,
Je vous remercie de vos explications. Nous sommes sur ce forum pour tenter d’avancer dans la même direction.
Resurgence a écrit :
Périgord / Seine et Marne
Quand nos lointains ancêtres, dessinaient ou gravaient une ligne horizontale, ils indiquaient par-là la division de l’espace dans le but de fournir la réalité dans le Temps – donc dans l’Ici et Maintenant.
Vallée de l'Essonne
Mais, cette ligne horizontale symbolisait aussi le pouvoir de la Force Formatrice/Réceptrice, principe féminin sans largeur ni profondeur. Et quand ils complétaient ce dessin ou cette gravure par une barre verticale, ils voulaient symboliser par-là, le pouvoir de la Force Active/Conceptuelle, Principe masculin qui donne des dimensions et donc une place dans l’espace.
L’addition de ces deux symboles fournit un troisième, la croix cerclée, que nous appelons « croix grecque » (aux quatre bras égaux) qui était pour nos ancêtres un symbole de manifestation dans le temps et l’espace. Quand cette croix aux quatre bras égaux était contenue dans un cercle, elle devenait un symbole de la réalité limitée et changeante des choses physiques étreintes dans l’infinité et l’éternité de l’esprit. La croix dans le cercle pouvait également représenter quatre expressions du pouvoir cosmique s’écoulant de leur source et à leur source, ou quatre qualités de substance élémentale informe, ou encore quatre divisions du mental, etc.
On peut aussi représenter ce concept sous la forme suivante. Dans le silence du Vide il y a un mouvement, l’Origine qui paradoxalement est aussi la fin. Ce dont tout s’écoule et à quoi tout doit finalement retourner. L’Unité Suprême.
@SFuchs,
Je vous remercie de vos explications. Nous sommes sur ce forum pour tenter d’avancer dans la même direction.
Resurgence a écrit :
La croix est un symbole aussi vieux que le monde. On trouve des croix rupestres un peu partout :La croix est certes un symbole archétypique et universel. Mais à mon avis son sens est dans l'intersection et union de deux lignes de direction orthogonale, tout le contraire d'une destruction sacrificielle. C'est aussi dans ce sens de l'union que réside le message de l'évangile.
Périgord / Seine et Marne
Quand nos lointains ancêtres, dessinaient ou gravaient une ligne horizontale, ils indiquaient par-là la division de l’espace dans le but de fournir la réalité dans le Temps – donc dans l’Ici et Maintenant.
Vallée de l'Essonne
Mais, cette ligne horizontale symbolisait aussi le pouvoir de la Force Formatrice/Réceptrice, principe féminin sans largeur ni profondeur. Et quand ils complétaient ce dessin ou cette gravure par une barre verticale, ils voulaient symboliser par-là, le pouvoir de la Force Active/Conceptuelle, Principe masculin qui donne des dimensions et donc une place dans l’espace.
L’addition de ces deux symboles fournit un troisième, la croix cerclée, que nous appelons « croix grecque » (aux quatre bras égaux) qui était pour nos ancêtres un symbole de manifestation dans le temps et l’espace. Quand cette croix aux quatre bras égaux était contenue dans un cercle, elle devenait un symbole de la réalité limitée et changeante des choses physiques étreintes dans l’infinité et l’éternité de l’esprit. La croix dans le cercle pouvait également représenter quatre expressions du pouvoir cosmique s’écoulant de leur source et à leur source, ou quatre qualités de substance élémentale informe, ou encore quatre divisions du mental, etc.
On peut aussi représenter ce concept sous la forme suivante. Dans le silence du Vide il y a un mouvement, l’Origine qui paradoxalement est aussi la fin. Ce dont tout s’écoule et à quoi tout doit finalement retourner. L’Unité Suprême.
Freya- Messages : 1338
Date d'inscription : 24/08/2012
Localisation : Vosges
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
SFuchs a écrit :
D’abord, il faudrait que l’homo sapiens ait conscience de son ego. Et quand tel est ou sera le cas, il arrivera à le maîtriser mais cela est une question de développement personnel. Ensuite, au moment de la mort, notre ego (celui qui fête les anniversaires, etc.) sera de toute façon automatiquement dissout, il ne survivra en aucun cas à notre trépas.
SFuchs a écrit :
SFuchs a écrit :
Pour terminer, j’aime bien ce passage du Pape Paul III (Alessandro Farnese 1534-1549) :
« …Les fils de l'esprit ne se clouent pas sur des potences retentissantes, les fils de l'esprit n'applaudissent pas leurs propres prières, les fils de l'esprit ne rôdent pas autour de leur Dieu, les fils de l'esprit ne disent pas dans leurs cœurs : " Nous sommes les crucifiés de la justice et de la vérité , nous sommes les martyrs de la conscience du monde ". Chrétiens, déclouez le Christ du gibet sur lequel une idole l'avait cloué. Votre foi n'est pas la victime d'une potence, votre foi est l'otage de votre silence. "
En fait en ce qui concerne la crucifixion, il s'agissait d'une rançon réclamée par une divinité héritée de Baal. La croix ressuscitait le péage qu'une vieille idole demandait à ses adorateurs d'acquitter afin de calmer sa fureur.Sur un plan ésotérique donc, Jésus crucifié correspondrait à la nécessaire dissolution de l'égo pour parvenir à un état de conscience qui nous rapproche de la divinité et de la Sagesse, au sens de sa connaissance et de son vécu.
D’abord, il faudrait que l’homo sapiens ait conscience de son ego. Et quand tel est ou sera le cas, il arrivera à le maîtriser mais cela est une question de développement personnel. Ensuite, au moment de la mort, notre ego (celui qui fête les anniversaires, etc.) sera de toute façon automatiquement dissout, il ne survivra en aucun cas à notre trépas.
SFuchs a écrit :
Selon ses biographes il suffoquait de dégoût et tremblait de peur à l’idée de devoir monter sur l'étal dont les dévots bouchers du christianisme allaient tirer les fruits les plus et il demanda pathétiquement à son " père " de retirer cette coupe de ses lèvres.Jésus sur la croix nous invite donc à renaitre dans ce que nous sommes de plus essentiel, et à abandonner cet ego qui nous rattache aux tentations du monde par cette volonté d'autosuffisance, cette volonté d'être le centre à la place du Centre. Ce renoncement doit être libre et consenti, comme Jésus est entré librement dans la Passion.
SFuchs a écrit :
Merci, moi non plus. Le christianisme s’est toujours efforcé de paraître se fonder sur l'effacement d'une pseudo-tache native et indélébile, mais précieuse puisqu'elle sert de prétexte à un assassinat prétendument "sauveur". C'est d'une dette colossale qu'il s'agit, et tellement titanesque que le malheureux Jésus ne saurait rembourser seul sur son propre fonds. Aussi, d’apparence généreuse mais rusé, Dieu avancera spontanément et in extremis, la somme nécessaire au sauvetage de sa malheureuse créature. Mais au final, ce sera le pauvre Adam qui sera fera abuser par un prêt à intérêts non seulement abusif, mais en sus falsifié d'avance et à plaisir.A côté de cet ésotérisme, il y a la rencontre avec l'histoire et la forme exotérique que va prendre le mythe, attachant des aspects à la fois charnels et sanguinolants à l'image. Par ailleurs, le contexte culturel de l'époque a développé, selon une compréhension exotérique, une association entre le pêché et la chair à laquelle je ne souscris pas.
Pour terminer, j’aime bien ce passage du Pape Paul III (Alessandro Farnese 1534-1549) :
« …Les fils de l'esprit ne se clouent pas sur des potences retentissantes, les fils de l'esprit n'applaudissent pas leurs propres prières, les fils de l'esprit ne rôdent pas autour de leur Dieu, les fils de l'esprit ne disent pas dans leurs cœurs : " Nous sommes les crucifiés de la justice et de la vérité , nous sommes les martyrs de la conscience du monde ". Chrétiens, déclouez le Christ du gibet sur lequel une idole l'avait cloué. Votre foi n'est pas la victime d'une potence, votre foi est l'otage de votre silence. "
Freya- Messages : 1338
Date d'inscription : 24/08/2012
Localisation : Vosges
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Bonjour Freya, merci pour vos réponses,
Je réagis à quelques éléments :
Le symbolisme de la Croix, mais aussi celui de l'Arbre de Vie, m'intéressent particulièrement. Si je parviens à clarifier mes idées, je souhaiterais - peut-être que cela sera ma prochaine contribution au forum - construire une sorte de nouvelle kabbale mettant en avant le ternaire et les formes simples telles que le cercle, la sphère, la croix et la croix tridimensionnelle.
Je pense que la dissolution de l'ego est possible bien avant la mort, et que d'une certaine façon, plus il se dissout, plus nous devenons sages, stoïques. Le discernement aussi est important, nous permettant de concentrer nos forces sur ce qui dépend de nous, et d'accepter ce qui ne dépend pas de nous, même lorsque c'est difficile et cruel.
C'est d'une certaine façon l'orgueil qui s'efface pour laisser la place à la pensée et à l'action vertueuse parce qu'une fois les questions d'orgueil dépassées, l'action sans la vertu apparait pour ce qu'elle est : absurde, on s'en détourne donc naturellement et avec peu d'efforts quand on s'est un peu affranchi des impératifs de notre ego.
C'est tout à fait possible. Il n'est pas exclu de toute façon qu'il y ait un hiatus entre le personnage central Jésus, suffisamment remarquable pour qu'il fut retenu comme figure fondatrice d'un nouveau mythe, et à qui on a ensuite attribué par surcharge les valeurs du Christ. Ce faisant, c'est une notion mystique - le Christ - que l'on a anthropologisé en parlant de façon confuse de : Jésus-Christ Seigneur et Roi.
J'aurais tendance à contester l'identification Jésus-Christ <=> Fils d'un point de vue ésotérique. Je pense que le Fils est l'ensemble de la création, ou encore qu'il est le cosmos animé du l'Esprit-Logos. Sur le plan symbolique, Jésus Christ serait la personne à la fois fils de l'Homme (en tant qu'homme il appartient à la création), et fils de Dieu dans le sens où il est la personne mythique animée de la façon la plus parfaite par l'Esprit. En cela, nous sommes invités à l'écouter et suivre ses enseignements, qui sont autant le fruit d'une connaissance ésotérique que l'enseignement des rédacteurs des textes composites des Pères fondateurs de l'église.
Vous pointez du doigt une dimension potentiellement perverse, et relevant de la supercherie potentielle, implantée au coeur du dogme. Il y a une forme de culpabilisation à priori, et donc injuste, des fils d'Adam que nous sommes. Je pense que cette dérive vient de la notion de pêché originel, qui est compris dans le sens d'une faute originelle imputable au choix des hommes. On pourrait tout autant interpréter la notion de pêché originel selon une compréhension un peu plus neutre, en disant que c'est la nature de l'homme, et de la création toute entière, d'être appelés à s'élever de leur état d'incomplétude pour retrouver le chemin de l'Esprit. Le pêché est donc plus un état factuel de la création qu'une faute commise par les créatures.
La faute de l'homme et de l'humanité n'est donc pas à placer dans ses choix passés, en revanche elle peut se concrétiser dans ses choix présents et futurs, si l'on songe par exemple à la tournure actuelle du monde. L'homme n'est pas coupable d'être ce qu'il est, mais il est responsable de ce qu'il choisit de devenir.
Votre perception est partagée de plusieurs personnes, et je dois bien avouer que cette perception du "deal" astucieux et un peu malsain, contenu dans le dogme, entre Dieu et les hommes est tout à fait plausible. Oui, il y a des risques de dérives perverses nichées au sein du dogme chrétien et cela peut se ressentir selon certaines dérives de l'église, je suis d'accord avec cela.
Je réagis à quelques éléments :
L’addition de ces deux symboles fournit un troisième, la croix cerclée, que nous appelons « croix grecque » (aux quatre bras égaux) qui était pour nos ancêtres un symbole de manifestation dans le temps et l’espace. Quand cette croix aux quatre bras égaux était contenue dans un cercle, elle devenait un symbole de la réalité limitée et changeante des choses physiques étreintes dans l’infinité et l’éternité de l’esprit.
Le symbolisme de la Croix, mais aussi celui de l'Arbre de Vie, m'intéressent particulièrement. Si je parviens à clarifier mes idées, je souhaiterais - peut-être que cela sera ma prochaine contribution au forum - construire une sorte de nouvelle kabbale mettant en avant le ternaire et les formes simples telles que le cercle, la sphère, la croix et la croix tridimensionnelle.
D’abord, il faudrait que l’homo sapiens ait conscience de son ego. Et quand tel est ou sera le cas, il arrivera à le maîtriser mais cela est une question de développement personnel. Ensuite, au moment de la mort, notre ego (celui qui fête les anniversaires, etc.) sera de toute façon automatiquement dissout, il ne survivra en aucun cas à notre trépas.
Je pense que la dissolution de l'ego est possible bien avant la mort, et que d'une certaine façon, plus il se dissout, plus nous devenons sages, stoïques. Le discernement aussi est important, nous permettant de concentrer nos forces sur ce qui dépend de nous, et d'accepter ce qui ne dépend pas de nous, même lorsque c'est difficile et cruel.
C'est d'une certaine façon l'orgueil qui s'efface pour laisser la place à la pensée et à l'action vertueuse parce qu'une fois les questions d'orgueil dépassées, l'action sans la vertu apparait pour ce qu'elle est : absurde, on s'en détourne donc naturellement et avec peu d'efforts quand on s'est un peu affranchi des impératifs de notre ego.
Selon ses biographes il suffoquait de dégoût et tremblait de peur à l’idée de devoir monter sur l'étal dont les dévots bouchers du christianisme allaient tirer les fruits les plus et il demanda pathétiquement à son " père " de retirer cette coupe de ses lèvres.
C'est tout à fait possible. Il n'est pas exclu de toute façon qu'il y ait un hiatus entre le personnage central Jésus, suffisamment remarquable pour qu'il fut retenu comme figure fondatrice d'un nouveau mythe, et à qui on a ensuite attribué par surcharge les valeurs du Christ. Ce faisant, c'est une notion mystique - le Christ - que l'on a anthropologisé en parlant de façon confuse de : Jésus-Christ Seigneur et Roi.
J'aurais tendance à contester l'identification Jésus-Christ <=> Fils d'un point de vue ésotérique. Je pense que le Fils est l'ensemble de la création, ou encore qu'il est le cosmos animé du l'Esprit-Logos. Sur le plan symbolique, Jésus Christ serait la personne à la fois fils de l'Homme (en tant qu'homme il appartient à la création), et fils de Dieu dans le sens où il est la personne mythique animée de la façon la plus parfaite par l'Esprit. En cela, nous sommes invités à l'écouter et suivre ses enseignements, qui sont autant le fruit d'une connaissance ésotérique que l'enseignement des rédacteurs des textes composites des Pères fondateurs de l'église.
Merci, moi non plus. Le christianisme s’est toujours efforcé de paraître se fonder sur l'effacement d'une pseudo-tache native et indélébile, mais précieuse puisqu'elle sert de prétexte à un assassinat prétendument "sauveur". C'est d'une dette colossale qu'il s'agit, et tellement titanesque que le malheureux Jésus ne saurait rembourser seul sur son propre fonds. Aussi, d’apparence généreuse mais rusé, Dieu avancera spontanément et in extremis, la somme nécessaire au sauvetage de sa malheureuse créature. Mais au final, ce sera le pauvre Adam qui sera fera abuser par un prêt à intérêts non seulement abusif, mais en sus falsifié d'avance et à plaisir.
Vous pointez du doigt une dimension potentiellement perverse, et relevant de la supercherie potentielle, implantée au coeur du dogme. Il y a une forme de culpabilisation à priori, et donc injuste, des fils d'Adam que nous sommes. Je pense que cette dérive vient de la notion de pêché originel, qui est compris dans le sens d'une faute originelle imputable au choix des hommes. On pourrait tout autant interpréter la notion de pêché originel selon une compréhension un peu plus neutre, en disant que c'est la nature de l'homme, et de la création toute entière, d'être appelés à s'élever de leur état d'incomplétude pour retrouver le chemin de l'Esprit. Le pêché est donc plus un état factuel de la création qu'une faute commise par les créatures.
La faute de l'homme et de l'humanité n'est donc pas à placer dans ses choix passés, en revanche elle peut se concrétiser dans ses choix présents et futurs, si l'on songe par exemple à la tournure actuelle du monde. L'homme n'est pas coupable d'être ce qu'il est, mais il est responsable de ce qu'il choisit de devenir.
Votre perception est partagée de plusieurs personnes, et je dois bien avouer que cette perception du "deal" astucieux et un peu malsain, contenu dans le dogme, entre Dieu et les hommes est tout à fait plausible. Oui, il y a des risques de dérives perverses nichées au sein du dogme chrétien et cela peut se ressentir selon certaines dérives de l'église, je suis d'accord avec cela.
SFuchs- Messages : 135
Date d'inscription : 29/05/2015
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Merci SFuchs, pour les explications de vos convictions religieuses que je ne cherche pas à contester.
J’ai seulement dit que personnellement je ne comprends pas la légende exotérique de la crucifixion. Quant à l’ésotérisme, mon opinion suit l’avis autorisé du cardinal Nicolas de Cues, celui de la docte ignorance :
Je ferme donc cette parenthèse et je reviens demain dans le sujet à propos du communisme et du nationalisme.
PS : - Réflexions à la suite du post de Freya
L’attitude devant la mort du philosophe Socrate est plus exemplaire de sagesse que celle de Jésus
La citation de Paul III se situe dans ce qu’on appelle néoplatonisme médicéen, influencé par Nicolas de Cues. Mais l’Eglise a préféré le pouvoir à la sagesse.
J’ai seulement dit que personnellement je ne comprends pas la légende exotérique de la crucifixion. Quant à l’ésotérisme, mon opinion suit l’avis autorisé du cardinal Nicolas de Cues, celui de la docte ignorance :
Par conséquent je considère toutes les croyances ésotériques ou religieuses, même contradictoires, comme à la fois valables et non valables, selon des points de vue opposés, et je n’entre pas en discussion sur le mystère inatteignable par notre raison qu’il appelait coïncidence des opposés.A la question 'si dieu existe', on ne pourra donc pas répondre autrement qu'en répétant à l'infini qu'il est ni existant ni non existant et aussi qu'il est à la fois existant et non-existant.
Je ferme donc cette parenthèse et je reviens demain dans le sujet à propos du communisme et du nationalisme.
PS : - Réflexions à la suite du post de Freya
L’attitude devant la mort du philosophe Socrate est plus exemplaire de sagesse que celle de Jésus
La citation de Paul III se situe dans ce qu’on appelle néoplatonisme médicéen, influencé par Nicolas de Cues. Mais l’Eglise a préféré le pouvoir à la sagesse.
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Bonjour SFuchs,
Je vais d'abord préciser les concepts d'Atlan avant de commenter les théories sociologiques. Vous écrivez:
Une simple abondance d’éléments ou individus égaux sans liens comme la fumée est un chaos ou une anarchie équivalant à une entropie maximale
Un système complètement verrouillé par des liens et homogène comme le cristal ou un régime totalitaire n’a plus de possibilité d’évolution. C’est une autre forme opposée d’entropie maximale.
Atlan ajoute en plus qu’un système complexe, qui représente une entropie négative, est capable d’évolution, à la condition d’une 'variété indispensable' (Ashby) des éléments constitutifs ce qui constitue un équilibre de libertés et de contrainte.
Pour qu’il y ait auto-organisation, il faut encore des influences aléatoires extérieures qu’Atlan appelle bruits. Je souligne que le bruit ou hasard est un ensemble d’informations de l’environnement. Je pense donc qu’on ne peut pas expliquer l’évolution de la vie ou de la société en réduisant le problème aux seules interactions intersubjectives sans tenir compte de l’influence objective et organisatrice de l’environnement, de la nature que je considère comme le système d’ordre supérieur dans lequel les individus sont intégrés.
Vous comparez donc les régimes conservateurs et totalitaires tels que le communisme et le nationalisme à des entropies maximales et les révolutions contre ces régimes à des "rebonds de redondance.
Un article que j'ai lu juste avant ce sujet sur la mimesis m'a fait réfléchir et comprendre pourquoi la réalité historique ne peut pas être réduite à deux tendances psychologiques ou idéologiques contraires telles que le conservatisme de droite et le progressisme de gauche. Il y a de puissantes ingérences extérieures qui s'ingèrent dans les affaires intérieures des états.
L'auteur en question rappelle que la guerre froide entre l'Occident et la Russie n'est pas nouvelle et a commencé en 1917. Les puissances de la soit-disante Entente (France Grande-Bretagne, Etats-Unis) étaient paniquées alors par la montée du socialisme, faisant suite aux horreurs de la première guerre mondiale, et par la révolution soviétique de février 1917, "Ils balançaient de gros rouleaux de billets de banque à quiconque disait vouloir combattre les Soviétiques et envoyaient leurs propres forces au quatre coins de la Russie pour diriger eux-mêmes le boulot". Ils ont financé et mobilisé la fraction dissidente, les bolchéviks, pour diviser et pour abattre le gouvernement par le coup d'état d'octobre 1917.
La junte dictatoriale était dirigée d'abord par une petite communauté de tendance internationaliste. Plus tard, sous Staline, et surtout par réaction à l'agression de l'Allemagne, l'URSS est devenue nationaliste.
Il y a donc loin entre les théories sociologiques et politiques en système fermé d'intellectuels parisiens renardés et la réalité historique et sociale. Les conflits actuels ne sont plus ceux d'il y a un siècle entre progressistes et conservateurs. C'est un conflit entre une hégémonie financière mondiale et des états restés souverains et qui défendent de nouvelles relations multilatérales négociables.
Les aspirations naturelles et intersubjectives de la population ont toujours été utilisées et détournées de leur but par les pouvoirs de l'argent, mais c'est devenu systématique depuis quelques décennies, depuis qu'une petite communauté contrôle les banques centrales, dont huit familles dirigent la FED.
Dans ce contexte, votre analyse de l'Union européenne comme nouvelle forme de totalitarisme soft est pertinente. Les citoyens et consommateurs sont manipulés par les médias et la publicité qui utilisent la tendance grégaire que vous appelez mimesis.
Je ne veux pas m'étendre davantage sur ces sujets politiques, pas plus que sur les sujets religieux, tous deux aussi conflictuels. Il existe assez d'autres forums ou blogs pour s'informer. Le but de ce forum est de revenir au bon sens d'une certaine logique traditionnelle et universelle. C'est aussi le but et la conclusion de votre essai que je commenterai demain.
Je vais d'abord préciser les concepts d'Atlan avant de commenter les théories sociologiques. Vous écrivez:
Atlan entend sous redondance, terme de la théorie de l’information, ce qu’en théorie des chaos on appelle une abondance de degrés de liberté. Elle est une condition de l’auto-organisation .Henri Atlan a remarquablement souligné la dichotomie nécessaire entre variété et redondance
Une simple abondance d’éléments ou individus égaux sans liens comme la fumée est un chaos ou une anarchie équivalant à une entropie maximale
Un système complètement verrouillé par des liens et homogène comme le cristal ou un régime totalitaire n’a plus de possibilité d’évolution. C’est une autre forme opposée d’entropie maximale.
Atlan ajoute en plus qu’un système complexe, qui représente une entropie négative, est capable d’évolution, à la condition d’une 'variété indispensable' (Ashby) des éléments constitutifs ce qui constitue un équilibre de libertés et de contrainte.
Pour qu’il y ait auto-organisation, il faut encore des influences aléatoires extérieures qu’Atlan appelle bruits. Je souligne que le bruit ou hasard est un ensemble d’informations de l’environnement. Je pense donc qu’on ne peut pas expliquer l’évolution de la vie ou de la société en réduisant le problème aux seules interactions intersubjectives sans tenir compte de l’influence objective et organisatrice de l’environnement, de la nature que je considère comme le système d’ordre supérieur dans lequel les individus sont intégrés.
Vous comparez donc les régimes conservateurs et totalitaires tels que le communisme et le nationalisme à des entropies maximales et les révolutions contre ces régimes à des "rebonds de redondance.
Ce que vous appelez crispation et repli est donc bien déclenché par une menace étrangère objective qui menace l’ordre établi.Dans le cadre des dérives nationalistes, on parle souvent de crispation, de repli sur soi. C'est que, pour des raisons qui sont subjectives à la personne - la dimension objective des phénomènes étant de ce point de vue secondaire - la société apparait agitée par un désordre grandissant et jugé menaçant.
Un article que j'ai lu juste avant ce sujet sur la mimesis m'a fait réfléchir et comprendre pourquoi la réalité historique ne peut pas être réduite à deux tendances psychologiques ou idéologiques contraires telles que le conservatisme de droite et le progressisme de gauche. Il y a de puissantes ingérences extérieures qui s'ingèrent dans les affaires intérieures des états.
L'auteur en question rappelle que la guerre froide entre l'Occident et la Russie n'est pas nouvelle et a commencé en 1917. Les puissances de la soit-disante Entente (France Grande-Bretagne, Etats-Unis) étaient paniquées alors par la montée du socialisme, faisant suite aux horreurs de la première guerre mondiale, et par la révolution soviétique de février 1917, "Ils balançaient de gros rouleaux de billets de banque à quiconque disait vouloir combattre les Soviétiques et envoyaient leurs propres forces au quatre coins de la Russie pour diriger eux-mêmes le boulot". Ils ont financé et mobilisé la fraction dissidente, les bolchéviks, pour diviser et pour abattre le gouvernement par le coup d'état d'octobre 1917.
- définition de soviet:
- Le terme soviet (du russe : cове́т, conseil) désigna tout d'abord un conseil d'ouvriers, de paysans et de soldats acquis aux idées progressistes dans l'Empire russe, prenant le pouvoir dans une organisation locale (une usine, une ville, une province…) à partir de 1905.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Soviet
La junte dictatoriale était dirigée d'abord par une petite communauté de tendance internationaliste. Plus tard, sous Staline, et surtout par réaction à l'agression de l'Allemagne, l'URSS est devenue nationaliste.
Il y a donc loin entre les théories sociologiques et politiques en système fermé d'intellectuels parisiens renardés et la réalité historique et sociale. Les conflits actuels ne sont plus ceux d'il y a un siècle entre progressistes et conservateurs. C'est un conflit entre une hégémonie financière mondiale et des états restés souverains et qui défendent de nouvelles relations multilatérales négociables.
Les aspirations naturelles et intersubjectives de la population ont toujours été utilisées et détournées de leur but par les pouvoirs de l'argent, mais c'est devenu systématique depuis quelques décennies, depuis qu'une petite communauté contrôle les banques centrales, dont huit familles dirigent la FED.
Dans ce contexte, votre analyse de l'Union européenne comme nouvelle forme de totalitarisme soft est pertinente. Les citoyens et consommateurs sont manipulés par les médias et la publicité qui utilisent la tendance grégaire que vous appelez mimesis.
Je ne veux pas m'étendre davantage sur ces sujets politiques, pas plus que sur les sujets religieux, tous deux aussi conflictuels. Il existe assez d'autres forums ou blogs pour s'informer. Le but de ce forum est de revenir au bon sens d'une certaine logique traditionnelle et universelle. C'est aussi le but et la conclusion de votre essai que je commenterai demain.
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Effectivement, l'idée socialiste est née de tous les abus de la classe dominante du 19ème siècle, ayant utilisé le peuple comme chair à canon dans les guerres et les tranchées, et exploité la classe ouvrière jusqu'à un point insupportable. L'idée socialiste fut sous-tendue par un espoir et un certain humanisme, à mes yeux discutable autant que peut l'être cette fascination pour l'accumulation de richesses ; mais la logique est imparable.
L'exploitation débridée a enfanté le socialisme, si bien que capitalisme et socialisme sont finalement les deux faces d'une même pièce. Rien de ce qui s'oppose n'est totalement étranger à ce à quoi il s'oppose, les capitalistes ont eu le retour qu'ils méritaient. En revanche, la variable d'ajustement de cette guéguerre est clairement l'environnement dont on extrait une part dangereusement croissante de ressources pour calmer les envies et besoins des deux camps, soit en démesure pour les capitalistes, soit en acquis sociaux côté social. L'environnement, comme vous le disiez, devient origine et fin du conflit.
L'exploitation débridée a enfanté le socialisme, si bien que capitalisme et socialisme sont finalement les deux faces d'une même pièce. Rien de ce qui s'oppose n'est totalement étranger à ce à quoi il s'oppose, les capitalistes ont eu le retour qu'ils méritaient. En revanche, la variable d'ajustement de cette guéguerre est clairement l'environnement dont on extrait une part dangereusement croissante de ressources pour calmer les envies et besoins des deux camps, soit en démesure pour les capitalistes, soit en acquis sociaux côté social. L'environnement, comme vous le disiez, devient origine et fin du conflit.
SFuchs- Messages : 135
Date d'inscription : 29/05/2015
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Bonjour SFuchs,
Vous commencez avec raison votre chapitre V par l'analogie et la trilogie des causes qui est la base de comparaison. Je comprends l'analogie dans le sens strict de l'analogie dite de proportionnalité qui est revenue en force en science, non seulement sous la conception systémique de L. von Bertalanffy qui parlait de similitude ou homologies structurelles mais aussi dans la théorie des fractales de Mandelbrodt où le terme est homothétie, ainsi que dans le phénomène holographique.
Je ne parviens pourtant pas à vous suivre dans votre compréhension de la mimesis quand vous l'assimilez à la cause formelle. J'ai compris l'intersubjectivité ou mimesis, telle que vous l'expliquez au début, comme interaction entre sujets ou systèmes de même ordre en compétition, par exemple comme concurrence entre individus ou entreprises. Je l'ai considérée ainsi par analogie à la cause efficiente.
Mais le concept de mimesis est ambigu. Vous l'avez expliquée à la fois comme empathie ou harmonie et comme rivalité ou antagonisme. Je comprends bien que dans le sens de l'empathie la mimesis a le rôle de formation de l'unité et harmonie interne d'une société. Dans le sens inverse, conflictuel et d'antipathie elle aurait celui de défense individuelle ou commune contre toute menace externe. Cet antagonisme constituerait une limite, comme la membrane pour la cellule de Varela que vous évoquez. Tout système implique en effet une limite, même les systèmes cosmiques, selon l'univers-plasma, auraient une limite sous forme de double couche de charges opposées: l'héliosphère pour le système solaire, la ionosphère ou bouclier magnétique pour la Terre.
Est-ce cela que vous appelez clôture?
Suivant l'ordre systémique, j'assimile l'interaction entre systèmes de même ordre à la cause efficiente, J'assimile la relation avec les systèmes d'ordre inférieur qui composent nécessairement le système à la cause matérielle (ce sont ces besoins matériels qui sont les objets des désirs à l'origine des conflits). Enfin j'assimile à la cause formelle l'intégration du système dans un ordre supérieur par lequel il est organisé; par exemple l'adaptation de l'entreprise aux besoins des consommateurs et de la société en général. On peut dans ce sens remonter l'ordre hiérarchique des systèmes d'étage en étage jusqu'à l'univers et assimiler la cause formelle avec la cause finale.
Mais celle-ci est au-delà des principes de la manifestation l'unité. L'unité première est inatteignable par la raison qui exige des distinctions. Je la l'imagine simplement comme pure potentialité, comme "toute possibilité" dans le sens étymologique de ce que les anciens entendaient par "toute-puissance"
Le concept de mimesis est apparemment appliqué à toute relation, sans distinction, quel que soit son rôle systémique. En effet, dans la pensée contemporaine, aussi sociologique, toute relation ou interaction est comprise selon la logique de contradiction exclue et du tiers exclu, comme un antagonisme.
Il me semble que cette compréhension de la psychologie et sociologie remonte au psychologue viennois Watzlawick et à l'école de Palo Alto. Celle-ci a déterminé la psychologie, la sociologie du vingtième siècle et créé la thérapie familiale. Elle est apparemment aussi à l'origine des théories économiques de l'école de Vienne dont vous avez parlé.
Le problème des théories de l'école de Palo Alto qui ont cours depuis les années 50, c'est que leur prétendue "approche systémique" est d'une part subjectiviste dans la tradition de l'idéalisme allemand, d'autre part elle est mécanique et déterministe, calquée sur la cybernétique ou robotique. La cybernétique ne reconnaît pas la hiérarchie systémique ni l'auto-organisation. Leurs conceptions de l'interaction sont fondées sur l'autorégulation déterministe. Leur théorie familiale est régulièrement "falsifiée" dans la pratique. J'en ai fait l'expérience de près comme pédiatre.
Dans votre chapitre VI je vous comprends si vous assimilez la mimesis indistinctement à ce que j'appelle auto-organisation et qui comprend l'ensemble des trois relations ou causes. Et je suis d'accord que la réduction des relations au dualisme a conduit à l'appauvrissement comme vous le dites:
Au fait, dans cet esprit, et comme par votre propre intelligence, vous arrivez aux mêmes conclusions que moi, je devrais aussi vous accuser de plagiat ...
L'absurde du plagiat atteint l'ironie dans la controverse à propos de l'auteur de la théorie de la relativité - Poincaré ou Einstein ? - alors même qu'il s'avère que les deux sont les auteurs d'une erreur magistrale et fondamentale de la physique du vingtième siècle qui finira dans le bêtisier de la science.
Trêve de plaisanteries ! - Je ne fais pas du savoir une propriété personnelle et un droit d'auteur. Les connaissances sont le patrimoine de l'humanité.
Aussi absurde et ridicule qu'elle soit, la question du droit d'auteurs devient horrifiante, sachant qu'elle est au cœur des traités trans-atlantiques et tran-pacifiques non pas négociés mais imposés par Washington, en vue de monopoliser le savoir sous forme de brevets dans les griffes des multinationales américaines.
Cette interprétation du droit d'auteur est une distorsion des droits de l'homme, dalleurs eux-mêmes conçus et appliqués de manière unilatérale.
De cette manière - et selon l'avis de nombreux analystes politique, économiques, financiers, écologiques, militaires, etc; - même s'ils ne représentent pas la majorité bien pensante, le célèbre "homo technologicus", qui a perdu le "sapiens", fonce droit dans le mur en accélérant.
Je pense que le point de non retour est dèjà dépassé et qu'aucune réforme n'est plus envisageable. La surpopulation et les limites des ressources d'une part, la complexité et la fragilité de l'organisation technologique ultra spécialisée d'autre part, promettent un gigantesque collapsus. Il reconduira les survivants au contact des rigueurs incontournables de la nature qui leur réapprendra sa logique universelle.
Si je n'abandonne pas et continue à œuvrer pour cette logique universelle, c'est parce que je crois que notre pensée s'inscrit dans une mémoire subconsciente ou inconsciente collective qui ne disparaît pas tant qu'il y aura des hommes ou autres êtres pensant; et parce que cette mémoire, à la manière du champ morphique de Sheldrake, faciliterait le réapprentissage.
Vous commencez avec raison votre chapitre V par l'analogie et la trilogie des causes qui est la base de comparaison. Je comprends l'analogie dans le sens strict de l'analogie dite de proportionnalité qui est revenue en force en science, non seulement sous la conception systémique de L. von Bertalanffy qui parlait de similitude ou homologies structurelles mais aussi dans la théorie des fractales de Mandelbrodt où le terme est homothétie, ainsi que dans le phénomène holographique.
Je ne parviens pourtant pas à vous suivre dans votre compréhension de la mimesis quand vous l'assimilez à la cause formelle. J'ai compris l'intersubjectivité ou mimesis, telle que vous l'expliquez au début, comme interaction entre sujets ou systèmes de même ordre en compétition, par exemple comme concurrence entre individus ou entreprises. Je l'ai considérée ainsi par analogie à la cause efficiente.
Mais le concept de mimesis est ambigu. Vous l'avez expliquée à la fois comme empathie ou harmonie et comme rivalité ou antagonisme. Je comprends bien que dans le sens de l'empathie la mimesis a le rôle de formation de l'unité et harmonie interne d'une société. Dans le sens inverse, conflictuel et d'antipathie elle aurait celui de défense individuelle ou commune contre toute menace externe. Cet antagonisme constituerait une limite, comme la membrane pour la cellule de Varela que vous évoquez. Tout système implique en effet une limite, même les systèmes cosmiques, selon l'univers-plasma, auraient une limite sous forme de double couche de charges opposées: l'héliosphère pour le système solaire, la ionosphère ou bouclier magnétique pour la Terre.
Est-ce cela que vous appelez clôture?
Suivant l'ordre systémique, j'assimile l'interaction entre systèmes de même ordre à la cause efficiente, J'assimile la relation avec les systèmes d'ordre inférieur qui composent nécessairement le système à la cause matérielle (ce sont ces besoins matériels qui sont les objets des désirs à l'origine des conflits). Enfin j'assimile à la cause formelle l'intégration du système dans un ordre supérieur par lequel il est organisé; par exemple l'adaptation de l'entreprise aux besoins des consommateurs et de la société en général. On peut dans ce sens remonter l'ordre hiérarchique des systèmes d'étage en étage jusqu'à l'univers et assimiler la cause formelle avec la cause finale.
Mais celle-ci est au-delà des principes de la manifestation l'unité. L'unité première est inatteignable par la raison qui exige des distinctions. Je la l'imagine simplement comme pure potentialité, comme "toute possibilité" dans le sens étymologique de ce que les anciens entendaient par "toute-puissance"
Le concept de mimesis est apparemment appliqué à toute relation, sans distinction, quel que soit son rôle systémique. En effet, dans la pensée contemporaine, aussi sociologique, toute relation ou interaction est comprise selon la logique de contradiction exclue et du tiers exclu, comme un antagonisme.
Il me semble que cette compréhension de la psychologie et sociologie remonte au psychologue viennois Watzlawick et à l'école de Palo Alto. Celle-ci a déterminé la psychologie, la sociologie du vingtième siècle et créé la thérapie familiale. Elle est apparemment aussi à l'origine des théories économiques de l'école de Vienne dont vous avez parlé.
Le problème des théories de l'école de Palo Alto qui ont cours depuis les années 50, c'est que leur prétendue "approche systémique" est d'une part subjectiviste dans la tradition de l'idéalisme allemand, d'autre part elle est mécanique et déterministe, calquée sur la cybernétique ou robotique. La cybernétique ne reconnaît pas la hiérarchie systémique ni l'auto-organisation. Leurs conceptions de l'interaction sont fondées sur l'autorégulation déterministe. Leur théorie familiale est régulièrement "falsifiée" dans la pratique. J'en ai fait l'expérience de près comme pédiatre.
Dans votre chapitre VI je vous comprends si vous assimilez la mimesis indistinctement à ce que j'appelle auto-organisation et qui comprend l'ensemble des trois relations ou causes. Et je suis d'accord que la réduction des relations au dualisme a conduit à l'appauvrissement comme vous le dites:
Je suis entièrement d'accord avec votre analyse de la situation contemporaine: l'anthropocentrisme, le dualisme et la nécessité de revenir au ternaire. Je précise que je ne suis ni le seul ni le premier à le découvrir. Lupasco et Nicolescu soutenant une logique du tiers inclus et du ternaire m'ont mis sur la piste. Nicolescu, que j'avaiis abondamment cité m'a même accusé de plagiat, quand j'ai voulu prendre contact avec lui.Cet appauvrissement du regard de l'homme, nous le placerons sur deux lignes : la réduction anthropocentrique des enjeux, et la réduction dualiste de la pensée.
Au fait, dans cet esprit, et comme par votre propre intelligence, vous arrivez aux mêmes conclusions que moi, je devrais aussi vous accuser de plagiat ...
L'absurde du plagiat atteint l'ironie dans la controverse à propos de l'auteur de la théorie de la relativité - Poincaré ou Einstein ? - alors même qu'il s'avère que les deux sont les auteurs d'une erreur magistrale et fondamentale de la physique du vingtième siècle qui finira dans le bêtisier de la science.
Trêve de plaisanteries ! - Je ne fais pas du savoir une propriété personnelle et un droit d'auteur. Les connaissances sont le patrimoine de l'humanité.
Aussi absurde et ridicule qu'elle soit, la question du droit d'auteurs devient horrifiante, sachant qu'elle est au cœur des traités trans-atlantiques et tran-pacifiques non pas négociés mais imposés par Washington, en vue de monopoliser le savoir sous forme de brevets dans les griffes des multinationales américaines.
Cette interprétation du droit d'auteur est une distorsion des droits de l'homme, dalleurs eux-mêmes conçus et appliqués de manière unilatérale.
De cette manière - et selon l'avis de nombreux analystes politique, économiques, financiers, écologiques, militaires, etc; - même s'ils ne représentent pas la majorité bien pensante, le célèbre "homo technologicus", qui a perdu le "sapiens", fonce droit dans le mur en accélérant.
Je pense que le point de non retour est dèjà dépassé et qu'aucune réforme n'est plus envisageable. La surpopulation et les limites des ressources d'une part, la complexité et la fragilité de l'organisation technologique ultra spécialisée d'autre part, promettent un gigantesque collapsus. Il reconduira les survivants au contact des rigueurs incontournables de la nature qui leur réapprendra sa logique universelle.
Si je n'abandonne pas et continue à œuvrer pour cette logique universelle, c'est parce que je crois que notre pensée s'inscrit dans une mémoire subconsciente ou inconsciente collective qui ne disparaît pas tant qu'il y aura des hommes ou autres êtres pensant; et parce que cette mémoire, à la manière du champ morphique de Sheldrake, faciliterait le réapprentissage.
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Bonjour Résurgence,
Je suis globalement d'accord avec votre analyse
Oeuvrer pour la compréhension du monde et le défrichage de la connaissance, sans considération pour la postérité de son nom, c'est aussi cela la metanoia du message spirituel chrétien, la dissolution de l'ego pour laisser place à l'homme renaissant. J'ai tendance à penser que ceux qui laissent leur nom à la postérité sont en partie les heureux gagnants à la loterie de la recherche de la connaissance. Il s'agit des quelques-uns qui arrivent au bon moment dans l'histoire des idées, que d'autres avant eux ont défriché et sans qui rien n'aurait été possible, pour effectuer le saut spéculatif supplémentaire qui fait la synthèse. Newton avait dit : "si j'ai vu si loin, c'est que je me suis hissé sur les épaules de géants". Sagesse.
Mais le but n'est pas d'avoir à tout prix son nom dans les livres d'histoire ou sa statue sur une place pour bons services rendus, le but est comme vous le dites de participer aux archives de l'akasha dans lesquelles l'humanité viendra un jour puiser les éléments pour s'ouvrir un chemin dans une possible destinée. Dieu, sait.
Bien sûr, il est en même temps tout à fait compréhensible et humain de ne pas se faire piquer ses idées pour que d'autres en tire bénéfice à nos dépends d'une certaine manière. Bref, nous ne sommes que de pauvres humains, et je me mets dedans !
Pour ce qui est de ma présentation ternaire de la relation intersubjective, voilà ce que j'ai souhaité exprimer : Un territoire (la clôture opérationnelle), des acteurs (les consciences), une propriété fondamentale (la mimesis). Une quatrième cause enfin, que l'on pourrait qualifier de cause finale du système, amenant au dépassement par le haut de la résolution des antagonismes dus à la modalité mimétique en symétrique de rivalité. Au bout de la logique, il y aurait la cause finale avec un "F" majuscule, dont on ne pourrait dire grand chose comme vous le signalez. Elle se situe au dessus du "voile du Logos", en un lieu où le ternaire n'a pas encore été ou n'est plus formulé.
Je pense que mon interprétation se fait selon un ternaire, mais ne colle effectivement pas exactement au ternaire cause matérielle/formelle/efficiente. Ainsi la mimesis, qui explique aussi bien la rivalité que la coopération, n'est pas strictement parlant le pendant de la cause formelle. La mimesis parle à la fois de ce qui permet l'activité relationnelle et ce qui permet de la dépasser. La clôture opérationnelle n'est pas le pendant exact de la cause matérielle mais un territoire, qui rend possible l'activité relationnelle à l'image de la membrane cellulaire. Quant aux consciences, elles sont les acteurs et à ce titre je les identifie à la cause efficiente en tant que points autour desquels s'organise l'activité. Ces consciences ont un tiers inclus : la relation. Ce tiers inclus possède un plan horizontal qui est la relation intersubjective, mais aussi une verticalité car les consciences n'existent pas seulement en miroir les unes des autres, mais existent aussi en interrelation avec l'au dessus et l'en dessous. La conscience est simultanément fixée et déstabilisée par l'environnement, vibrante dans une sphère, et en cela elle est vivante et capable d'activité.
Pour mon analogie, j'ai aussi essayé de coller à l'idée des ondes, des interférences d'onde et du milieu d'onde.
Il y a correspondance au niveau du nombre d'éléments causals, mais pas au niveaux des concepts eux-mêmes. Je me retrouve devant la même difficulté que celle que j'avais rencontré pour tenter une correspondance entre les trois hypostases de Plotin et les trois personnes de la trinité.
Je suis globalement d'accord avec votre analyse
Oeuvrer pour la compréhension du monde et le défrichage de la connaissance, sans considération pour la postérité de son nom, c'est aussi cela la metanoia du message spirituel chrétien, la dissolution de l'ego pour laisser place à l'homme renaissant. J'ai tendance à penser que ceux qui laissent leur nom à la postérité sont en partie les heureux gagnants à la loterie de la recherche de la connaissance. Il s'agit des quelques-uns qui arrivent au bon moment dans l'histoire des idées, que d'autres avant eux ont défriché et sans qui rien n'aurait été possible, pour effectuer le saut spéculatif supplémentaire qui fait la synthèse. Newton avait dit : "si j'ai vu si loin, c'est que je me suis hissé sur les épaules de géants". Sagesse.
Mais le but n'est pas d'avoir à tout prix son nom dans les livres d'histoire ou sa statue sur une place pour bons services rendus, le but est comme vous le dites de participer aux archives de l'akasha dans lesquelles l'humanité viendra un jour puiser les éléments pour s'ouvrir un chemin dans une possible destinée. Dieu, sait.
Bien sûr, il est en même temps tout à fait compréhensible et humain de ne pas se faire piquer ses idées pour que d'autres en tire bénéfice à nos dépends d'une certaine manière. Bref, nous ne sommes que de pauvres humains, et je me mets dedans !
Pour ce qui est de ma présentation ternaire de la relation intersubjective, voilà ce que j'ai souhaité exprimer : Un territoire (la clôture opérationnelle), des acteurs (les consciences), une propriété fondamentale (la mimesis). Une quatrième cause enfin, que l'on pourrait qualifier de cause finale du système, amenant au dépassement par le haut de la résolution des antagonismes dus à la modalité mimétique en symétrique de rivalité. Au bout de la logique, il y aurait la cause finale avec un "F" majuscule, dont on ne pourrait dire grand chose comme vous le signalez. Elle se situe au dessus du "voile du Logos", en un lieu où le ternaire n'a pas encore été ou n'est plus formulé.
Je pense que mon interprétation se fait selon un ternaire, mais ne colle effectivement pas exactement au ternaire cause matérielle/formelle/efficiente. Ainsi la mimesis, qui explique aussi bien la rivalité que la coopération, n'est pas strictement parlant le pendant de la cause formelle. La mimesis parle à la fois de ce qui permet l'activité relationnelle et ce qui permet de la dépasser. La clôture opérationnelle n'est pas le pendant exact de la cause matérielle mais un territoire, qui rend possible l'activité relationnelle à l'image de la membrane cellulaire. Quant aux consciences, elles sont les acteurs et à ce titre je les identifie à la cause efficiente en tant que points autour desquels s'organise l'activité. Ces consciences ont un tiers inclus : la relation. Ce tiers inclus possède un plan horizontal qui est la relation intersubjective, mais aussi une verticalité car les consciences n'existent pas seulement en miroir les unes des autres, mais existent aussi en interrelation avec l'au dessus et l'en dessous. La conscience est simultanément fixée et déstabilisée par l'environnement, vibrante dans une sphère, et en cela elle est vivante et capable d'activité.
Pour mon analogie, j'ai aussi essayé de coller à l'idée des ondes, des interférences d'onde et du milieu d'onde.
Il y a correspondance au niveau du nombre d'éléments causals, mais pas au niveaux des concepts eux-mêmes. Je me retrouve devant la même difficulté que celle que j'avais rencontré pour tenter une correspondance entre les trois hypostases de Plotin et les trois personnes de la trinité.
SFuchs- Messages : 135
Date d'inscription : 29/05/2015
Re: Mimesis, intersubjectivité et relation sociale
Résumée, je comprends mieux votre perception de la trilogie dans le cadre de l’humanisme et de la sociologie. C’est normal que ça ne colle pas parfaitement avec les trois causes. J’ai choisi les causes parce qu’elles me paraissaient être les termes les plus abstraits avec ceux des hypostases, mais mieux compréhensibles que celles-ci et n’impliquant pas nécessairement une hiérarchieJe pense que mon interprétation se fait selon un ternaire, mais ne colle effectivement pas exactement au ternaire cause matérielle/formelle/efficiente.
Aucune triade d’expressions, aucun schéma ne pourra comprendre toutes les possibilités d’expression de la réalité qui ne peuvent être réunies que par analogie. Car les expressions du langage sont définies, limitées à un contexte. Il ne faut jamais perdre de vue que les trois principes sont de nature symbolique, compréhensibles seulement par l’imagination et qu’ils sont indissociables. Ils sont l’approche la plus intuitive de l’unité accessible à l’intellect.
Je reconnais dans les trois postulats d’Ivanov la compréhension la plus profonde du cosmos et de la physique.Pour mon analogie, j'ai aussi essayé de coller à l'idée des ondes, des interférences d'onde et du milieu d'onde.
L’espace absolu, milieu d’onde est le Un, principe d'unité de l’Etre, ou cause matérielle.
L’onde est le Deux appelé Intellect. Il est le principe de distinction et d’interaction intelligible de deux oscillateurs et donc principe du mouvement ou cause efficiente. L’onde est aussi la dualité alternante d’amplitudes positives et négatives.
L’interférence est le Trois, principe d’évolution des phénomènes animés (et non pas âme), ou la cause formelle. C’est le principe des trois corps de Poincaré qui explique que l’évolution est imprédictible et le temps irréversible. A partir de trois oscillateurs de fréquence différente, l’évolution du système devient indéterminée en raison des résonances. L’instabilité ouvre la possibilité, sous certaines conditions, de la création de formes nouvelles.
Notez que l’espace sans onde serait le néant, que sans espace milieu vibratoire, il n’y aurait pas d’onde, et sans interférences il n’y aurait ni points oscillateurs repères géométriques d'espace, ni matière, ni mouvement. Les trois sont indissociables.
Ces trois peuvent expliquer le res extensa de Descartes mais pas le res cogitans où le sens ne peut pas être réduit aux interférences qui sont seulement le signal. Ici interviennent les trois niveaux de la connaissance.
Le monde est simple, ce sont nos distinctions mentales qui le rendent compliqué (voir rasoir d’Ockham)
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