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Quel consensus pour un monde multipolaire ?

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28042024

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La science se trouve à la croisée des chemins, elle a besoin d’une nouvelle révolution copernicienne pour sortir de l’impasse logique de terre plate qu’est le déterminisme mathématique et informatique fondé sur la logique binaire. Elle doit redécouvrit la logique ternaire du tiers inclus et sa hiérarchie systémique pour s’ouvrir aux alternatives et diversités qualitatives de la nature vivante. Le tiers inclus est le médiateur de toute dualité antagoniste, la condition de l’éthique naturelle et le "chemin du milieu" de la spiritualité.

***

Le monde est engagé dans un conflit de civilisation entre l'élite occidentale essentiellement anglo-saxonne et financière cherchant à établir par la contrainte une organisation mondiale unipolaire et les puissances continentales eurasiennes, principalement la Russie la Chine et l'Iran, qui veulent conserver le monde traditionnellement multipolaire de nations souveraines et qui sont rejoints par de nombreuses nations du Sud dans l'alliance multipolaire des BRICS.

Alastair Crook se demande: « Un accord pacifique entre les BRICS et l’Occident est-il possible ? » Il compare la crise de civilisation actuelle avec celle de la Renaissance, lorsque la découverte de l'harmonie naturelle des fresques antiques et de l’intelligence spirituelle des Hermetica libéra la conscience humaine de l'assujettissement théologique. Mais il rappelle comment le Corpus hermeticum fut discrédité par un article pervers d'un calviniste aux ordres du roi d'Angleterre  (ceci après l'exécution de Giordano Bruno par Rome), à la suite de quoi le rideau du rationalisme étouffa l'humanisme holiste néoplatonicien. Crook suppose que ce qui exaspère les élites occidentales c'est l'intuition que toutes les valeurs humanistes rejetées restent préservées et prospèrent en Russie.

Traumatisée par les intrusions idéologiques occidentales, successivement communistes et capitalistes, et menacée par l'expansion à la fois civilisationnelle et militaire de l’OTAN, la Russie cherche à redéfinir sa tradition dans le monde postmoderne.


Le site russtrat affirme que "Poutine a formulé une image de l'avenir de l'humanité : la "synergie des civilisations". L'article rappelle que « Poutine qualifie systématiquement la Russie d’État de civilisation distincte. Aujourd’hui, cette formule a acquis un nouveau sens : Poutine estime qu’elle contient « les principes fondamentaux de l’ordre mondial dont nous espérons la victoire" ».
Poutine n'est ni un philosophe ni un traditionaliste. En tant que dirigeant politique de la Fédération de Russie, il s'appuie sur la tradition orthodoxe du peuple contre l'ingérence étrangère et en juriste il soutient la convention impériale séculaire d'une constitution et justice assurant l'entente et la sécurité intérieure par des droits juridiques et économiques égaux pour tous les citoyens de toutes les régions, ethnies et confessions. Ainsi est conservée la paix depuis des siècles dans le vaste empire qui comprend à part la grande majorité de chrétiens orthodoxes russes une minorité importante de musulmans et en Sibérie  et Orient des petites minorités de bourkhanistes bouddhistes, chamanistes et même un oblast autonome juif. L'’Église orthodoxe russe du patriarcat de Moscou qui a repris l'héritage byzantin après la prise de Constantinople et se dit "Troisième Rome",  est une religion parmi les autres; elle ne revendique pas une exclusivité comme  les monothéismes classiques, le judaïsme, l'Islam, le catholicisme et le protestantisme.

Le philosophe Alexandre Douguine est le théoricien du mouvement traditionaliste eurasiste russe dont le think tank est l'institut Tsargrad médiatisé par le site web Katehon (le terme biblique katechon signifie résistance à la décadence).
J'ai lu en traduction quelques articles du site dont ceux qui commentent le livre majeur de Douguine: « Postphilosophy. Trois paradigmes dans l'histoire de la pensée ». Ce traité très académique présente sa conception de la crise civilisationnelle. Il distingue les paradigmes prémoderne, moderne et postmoderne: Avant la Renaissance, la pensée était spirituelle, dirigée vers la réalité intérieure de la conscience. La modernité apparue à la Renaissance a rejeté la spiritualité et affirmé la rationalité et la réalité extérieure. La philosophie postmoderne rejette l'objectivité et les abstractions de la science et ne retient comme réel que la perception individuelle subjective.
Douguine constate que chaque paradigme garde des fragments du paradigme précédent mais en rejette le principe. Ainsi, après le paradigme postmoderne actuel de l’individualisme subjectif, le prochain paradigme devrait rejeter l'individualisme et il resterait le sujet absolue qu'il appelle "Sujet Radical". Celui-ci serait comparable au pur Soi ou Âtman de l'hindouisme, mais il est comparé aussi au Surhomme de Nietzsche considéré comme une prémonition géniale.
Le traditionalisme eurasiste est une philosophie politique qui s'oppose à l'uniformisation civilisationnelle anglo-saxonne, affirme les différences culturelles historiques et géographiques, déplore la colonisation spirituelle et matérielle du reste de l’humanité par l’Occident et propose une "théologie de la libération" dont le pôle commun serait une nouvelle métaphysique fondée sur les "Sujet Radical".

Je comprends l’opposition à la dégénérescence occidentale et la nécessité d’un  retour à la réalité intérieur de la conscience. Mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec la systématisation historique des trois paradigmes. Comme le rappelle Alastair Crook, la Renaissance était une réaction au dogmatisme clérical et recherchait une spiritualité libérée dans la sagesse retrouvée de l'hermétisme et du néoplatonisme. Ce renouveau spirituel a été supprimé  aussi bien par l’Église catholique avec l'exécution de Giordano Bruno que par la lettre perverse d'un calviniste disqualifiant les Hermetica. Le dogmatisme scientifique ayant succédé au dogmatisme théologique, la question de la libération intellectuelle et spirituelle non résolue par la Renaissance resurgit à présent et fait partie de la crise civilisationnelle actuelle.
Je suis déconcerté par la référence de Douguine aux philosophes idéalistes allemands et à leurs successeurs postmodernes car je considère l'individualisme subjectif comme l'aboutissement final d'une décadence de la pensée occidentale dont la racine est la prétention du monothéisme à la Vérité absolue et à l'exclusivité  fondée sur sa logique de non-contradiction et du tiers exclu. Je suis déçu surtout par l'absence de référence à la Trinité qui est la forme chrétienne de la "Grande triade" que René Guénon a reconnue comme symbole commun à toute tradition, d’autant plus que Guénon est cité en même temps qu’Evola seulement comme  exemples du conservatisme traditionnel.
.Je ne pense pas que la solution aux excès du réalisme de la techno-culture occidentale soit l'extrémisme opposé de l’idéalisme subjectiviste.  Il faut concilier la réalité  objective de la science avec la réalité subjective interne de la conscience.


Avant l’époque moderne  il n’ y a jamais eu de distinction entre science et philosophie. La distinction entre  connaissance objective et conscience subjective est apparue avec le positivisme scientifique et à la faveur du principe de non-contradiction interdisant la coexistence  de la physique et de  la métaphysique, et réduisant la science au niveau de la "terre plate" de l’empirisme.
Au début du vingtième siècle, des scientifiques éminents ont redécouvert le rôle de la conscience dans la formation des théories. Les biologistes Lupasco et von Bertalanffy ont cherché à corriger l’unilatéralité de la méthode scientifique par le principe d’antagonisme et la théorie générale du système. Des épistémologiste tels que Jean Piaget et Francisco Varela ont affirmé que la connaissance "émerge" de l’interaction entre le sujet et l’objet par un processus naturel d’auto-régulation biologique. Même les physiciens ont entretenu des débats à propos du rôle de la conscience et de l’imagination dans la recherche. J’ai expliqué cela en détail avec des citations dans le Chapitre V du livre  "Les trois visages de la vie" aussi hébergé sur mon site.
Mais la science a été confisquée dès la fin de la deuxième guerre mondiale par les universités et les publications anglo-saxonnes et soumise aux standards américains par la censure de la "peer review"; et dès le début du vingt-et-unième siècle la politique a imposé aux scientifiques ses propres théories  telles que le "réchauffement climatique d’origine anthropique", les pandémies et la vaccination en transgressant arbitrairement toutes les règle éthiques et méthodologiques. Depuis des décennies les idées nouvelles continuent à être  publiées et discutées dans les cercles privés. Il faut attendre l’effondrement prochain du système politique et financier de l’Occident pour que la science retrouve son indépendance et s’ouvre aux débats libres.

La science conventionnelle s’est imposée sur tous les continents. Ses théories servent de guides et critères bien qu’elles soient loin d’être indiscutables. Cependant elle est seule autorisée et capable de réaliser un consensus international. Mais pour être compatible avec les différentes traditions et religions des nations elle doit d'abord être transformée. Pour être universellement et éthiquement acceptable, elle doit au moins réaliser une synthèse entre l’aspect quantitatif mesuré et le sens qualitatif perçu de la réalité. Des principes généraux, communs, d’organisation physique biologique et cosmologique ont été découvert mais n’ont pas été exploités ; il suffit de les unir en une théorie systémique compatible avec les principes de la Tradition universelle .

***

L’homme moderne d’éducation scientifique ne peut plus être convaincu par les religions traditionnelles  fondées sur les  mythes et légendes d’une antiquité révolue,  fussent-ils historiques. La science  ne peut certes pas remplacer  les religions, mais en complétant sa méthode de différenciation analytique par une logique d’intégration systémique, elle peut élever la compréhension du monde à une cosmologie holiste compatible avec les sagesses orientales intemporelles qui ne sont pas monothéistes mais monistes.
patanjali
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