La Bhagavad-Gîtâ - Lecture commentée
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La Bhagavad-Gîtâ - Lecture commentée
La Bhagavad-Gîtâ, ou Chant du Bienheureux, est un récit épique contenu dans le grand livre Mahabharata de la tradition indienne. Il relate la bataille qui doit s'ouvrir entre deux clans d'une même famille ayant prétention à gouverner le royaume d'Inde, chacun s'estimant légitime à le faire.
Le conflit semble inévitable et pourtant Arjuna, illustre guerrier du clan des Pandava opposé au clan des Kaurava, est saisi de doute et de stupeur au moment d'engager la bataille. Krishna, avatar de l'une des trois Personnes de la Trimūrti du védisme, va mettre à profit ce temps de doute pour enseigner Arjuna.
Le Mahabharata qui contient la Bhagavad-Gîtâ s'apparente à d'autres grands récits mythologiques, on pense notamment à l'Iliade et à l'Odyssée qui ont été écrits et compilés autour de la même période, c'est-à-dire entre le VIème siècle et le Ier siècle avant J.-C.
Au-delà de l'aspect épique du récit, la Bhagavad Gita est un texte religieux mais aussi une introduction au Yoga ; il est une invitation à la dévotion mais aussi à l'action dans le monde à la lumière de l'enseignement védique dont il constitue une sorte d'abrégé.
La Bhagavad-Gîtâ est divisée en dix huit chapitres durant lesquels les grandes idées du védisme sont égrainées puis reprises sous de multiples formes. C'est selon cette grille que nous présenterons ici le texte.
La traduction de référence est celle, disponible en ligne, de l'indianiste et érudit français de la fin du XIXème siècle Émile-Louis Burnouf. Il existe d'autres traductions de la Bhagavad-Gîtâ mais en plus d'être disponible en ligne, la version d'Émile-Louis Burnouf est à mon sens l'une des plus claire et des plus intelligible.
Le conflit semble inévitable et pourtant Arjuna, illustre guerrier du clan des Pandava opposé au clan des Kaurava, est saisi de doute et de stupeur au moment d'engager la bataille. Krishna, avatar de l'une des trois Personnes de la Trimūrti du védisme, va mettre à profit ce temps de doute pour enseigner Arjuna.
Le Mahabharata qui contient la Bhagavad-Gîtâ s'apparente à d'autres grands récits mythologiques, on pense notamment à l'Iliade et à l'Odyssée qui ont été écrits et compilés autour de la même période, c'est-à-dire entre le VIème siècle et le Ier siècle avant J.-C.
Au-delà de l'aspect épique du récit, la Bhagavad Gita est un texte religieux mais aussi une introduction au Yoga ; il est une invitation à la dévotion mais aussi à l'action dans le monde à la lumière de l'enseignement védique dont il constitue une sorte d'abrégé.
La Bhagavad-Gîtâ est divisée en dix huit chapitres durant lesquels les grandes idées du védisme sont égrainées puis reprises sous de multiples formes. C'est selon cette grille que nous présenterons ici le texte.
La traduction de référence est celle, disponible en ligne, de l'indianiste et érudit français de la fin du XIXème siècle Émile-Louis Burnouf. Il existe d'autres traductions de la Bhagavad-Gîtâ mais en plus d'être disponible en ligne, la version d'Émile-Louis Burnouf est à mon sens l'une des plus claire et des plus intelligible.
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Re: La Bhagavad-Gîtâ - Lecture commentée
ÔM !
La Bhagavad-Gîtâ ouvre sur la prononciation du son "Aum", réputé le plus proche de la vibration originelle, marquant ainsi l'importance du texte dans la tradition hindoue.
Chapitre I - Trouble d’Arjuna.
Le roi des Kaurava Dhritarâshtra, qui est aveugle, s'adresse à son conseiller Sañjaya pour lui demander l'état de la bataille qui oppose ses troupes aux Pandava, les fils de son demi-frère Pându.
La Bhagavad-Gîtâ ouvre sur un dialogue entre le roi et son conseiller. La structure du dialogue de maître à conseiller est en filigrane durant tout le récit. Ainsi en est-il aussi de l'enseignement de Krishna à Arjuna qui constitue le coeur du texte. La Bhagavad-Gîtâ se veut le reflet de la tradition orale par laquelle l'enseignement s'est originellement transmis.
Arjuna, guerrier d'ascendance royale et même demi-dieu par sa conception, prend conscience avant la bataille des dégâts qui seront causés par celle-ci. Il s'agit d'un conflit fratricide, Arjuna cherche une justification pour renoncer au combat, use de raisonnements et de son intelligence pour trouver des raisons d'y échapper.
Dos au mur, placé face à l'inéluctable, il prend soudain conscience de son manque de raison valable pour combattre et assumer les conséquences désastreuses du conflit.
Arjuna est plongé dans une abîme de perplexité, dès lors le renoncement à combattre devient une option envisageable. Les questions essentielles que se pose Arjuna sont dès lors : le sens de ce conflit et la valeur de ses intentions à le mener. Sans réponses à ces questions, il ne pourra se résoudre à agir.
Chapitre II - Yoga de la Science rationnelle.
Arjuna se tourne alors vers le cocher de son char qui n'est autre que Krishna, avatar de la divinité Vishnou, l'une des trois divinités de la Trimūrti du védisme tardif. Krishna délivre alors ses premiers enseignements afin d'éclairer Arjuna dans son choix.
- Immortalité de l'âme.
- C'est la roue de l'existence, les cycles de la vie.
- Egalité d'humeur dans la défaite tout comme dans la victoire, action dans le détachement.
Chapitre III - Yoga de l’Œuvre.
Poursuite des enseignements de Krishna à Arjuna
- Nécessité d'agir, l'inaction est une attitude vaine et un choix illusoire.
- Action dans le détachement.
- Allégorie de la dialectique Purusha/Prakriti. Le Yogi agit à l'image de Prakriti dans sa relation à Purusha, ou encore comme témoin de son action sans être émotionnellement impliqué par elle, c'est-à-dire sans attente de bénéfices personnels ou de satisfaction de ses propres désirs. Acteur de son action tout en n'étant pas affecté par ses résultats, il concilie l'agir et le non-agir comme les rayons de la roue tournent autour du moyeu immobile.
- Agir sans attendre d'être dans l'omniscience pour ce faire mais à la lumière de l'état de nos connaissances. L'apprenti Yogi est, en outre, un être en devenir qui a vocation à parfaire sa connaissance au fur et à mesure qu'il se confronte aux épreuves de la réalité.
(A suivre...)
Chapitre I - Trouble d’Arjuna.
Le roi des Kaurava Dhritarâshtra, qui est aveugle, s'adresse à son conseiller Sañjaya pour lui demander l'état de la bataille qui oppose ses troupes aux Pandava, les fils de son demi-frère Pându.
1 : Nos soldats et les fils de Pându, rassemblés pour combattre dans le champ saint de Kuruxétra, qu’ont-ils fait, Sanjaya ?
La Bhagavad-Gîtâ ouvre sur un dialogue entre le roi et son conseiller. La structure du dialogue de maître à conseiller est en filigrane durant tout le récit. Ainsi en est-il aussi de l'enseignement de Krishna à Arjuna qui constitue le coeur du texte. La Bhagavad-Gîtâ se veut le reflet de la tradition orale par laquelle l'enseignement s'est originellement transmis.
28-30 : Ô Krishna, quand je vois ces parents désireux de combattre et rangés en bataille, mes membres s’affaissent et mon visage se flétrit ; mon corps tremble et mes cheveux se dressent ; mon arc s’échappe de ma main, ma peau devient brûlante, je ne puis me tenir debout et ma pensée est comme chancelante.
Arjuna, guerrier d'ascendance royale et même demi-dieu par sa conception, prend conscience avant la bataille des dégâts qui seront causés par celle-ci. Il s'agit d'un conflit fratricide, Arjuna cherche une justification pour renoncer au combat, use de raisonnements et de son intelligence pour trouver des raisons d'y échapper.
Dos au mur, placé face à l'inéluctable, il prend soudain conscience de son manque de raison valable pour combattre et assumer les conséquences désastreuses du conflit.
Arjuna est plongé dans une abîme de perplexité, dès lors le renoncement à combattre devient une option envisageable. Les questions essentielles que se pose Arjuna sont dès lors : le sens de ce conflit et la valeur de ses intentions à le mener. Sans réponses à ces questions, il ne pourra se résoudre à agir.
Chapitre II - Yoga de la Science rationnelle.
Arjuna se tourne alors vers le cocher de son char qui n'est autre que Krishna, avatar de la divinité Vishnou, l'une des trois divinités de la Trimūrti du védisme tardif. Krishna délivre alors ses premiers enseignements afin d'éclairer Arjuna dans son choix.
11-16 : Tu pleures sur des hommes qu’il ne faut pas pleurer, quoique tes paroles soient celles de la sagesse. Les sages ne pleurent ni les vivants ni les morts ; Car jamais ne m’a manqué l’existence, ni à toi non plus, ni à ces princes ; et jamais nous ne cesserons d’être, nous tous, dans l’avenir. Comme dans ce corps mortel sont tour à tour l’enfance, la jeunesse et la vieillesse ; de même, après, l’âme acquiert un autre corps et le sage ici ne se trouble pas. Les rencontres des éléments qui causent le froid et le chaud, le plaisir et la douleur, ont des retours et ne sont point éternelles. Supporte-les, fils de Kuntî. L’homme qu’elles ne troublent pas, l’homme ferme dans les plaisirs et dans les douleurs, devient, ô Bhârata, participant de l’immortalité. Celui qui n’est pas ne peut être, et celui qui est ne peut cesser d’être ; ces deux choses, les sages qui voient la vérité en connaissent la limite.
- Immortalité de l'âme.
22-28 : Comme l’on quitte des vêtements usés pour en prendre de nouveaux, ainsi l’Ame quitte les corps usés pour revêtir de nouveaux corps. Ni les flèches ne la percent, ni la flamme ne la brûle, ni les eaux ne l’humectent, ni le vent ne la dessèche. Inaccessible aux coups et aux brûlures, à l’humidité et à la sécheresse, éternelle, répandue en tous lieux, immobile, inébranlable, Invisible, ineffable, immuable, voilà ses attributs ; puisque tu la sais telle, ne la pleure donc pas. Quand tu la croirais éternellement soumise à la naissance et à la mort, tu ne devrais pas même alors pleurer sur elle : Car ce qui est né doit sûrement mourir, et ce qui est mort doit renaître ; ainsi donc ne pleure pas sur une chose qu’on ne peut empêcher. Le commencement des êtres vivants est insaisissable ; on saisit le milieu ; mais leur destruction aussi est insaisissable : y a-t-il là un sujet de pleurs ?
- C'est la roue de l'existence, les cycles de la vie.
47-48 : Sois attentif à l’accomplissement des œuvres, jamais à leurs fruits ; ne fais pas l’œuvre pour le fruit qu’elle procure, mais ne cherche pas à éviter l’œuvre. Constant dans l’Union mystique, accomplis l’œuvre et chasse le désir ; sois égal aux succès et aux revers ; l’Union, c’est l’égalité d’âme.
- Egalité d'humeur dans la défaite tout comme dans la victoire, action dans le détachement.
Chapitre III - Yoga de l’Œuvre.
Poursuite des enseignements de Krishna à Arjuna
3-8 : Mais, en n’accomplissant aucune œuvre, l’homme n’est pas oisif pour cela ; et ce n’est pas par l’abdication que l’on parvient au but de la vie ; Car personne, pas même un instant, n’est réellement inactif ; tout homme, malgré lui-même, est mis en action par les fonctions naturel-les de son être. Celui qui, après avoir enchaîné l’activité de ses organes, se tient inerte, l’esprit occupé des objets sensibles et la pensée errante, on l’appelle faux dévot ; Mais celui qui, par l’esprit, a dompté les sens et qui met à l’œuvre l’activité de ses organes pour accomplir une action, tout en restant détaché, on l’estime, Arjuna. Fais donc une œuvre nécessaire ; l’œuvre vaut mieux que l’inaction ; sans agir, tu ne pourrais pas même nourrir ton corps.
- Nécessité d'agir, l'inaction est une attitude vaine et un choix illusoire.
28 : Mais celui qui connaît la vérité, sachant faire la part de l’attribut et de l’acte, se dit : C’est la rencontre des attributs avec les attributs, et il reste détaché.
- Action dans le détachement.
- Allégorie de la dialectique Purusha/Prakriti. Le Yogi agit à l'image de Prakriti dans sa relation à Purusha, ou encore comme témoin de son action sans être émotionnellement impliqué par elle, c'est-à-dire sans attente de bénéfices personnels ou de satisfaction de ses propres désirs. Acteur de son action tout en n'étant pas affecté par ses résultats, il concilie l'agir et le non-agir comme les rayons de la roue tournent autour du moyeu immobile.
35 : Il vaut mieux suivre sa propre loi, même imparfaite, que la loi d’autrui, même meilleure ; il vaut mieux mourir en pratiquant sa loi : la loi d’autrui a des dangers.
- Agir sans attendre d'être dans l'omniscience pour ce faire mais à la lumière de l'état de nos connaissances. L'apprenti Yogi est, en outre, un être en devenir qui a vocation à parfaire sa connaissance au fur et à mesure qu'il se confronte aux épreuves de la réalité.
(A suivre...)
Dernière édition par SFuchs le Sam 22 Oct 2022 - 17:59, édité 2 fois
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Re: La Bhagavad-Gîtâ - Lecture commentée
Chapitre IV - Yoga de la Science.
- La transmission orale s'est perdue dans le temps mais Krishna souhaite rétablir cette voie d'enseignement avec Arjuna.
- Krishna, avatar du divin, conçoit sa relation à Arjuna avec affection et bienveillance.
- Krishna est un être incarné, il vient pour remplir une mission de rééquilibrage dans les forces qui animent l'humanité afin de la maintenir dans le cadre du Dharma c'est-à-dire des grandes lois du Cosmos et de la Nature.
- Il s'incarne dans la Maya du monde en vertu de son pouvoir de magie créatrice.
- Principe causal du karma : l'action intéressée conduit l'homme à rester enchaîné aux fruits de son action et à ses désirs. Il est condamné a demeurer prisonnier du cycle des renaissances sans possibilité d'affranchissement ou de libération tant qu'il n'a pas changé son intention d'agir pour satisfaire ses désirs propres.
- Le divin n'est pas souillé par ses œuvres, de même doit-il en être pour celui qui aspire à la sagesse.
- Conciliation de l'action et de la non action pour qui agit sans se soucier des fruits de ses oeuvres, c'est à dire à l'image du divin ou encore conformément à la relation dialectique Purusha/Prakriti déjà évoquée.
Chapitre V - Yoga du Renoncement des Œuvres.
- Il existe plusieurs voies d'accès à la connaissance : l'étude des textes, la parole des sages, le Yoga des oeuvres, la dévotion. Chacune de ces voies conduit à progresser de façon indicible et simultanée sur les autres. Chaque chemin est singulier mais la destination est universelle. Le Svadharma est individuel mais son parcours conduit chacun à la connaissance progressive du Dharma.
- Nouvelle formulation de l'action dans le détachement à l'image de la dialectique Purusha/Prakriti.
- Vision panenthéiste du cosmos, voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Panentheisme
Chapitre VI - Yoga de la Soumission de soi-même.
- Eloge de l'égalité d'humeur et du détachement
- Exposition des principes de méditation en Yoga.
- Eloge de la voie du milieu et de la tempérance dans tous les compartiments de la vie, à la base de la pratique du Yoga.
- Le Yôgî est un être en devenir, malgré ses erreurs et son ignorance il s'engage sur une voie pleine d'espoir.
(A suivre...)
2-3 : Et, reçue ainsi de mains en mains, les Rishis royaux l’ont connue ; mais, dans la longue durée des temps, cette doctrine s’est perdue, ô vainqueur. Cette même doctrine antique, je viens te l’exposer aujourd’hui ; car j’ai dit : « Tu es mon serviteur et mon ami ; » c’est le mystère suprême.
- La transmission orale s'est perdue dans le temps mais Krishna souhaite rétablir cette voie d'enseignement avec Arjuna.
- Krishna, avatar du divin, conçoit sa relation à Arjuna avec affection et bienveillance.
5-6 : J’ai eu bien des naissances, et toi-même aussi, Arjuna : je les sais toutes ; mais toi, héros, tu ne les connais pas. Quoique sans commencement et sans fin, et chef des êtres vivants, néanmoins maître de ma propre nature, je nais par ma vertu magique.
- Krishna est un être incarné, il vient pour remplir une mission de rééquilibrage dans les forces qui animent l'humanité afin de la maintenir dans le cadre du Dharma c'est-à-dire des grandes lois du Cosmos et de la Nature.
- Il s'incarne dans la Maya du monde en vertu de son pouvoir de magie créatrice.
12 : Mais ceux qui désirent le prix de leurs œuvres sacrifient ici-bas aux divinités ; et bientôt, dans ce monde mortel, le prix de leurs œuvres leur échoit.
- Principe causal du karma : l'action intéressée conduit l'homme à rester enchaîné aux fruits de son action et à ses désirs. Il est condamné a demeurer prisonnier du cycle des renaissances sans possibilité d'affranchissement ou de libération tant qu'il n'a pas changé son intention d'agir pour satisfaire ses désirs propres.
14 : Les œuvres ne me souillent pas, car elles n’ont pour moi aucun fruit ; et celui qui me sait tel n’est point retenu par le lien des œuvres.
- Le divin n'est pas souillé par ses œuvres, de même doit-il en être pour celui qui aspire à la sagesse.
18-20 : Celui qui voit le repos dans l’action et l’action dans le repos, ce-lui-là est sage parmi les hommes ; il est en état d’Union, quelque œuvre qu’il fasse d’ailleurs. Si toutes ses entreprises sont exemptes des inspirations du désir, comme s’il avait consumé l’œuvre par le feu de la science, il est appelé sage par les hommes intelligents. Car celui qui a chassé le désir du fruit des œuvres, qui est toujours satisfait et exempt d’envie ; celui-là, bien qu’occupé d’une œuvre, est pourtant en repos.
- Conciliation de l'action et de la non action pour qui agit sans se soucier des fruits de ses oeuvres, c'est à dire à l'image du divin ou encore conformément à la relation dialectique Purusha/Prakriti déjà évoquée.
Chapitre V - Yoga du Renoncement des Œuvres.
4-5 : Les enfants séparent la doctrine rationnelle de l’Union mystique, mais non les sages. En effet, celui qui s’adonne entièrement à l’une perçoit le fruit de l’autre Le séjour où l’on parvient par les méditations rationnelles, on y arrive aussi par les actes de l’Union mystique ; et celui qui voit une seule chose dans ces deux méthodes, voit bien.
- Il existe plusieurs voies d'accès à la connaissance : l'étude des textes, la parole des sages, le Yoga des oeuvres, la dévotion. Chacune de ces voies conduit à progresser de façon indicible et simultanée sur les autres. Chaque chemin est singulier mais la destination est universelle. Le Svadharma est individuel mais son parcours conduit chacun à la connaissance progressive du Dharma.
8 : Ce n’est pas moi qui agis » : qu’ainsi pense le Yôgî connaissant la vérité, quand il voit, entend, touche, flaire, mange, marche, dort, respire, Parle, quitte ou prend quelque chose, ouvre ou ferme les yeux ; et qu’il se dise : Les sens sont faits pour les objets sensibles.
- Nouvelle formulation de l'action dans le détachement à l'image de la dialectique Purusha/Prakriti.
18-19 : Dans le brâhmane doué de science et de modestie, dans le bœuf et l’éléphant, dans le chien même et dans celui qui mange du chien, les sages voient l’identique. Ici-bas, ceux-la ont vaincu la nature, dont l’esprit se tient ferme dans l’identité car l’Identique Dieu est sans péché ; c’est pourquoi ils demeurent fermes en Dieu.
- Vision panenthéiste du cosmos, voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Panentheisme
Chapitre VI - Yoga de la Soumission de soi-même.
9 : On estime celui qui garde une âme égale envers les amis et les bienveillants, les ennemis, les indifférents, et les étrangers, les haineux et les proches, envers les bons aussi et envers les pécheurs.
- Eloge de l'égalité d'humeur et du détachement
10 : Que le Yôgî exerce toujours sa dévotion seul, à l’écart, sans compagnie, maître de sa pensée, dépouillé d’espérances. Que dans un lieu pur il se dresse un siège solide, ni trop haut, ni trop bas, garni d’herbe, de toile et de peau Et que là, l’esprit tendu vers l’Unité, maîtrisant en soi la pensée, les sens et l’action, assis sur ce siège, il s’Unisse mentalement en vue de sa purification. Tenant fermement en équilibre son corps, sa tête et son cou, immobile, le regard incliné en avant, ne le portant d’aucun autre côté.
- Exposition des principes de méditation en Yoga.
16-17 : L’Union divine n’est ni pour qui mange trop, ni pour qui ne mange rien ; elle n’est ni pour qui dort longtemps, ni pour qui veille toujours, Arjuna. L’Union sainte, qui ôte tous les maux, est pour celui qui mange avec mesure, se récrée avec mesure, agit, dort et veille avec mesure.
- Eloge de la voie du milieu et de la tempérance dans tous les compartiments de la vie, à la base de la pratique du Yoga.
43-45 : Alors il reprend le pieux exercice qu’il avait pratiqué dans sa vie antérieure, et il s’efforce davantage vers la perfection, ô fils de Kuru ; Car sa précédente éducation l’entraîne sans qu’il le veuille, lors même que, dans son désir d’arriver à l’Union, il transgresse la doctrine brâhmanique. Comme il a dompté son esprit par l’effort, le Yôgî, purifié de ses souillures, perfectionné par plusieurs naissances, entre enfin dans la voie suprême.
- Le Yôgî est un être en devenir, malgré ses erreurs et son ignorance il s'engage sur une voie pleine d'espoir.
(A suivre...)
Dernière édition par SFuchs le Dim 2 Mai 2021 - 22:26, édité 1 fois
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Re: La Bhagavad-Gîtâ - Lecture commentée
Chapitre VII - Yoga de la Connaissance.
Ce chapitre décrit la constitution du cosmos, établit une cartographie des éléments et rappelle la relation entre la réalité manifestée et son essence non manifestée.
Voir aussi à ce sujet : https://sciencetradition.forumactif.com/t116-samkhya-yoga-et-les-trois-gunas
- Enumération des éléments dans leur manifestation grossière.
- Filet d'Indra.
- Enumération des éléments dans leur manifestation subtile.
- Première allusion aux Gunas (Sattva, Rajas, Tamas) dont le déséquilibre est à la source de la manifestation.
- Nouvelle formulation du principe causal du karma : l'âme prend la teinte de ce qu'elle contemple.
- La source du monde manifesté est un principe non manifesté qui se situe derrière le voile de Maya.
Ce chapitre décrit la constitution du cosmos, établit une cartographie des éléments et rappelle la relation entre la réalité manifestée et son essence non manifestée.
Voir aussi à ce sujet : https://sciencetradition.forumactif.com/t116-samkhya-yoga-et-les-trois-gunas
2-3-4 : Je vais t’exposer complètement, avec ses divisions, cette science au delà de laquelle, ici-bas, il ne reste rien à apprendre : De tant de milliers d’hommes, quelques-uns seulement s’efforcent vers la perfection ; et parmi ces sages excellents, un seul à peine me connaît selon mon essence. La terre, l’eau, le feu, le vent, l’air, l’esprit, la raison et le moi, telle est ma nature divisée en huit éléments : C’est l’inférieure. Connais-en maintenant une autre qui est ma nature supérieure, principe de vie qui soutient le monde.
- Enumération des éléments dans leur manifestation grossière.
7 : Au-dessus de moi il n’y a rien ; à moi est suspendu l’Univers comme une rangée de perles à un fil.
- Filet d'Indra.
8-9 : Je suis dans les eaux la saveur, fils de Kuntî ; je suis la lumière dans la Lune et le Soleil ; la louange dans tous les Vêdas ; le son dans l’air ; la force masculine dans les hommes ; Le parfum pur dans la terre ; dans le feu la splendeur ; la vie dans tous les êtres ; la continence dans les ascètes.
- Enumération des éléments dans leur manifestation subtile.
12 : Je suis la source des propriétés qui naissent de la vérité, de la passion et de l’obscurité ; mais je ne suis pas en elles, elles sont en moi. Troublé par les modes de ces trois qualités, ce monde entier méconnaît que je leur suis supérieur et que je suis indestructible.
- Première allusion aux Gunas (Sattva, Rajas, Tamas) dont le déséquilibre est à la source de la manifestation.
20 : Ceux dont l’intelligence est en proie aux désirs se tournent vers d’autres divinités ; ils suivent chacun son culte, enchaînés qu’ils sont par leur propre nature.
- Nouvelle formulation du principe causal du karma : l'âme prend la teinte de ce qu'elle contemple.
24 Les ignorants me croient visible, moi qui suis invisible : c’est qu’ils ne connaissent pas ma nature supérieure, inaltérable et suprême.
- La source du monde manifesté est un principe non manifesté qui se situe derrière le voile de Maya.
Dernière édition par SFuchs le Ven 30 Avr 2021 - 22:42, édité 2 fois
SFuchs- Messages : 135
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Re: La Bhagavad-Gîtâ - Lecture commentée
Les chapitres VIII et IX sont un prolongement et une reformulation du chapitre précédent. Nous sommes ici éloignés de l'ouverture de la Bhagavad-Gîtâ et de son invitation à l'action, mais au coeur des explications sur les raisons et les intentions d'agir.
Chapitre VIII - Yoga de Dieu indivisible et suprême.
- Enumération des principes premiers.
- Loi du Karma
- Union par la méditation.
Chapitre IX : Yoga du Souverain Mystère de la Science.
- Panenthéisme
- Loi du Karma
- Union par la dévotion
(A suivre...)
Chapitre VIII - Yoga de Dieu indivisible et suprême.
3-4 : J’appelle Dieu, le principe neutre suprême et indivisible ; Ame suprême, la substance intime ; Acte, l’émanation qui produit l’existence substantielle des êtres ; Premier Vivant, la substance divisible ; Divinité Première, le principe masculin ; c’est moi-même qui, incarné, suis le Premier Sacrifice, ô le meilleur des hommes.
- Enumération des principes premiers.
5-6 Et celui qui, à l’heure finale, se souvient de moi et part dégagé de son cadavre, rentre dans ma substance ; il n’y a là aucun doute ; Mais si à la fin de sa vie, quand il quitte on corps, il pense à quelque autre substance, c’est à celle-là qu’il se rend, puisque c’est sur elle qu’il s’est modelé.
- Loi du Karma
12 Toutes les portes des sens étant fermées, l’esprit concentré dans le cour et le souffle vital dans la tête, ferme et persévérant dans l’Union spirituelle, Adressant le mot mystique ôm à Dieu unique et indivisible, et se souvenant de moi : celui qui part ainsi, abandonnant son corps, marche dans la voie suprême.
- Union par la méditation.
Chapitre IX : Yoga du Souverain Mystère de la Science.
4-5 :C’est moi qui, doué d’une forme invisible, ai développé cet Univers ; en moi sont contenus tous les êtres ; et moi je ne suis pas contenu en eux ; D’une autre manière, les êtres ne sont pas en moi : tel est le mystère de l’Union souveraine Mon âme est le soutien des êtres, et sans être contenue en eux, c’est elle qui est leur être.
- Panenthéisme
24-25 : Ceux même qui, pleins de loi, adorent d’autres divinités, m’honorent aussi, bien qu’en dehors de la règle antique : Car c’est moi qui recueille et qui préside tous les Sacrifices ; mais ils ne me connaissent pas dans mon essence, et ils font une chute nouvelle. Ceux qui sont voués aux dieux vont aux dieux ; aux ancêtres, ceux qui sont voués aux ancêtres ; aux larves, ceux qui sacrifient aux larves ; et à moi, ceux qui me servent.
- Loi du Karma
26-28 : Quand on m’offre en adoration une feuille, une fleur, un fruit ou de l’eau, je les reçois pour aliments comme une offrande pieuse. Ainsi donc, ce que tu fais, ce que tu manges, ce que tu sacrifies, ce que tu donnes, ce que tu t’infliges, ô fils de Kuntî, fais-m’en l’offrande. Tu seras dégagé du lien des œuvres, que leurs fruits soient bons ou mauvais ; et avec une âme toute à la sainte Union, libre, tu viendras à moi.
- Union par la dévotion
(A suivre...)
SFuchs- Messages : 135
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Re: La Bhagavad-Gîtâ - Lecture commentée
Les trois chapitres suivants X-XI-XII constituent l'aspect fondamentalement religieux du texte. Krishna énumère ses innombrables qualités et s'annonce comme l'avatar de la divinité Vishnou, l'une des trois Personnes de la Trimūrti, dépositaire du principe de conservation (préservation/protection), tandis que Brahma est le démiurge créateur et Shiva dépositaire du principe d'évolution (transformation/destruction).
Chapitre X - Yoga de l’Excellence.
4-5 : La raison, la science, la certitude, la patience, la vérité, la continence, la paix, le plaisir et la douleur, la naissance et la destruction, la crainte et la sécurité, La douceur, l’égalité d’âme, la joie et les austérités, la munificence, la gloire et l’opprobre, sont des manières d’être des choses, dont je suis le distributeur.
37-38 : Entre les fils de Vrishni, je suis Vâsudêva entre les Pândus, je suis toi-même, Arjuna. Entre les solitaires, je suis Vyâsa ; entre les poètes, Uçânas. Je suis la pénitence des ascètes, la règle d’action de ceux qui désirent la victoire ; le silence des secrets ; la science des sages.
Chapitre XI - Vision de la Forme universelle.
Vision d'Arjuna, qui a inspiré de nombreuses représentations artistiques et religieuses hindoues
7-8 : Voici dans son Unité tout l’Univers avec les choses mobiles et immobiles : le voici, compris dans mon corps avec tout ce que tu désires apercevoir. Mais, puisque tu ne peux me voir avec les yeux de ton corps, je te donne un œil céleste : contemple donc en moi l’Union souveraine.
15-17 : O Dieu, je vois en ton corps tous les dieux et les troupes des êtres vivants ; et le Seigneur Brahmâ assis sur le lotus ; et tous les Rishis et les célestes serpents. Je te vois avec des bras, des poitrines, des visages et des yeux sans nombre, avec une forme absolument infinie. Sans fin, sans mi-lieu, sans commencement, ainsi je te vois, Seigneur universel, forme universelle. Tu portes la tiare, la massue et le disque, montagne de lumière de tous côtés resplendissante ; je puis à peine te regarder tout entier : car tu brilles comme le feu et comme le soleil dans ton immensité.
Chapitre XII - Yoga de l’Adoration.
Nouvelle invitation à la persévérance dans la dévotion, énumération des qualités et des vertus
2-4 : Ceux qui, reposant en moi leur esprit, me servent sans cesse pleins d’une foi excellente, sont ceux qui, à mes yeux, pratiquent le mieux la sainte Union. Mais ceux qui cherchent l’Indivisible que l’on ne peut voir ni sentir, présent partout, incompréhensible, sublime, immuable, invariable, Et qui, soumettant tous leurs sens, tiennent leur pensée en équilibre et se réjouissent du bien de tous les vivants : ceux-là aussi m’atteignent.
13-19 L’homme sans haine pour aucun des vivants, bon et miséricordieux, sans égoïsme, sans amour-propre, égal au plaisir et à la peine, patient ; Joyeux, toujours en état d’Union, maître de soi-même, ferme dans le bon propos, l’esprit et la raison attachés sur moi, mon serviteur : cet homme m’est cher. Celui qui ne trouble pas le monde et que le monde ne trouble pas ; qui est exempt des transports de la joie et de la colère, de la crainte et des terreurs : celui-là aussi m’est cher. L’homme sans arrière-pensée, pur, adroit, indifférent, exempt de trouble, détaché de tout ce qu’il entreprend, mon serviteur : est un homme qui m’est cher. Celui qui ne s’abandonne ni à la joie, ni à la haine, ni à la tristesse, ni aux regrets, et qui, pour me servir, n’a plus souci du bon ou du mauvais succès : celui-là m’est cher. L’homme égal envers ses ennemis et ses amis, égal aux honneurs et à l’opprobre, égal au froid, au chaud, au plaisir, à la douleur, exempt de désir ;Égal au blâme et à la louange, silencieux, toujours satisfait, sans domicile, ferme en sa pensée, mon serviteur : est un homme qui m’est cher.
(A suivre...)
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Re: La Bhagavad-Gîtâ - Lecture commentée
Chapitre XIII
Nouvelle formulation de la vision panenthéiste. La connaissance de la dialectique Purusha/Prakriti et sa mise en application par le Yogi est source de délivrance.
Chapitre XIV
Développement sur les gunas, les qualités qu'ils représentent et leur mode de manifestation.
- Les trois qualités Sattva, Rajas, Tamas représentent respectivement l'équilibre, l'impulsion et l'inertie. Elles sont l'expression dans le monde substantiel et manifesté des trois Personnes de la Trimūrti.
- Les qualités se manifestent en même temps qu'elle sont en situation de déséquilibre l'une de l'autre.
Chapitre XV - Yoga de la Marche vers le Principe Masculin suprême.
Poésie ésotérique de l'arbre cosmique. Comme évoqué par patanjali dans le sujet
Ainsi, notre époque cherche à traquer l'origine ultime de la conscience dans l'atomisme et l'infiniment petit tandis que le Samkhya explique l'organisation du cosmos comme l'oeuvre de l'Esprit, simple et ineffable. L'Esprit n'est pas le produit d'une organisation de la matière ou substance, au contraire l'organisation de la substance est le produit de l'activité mentale de l'Esprit, sans être affecté par cette activité. C'est une magie qu'il est difficile de concevoir selon les repères de notre époque. L'immatériel est à la source de l'organisation matérielle et non le contraire. Quant à la substance, elle aspire dans ses ultimes ramifications à recouvrer le chemin qui le mène à l'Esprit originel dont elle se fait à l'image. C'est la destinée du Yogi.
(A suivre...)
Nouvelle formulation de la vision panenthéiste. La connaissance de la dialectique Purusha/Prakriti et sa mise en application par le Yogi est source de délivrance.
12-16 Je vais donc te dire ce qu’il faut savoir, ce qui est pour l’homme l’aliment d’immortalité : Dieu, sans commencement et suprême, ne peut être appelé un être ni un non-être ; Doué en tous lieux de mains et de pieds, d’yeux et d’oreilles, de têtes et de visages, il réside dans le monde, qu’il embrasse tout entier. Il illumine toutes les facultés sensitives, sans avoir lui-même aucun sens ; détaché de tout, il est le soutien de tout ; sans modes, il perçoit tous les modes ; Intérieur et extérieur aux êtres vivants également immobile et en mouvement, indiscernable par sa subtilité et de loin et de près ; Sans être partagé entre les êtres, il est répandu en eux tous ; soutien des êtres, il les absorbe et les émet tour à tour.
27-29 Celui-là voit juste qui voit ce principe souverain uniformément répandu dans tous les vivants et ne périssant pas quand ils périssent ; En le voyant égal et également présent en tous lieux, il ne se fait aucun tort à luimême et il entre, par après, dans la voie supérieure. S’il voit que l’accomplissement des actes est entièrement l’œuvre de la Nature et que lui-même n’en est pas l’agent, il voit juste.
Chapitre XIV
Développement sur les gunas, les qualités qu'ils représentent et leur mode de manifestation.
5-9 : Vérité, instinct, obscurité, tels sont les modes qui naissent de la nature et qui lient au corps l’âme inaltérable. La vérité, brillante et saine par son incorruptibilité, l’attache par la tendance au bonheur et la science ; L’instinct, parent de la passion et procédant de l’appétit, l’attache par la tendance à l’action ; Quant à l’obscurité, sache, fils de Kuntî, qu’elle procède de l’ignorance et qu’elle porte le trouble dans toutes les âmes ; elle les enchaîne par la stupidité, la paresse et l’engourdissement. La vérité ravit les âmes dans la douceur ; la passion les ravit dans l’œuvre ; l’obscurité, voilant la vérité, les ravit dans la stupeur.
- Les trois qualités Sattva, Rajas, Tamas représentent respectivement l'équilibre, l'impulsion et l'inertie. Elles sont l'expression dans le monde substantiel et manifesté des trois Personnes de la Trimūrti.
10 : La vérité naît de la défaite des instincts et de l’ignorance, ô Bhârata ; l’instinct, de la défaite de l’ignorance et de la vérité ; l’ignorance, de la défaite de la vérité et de l’instinct.
- Les qualités se manifestent en même temps qu'elle sont en situation de déséquilibre l'une de l'autre.
Chapitre XV - Yoga de la Marche vers le Principe Masculin suprême.
Poésie ésotérique de l'arbre cosmique. Comme évoqué par patanjali dans le sujet
Le Samkhya est une cosmologie de création par involution: à l'inverse de notre évolution scientifique, elle progresse du tout simple vers la multitude complexe.
Ainsi, notre époque cherche à traquer l'origine ultime de la conscience dans l'atomisme et l'infiniment petit tandis que le Samkhya explique l'organisation du cosmos comme l'oeuvre de l'Esprit, simple et ineffable. L'Esprit n'est pas le produit d'une organisation de la matière ou substance, au contraire l'organisation de la substance est le produit de l'activité mentale de l'Esprit, sans être affecté par cette activité. C'est une magie qu'il est difficile de concevoir selon les repères de notre époque. L'immatériel est à la source de l'organisation matérielle et non le contraire. Quant à la substance, elle aspire dans ses ultimes ramifications à recouvrer le chemin qui le mène à l'Esprit originel dont elle se fait à l'image. C'est la destinée du Yogi.
1-6 : Il est un figuier perpétuel, un açwattha qui pousse en haut ses racines, en bas ses rameaux, et dont les feuilles sont des poèmes : celui qui le connaît, connaît le Veda. Il a des branches qui s’étendent en haut et en bas, ayant pour rameaux les qualités, pour bourgeons les objets sensibles ; il a aussi des racines qui s’allongent vers le bas et qui, dans ce monde, enchaînent les humains par le lien des œuvres. Ici-bas on ne saisit bien ni sa forme, ni sa fin, ni son commencement, ni sa place. Quand, avec le glaive solide de l’indifférence, l’homme a coupé ce figuier aux fortes racines, Il faut, dès lors, qu’il cherche le lieu où l’on va pour ne plus revenir. Or, c’est moi qui le conduis à ce Principe Masculin primordial d’où est issue l’antique émanation du monde. Quand il a vaincu l’orgueil, l’erreur et le vice de la concupiscence, fixé sa pensée sur l’Ame suprême, éloigné les désirs, mis fin au combat spirituel du plaisir et de la douleur il marche sans s’égarer vers la demeure éternelle. Ce lieu d’où l’on ne revient pas ne reçoit sa lumière ni du Soleil, ni de la Lune, ni du Feu : c’est là mon séjour suprême.
(A suivre...)
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Re: La Bhagavad-Gîtâ - Lecture commentée
XVI - Yoga de la Distinction de la Condition divine et de la Condition démoniaque.
Présentation de la voie vertueuse et de la voie infernale et leurs conséquences pour qui emprunte l'une ou l'autre.
1-3 : Le courage, la purification de l’âme, la persévérance dans l’Union mystique de la science, la libéralité, la tempérance, la piété, la méditation, l’austérité, la droiture ; L’humeur pacifique, la véracité, la douceur, le renoncement, le calme intérieur, la bienveillance, la pitié pour les êtres vivants, la paix du cœur, la mansuétude, la pudeur, la gravité ; La force, la patience, la fermeté, la pureté, l’éloignement des offenses, la modestie : telles sont, ô Bhârata, les vertus de celui qui est né dans une condition divine.
- Foi, modestie, tempérance : la voie vertueuse.
7-9 : Les hommes d’une nature infernale ne connaissent pas l’émanation et le retour ; on ne trouve en eux ni pureté, ni règle, ni vérité. Ils disent qu’il n’existe dans le monde ni vérité, ni ordre, ni providence ; que le monde est composé de phénomènes se poussant l’un l’autre, et n’est rien qu’un jeu du hasard. Ils s’arrêtent dans cette manière de voir ; et se perdant eux-mêmes, rapetissant leur intelligence, ils se livrent à des actions violentes et sont les ennemis du genre humain.
- Critique sévère de l'incrédulité, de l'athéisme dirait-on aujourd'hui.
12 : Enchaînés par les nœuds de mille espérances, tout entiers à leurs souhaits et à leurs colères pour jouir de leurs vœux, ils s’efforcent, par des voies injustes, d’amasser toujours. « Voilà, disent-ils, ce que j’ai gagné aujourd’hui : je me procurerai cet agrément ; j’ai ceci, j’aurai ensuite cet autre bénéfice.
- Critique de l'avidité.
15-17 : Je suis opulent ; je suis un grand seigneur. Qui donc est semblable à moi ? Je ferai des Sacrifices, des largesses ; je me donnerai du plaisir. — Voilà comme ils parlent, égarés par l’ignorance. Agités de nombreuses pensées, enveloppés dans les filets de l’erreur, occupés à satisfaire leurs désirs, ils tombent dans un enfer impur. Pleins d’eux-mêmes, obstinés, remplis de l’orgueil et de la folie des richesses, ils offrent des Sacrifices hypocrites, où la règle n’est pas suivie et qui n’ont du Sacrifice que le nom.
- Critique de l'orgueil et de l'hypocrisie.
20 : Tombés dans une telle matrice, s’égarant de générations en générations, sans jamais m’atteindre, ils entrent enfin, fils de Kuntî, dans la voie infernale.
- Incrédulité, avidité, orgueil... c'est la voie infernale.
XVII - Yoga des trois espèces de Foi.
Les trois types de Foi et les inclinations selon la qualité dominante : Sattva (vérité) / Rajas (passion) / Tamas (ténèbres)
4 : Les hommes de vérité sacrifient aux dieux ; les hommes de passion, aux Yaxas et aux Râxasas ; les hommes de ténèbres, aux Revenants et aux Spectres.
- Trois types de sacrifice.
14-17 : Le respect aux dieux, aux brâhmanes, au précepteur, aux hommes instruits, la pureté, la droiture, la chasteté, la mansuétude sont appelés austérités du corps. Un langage modéré, véridique, plein de douceur, l’usage des lectures pieuses sont l’austérité de la parole. La paix du cœur, le calme, le silence, l’empire de soi-même, la purification de son être, telle est l’austérité du cœur. Cette triple austérité, pratiquée par les hommes pieux, avec une foi profonde et sans souci de la récompense, est appelée conforme à la vérité.
18 : Une austérité hypocrite, pratiquée pour l’honneur, le respect et les hommages qu’elle procure, est une austérité de passion ; elle est instable et incertaine.
19 : Celle qui, née d’une imagination égarée, n’a d’autre but que de se torturer soi même ou de perdre les autres, est une austérité de ténèbres.
- Trois types d'austérité.
20 : Un don fait avec le sentiment du devoir, à un homme qui ne peut payer de retour, don fait en temps et lieu et selon le mérite, est un don de vérité.
21 : Un présent fait avec l’espoir d’un retour ou d’une récompense, et comme à contre-cœur, procède du désir.
22 : Un don fait à des indignes, hors de son temps et de sa place, sans déférence, d’une manière offensante, est un don de ténèbres.
- Trois types de dons.
(A suivre...)
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Re: La Bhagavad-Gîtâ - Lecture commentée
XVIII - Yoga du Renoncement de la Délivrance.
Chapitre de résumé des enseignements, épilogue de l'action d'Arjuna sur le champ de bataille.
7-9 La Renonciation à un acte nécessaire n’est pas praticable : une telle renonciation est un égarement d’esprit et naît des ténèbres. Celui qui, redoutant une fatigue corporelle, renonce à un acte et dit : « Cela est pénible, » n’agit là que par instinct et ne recueille aucun fruit de son renoncement. Tout acte nécessaire, Arjuna, s’accomplit en disant : « Il faut le faire » et si l’auteur a supprimé le désir et abandonné le fruit de ses œuvres, c’est l’essence même de l’abnégation.
- L'inaction est un choix vain et illusoire, l'action doit être menée selon l'intime conviction, en détachement des bénéfices à espérer.
20-22 Une science qui montre dans tous les êtres vivants l’être unique et inaltérable, et l’indivisible dans les êtres séparés, est une science de vérité. Celle qui, dans les êtres divers, considère la nature individuelle de chacun d’eux, est une science instinctive. Une science qui s’attache à un acte particulier comme s’il était tout à lui seul, science sans principes, étroite, peu conforme à la nature du vrai, est appelée science de ténèbres.
- La science holistique est placée au dessus de la science des spécialistes et de la science à thèse.
23-24 Un acte nécessaire, soustrait à l’instinct et fait par un homme exempt de désir et de haine, et qui n’aspire pas à la récompense, est un acte de vérité. Un acte accompli avec de grands efforts pour satisfaire un désir, ou en vue de soi-même, est un acte de passion. Un acte follement entrepris par un homme, sans égard pour les conséquences, le dommage ou l’offense, et pour ses forces personnelles, est un acte de ténèbres.
- L'acte désintéressé à la lumière de la connaissance est placé au dessus de l'acte motivé par l'envie ou la déréliction.
26-28 L’homme dépourvu de passion, d’égoïsme, doué de constance et de courage, que le succès ou les revers ne font point changer, est un agent de vérité. L’homme passionné, aspirant au prix de ses œuvres, avide, prompt à nuire, impur, livré aux excès de la joie ou du chagrin, est un agent de passion. L’homme incapable, vil, obstiné, trompeur, négligent, oisif, paresseux, toujours prêt à s’asseoir et à traîner en longueur, est un agent de ténèbres.
- Voir remarque précédente au sujet de l'acte. L'homme signe ses intentions de ses actes.
30-32 Une raison qui connaît l’apparition et la terminaison des choses à faire ou à éviter, de la crainte et du courage, du lien et de la délivrance, est une raison de vérité. Celui qui distingue confusément le juste et l’injustice, ce qu’il faut faire ou éviter, est une raison instinctive. Un esprit enveloppé d’obscurité, qui appelle juste l’injuste et intervertit toutes choses, ô fils de Prithâ, est une raison ténébreuse.
- La connaissance instinctive ne suffit pas, il faut étudier. Nouvelle critique de l'athéisme et des idéologies d'inversion des valeurs.
33-35 : Une persévérance qui retient les actes de l’esprit, du cœur et des sens dans une Union mystique invariable, est une persévérance conforme à la vérité. Celle, ô Arjuna, qui poursuit le bien, l’agréable et l’utile, dirigée selon l’instinct, vers le fruit des œuvres, est une persévérance de passion. Une persévérance inintelligente qui ne délivre pas l’homme de la somnolence, de la crainte, de la tristesse, de l’épouvante et de la folie, est de la nature des ténèbres.
- On reconnait la qualité d'une intention aux fruits que l'on tire à s'y tenir.
37-39 : Et quand, pour lui, ce qui d’abord était comme un poison est à la fin comme une ambroisie : alors son plaisir est appelé véritable ; car il naît du calme intérieur de sa raison. Celui qui, né de l’application des sens à leurs objets, ressemble d’abord à l’ambroisie et plus tard à du poison, est un plaisir de passion. Celui qui, favorisé par l’inertie, la paresse et l’égarement, n’est à sa naissance et dans ses suites qu’un trouble de l’âme, est pour cela un plaisir de ténèbres.
- Certains plaisirs immédiats peuvent s'avérer des poisons, certains efforts peuvent s'avérer sources de satisfaction (on pense à la pratique du Yoga, notamment)
40 : Il n’existe ni sur terre, ni au ciel parmi les dieux, aucune essence qui soit exempte de ces trois qualités issues de la nature.
- Aucun être n'est exempt de l'une des trois qualités (Sattva, Tamas, Rajas), "rien n'est parfait ici-bas".
47-48 : Il vaut mieux remplir sa fonction, même moins relevée, que celle d’autrui, même supérieure ; car, en faisant l’œuvre qui dérive de sa nature, un homme ne commet point de péché. Et qu’il ne renonce pas à remplir son œuvre naturelle, même quand elle semble unie au mal : car toutes les œuvres sont enveloppées par le mal, comme le feu par la fumée.
- Accomplir selon sa loi d'action individuelle, telle est la véritable ambition, y compris à sa modeste place.
73 : Le trouble a disparu. Dieu auguste, j’ai reçu par ta grâce la tradition sainte. Je suis affermi ; le doute est dissipé ; je suivrai ta parole. »
- Les troubles d'Arjuna sont dissipés. Après avoir été saisi par son ignorance des raisons de mener la bataille au moment où elle se profilait, le voici instruit. La première raison en est que l'inaction est une posture vaine et illusoire et les autres, plus fondamentales, découlent des enseignements de Krishna. Arjuna souffle dans la conque, la bataille peut commencer.
(Conclusion à suivre...)
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Re: La Bhagavad-Gîtâ - Lecture commentée
Conclusion
Le commentaire présent est une interprétation personnelle du texte, loin de le représenter dans son intégralité. La meilleure façon de l'appréhender est simplement de le lire.
Réserves sur le texte
La Bhagavad-Gîta évoque des concepts dont on sait que leur mise en oeuvre et leur interpétation ont régulièrement suscité des problèmes et nous voulons ici les évoquer.
- La notion de guerre juste : elle a régulièrement servi à justifier l'invasion et l'ingérence, bien qu'une bataille menée au nom de la légitime défense puisse répondre à la notion de guerre juste. La frontière entre bataille offensive et bataille défensive est du reste parfois floue mais le texte met en garde contre le pacifisme et la passivité. Il fut une source d'inspiration première pour Gandhi dans son action non violente pour l'indépendance de l'Inde.
- L'organisation de la société selon les castes et sa justification selon les règles de renaissance et d'attraction des âmes pour ce qu'elles ont contemplé dans leurs vies antérieures. Il existe une part de mystère difficilement explicable et peut-être de contingence au phénomène de réincarnation. Les explications de la Bhagavad-Gîtâ ainsi qu'une mauvaise compréhension de la loi du karma peuvent prêter aux raccourcis, à une anthropologisation des desseins de Dieu.
- Un appel fort à la dévotion qui peut être récupéré par l'autorité sacerdotale en vue d'enfermer les fidèles dans une forme particulière de tradition.
- Une tendance à moraliser les qualités desquelles se teintent les humeurs de l'âme. Ainsi, la qualité Tamas est assimilée aux ténèbres alors quelle représente aussi la somatisation nécessaire des expériences pour en faire le terreau de l'action future. La qualité Rajas est assimilée à la passion mais elle est aussi l'audace et l'impulsion à la source de l'action, quand bien même celle-ci ne serait pas menée en pleine lumière. Néanmoins, une lecture idéaliste ou naturaliste de la Bhagavad-Gîtâ dépendra beaucoup de l'inclination du lecteur, à mon sens les deux sont possibles.
Universalité du texte
La Bhagavad-Gîta recèle un certain nombre de messages universels que l'on retrouve dans d'autres traditions et courants philosophiques, chez d'autres auteurs
- L'action dans le détachement : agir et non-agir du Taoïsme
- L'âme se teinte de ce qu'elle contemple : les poètes soufis
- La théorie des émanations et de la création du monde par engendrement : Plotin
- L'harmonie consistant à épouser l'ordre du cosmos : le stoïcisme
- Une théorie des éléments que l'on retrouve dans toutes les alchimies d'Orient et d'Occident.
Originalité du texte
- Son invitation à l'action, bien que l'on puisse rapprocher le combat d'Arjuna de l'Odyssée d'Ulysse, par exemple.
- Une relation filiale entre une divinité et son disciple, basée sur la bienveillance et l'affection.
- Un texte tout à la fois panenthéiste, scientifique et poétique.
Fin de la lecture commentée.
SFuchs- Messages : 135
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